Séance du mardi 21 juillet 2020
- Présidence de M. Richard Ferrand
- 1. Questions au Gouvernement
- Gratuité des masques
- Plan de relance européen
- Plan de relance européen
- Plan de relance européen
- Plan de relance européen
- Projet de loi relatif à la bioéthique
- Soutien à la filière du lin
- Incendie de la cathédrale de Nantes
- Plan de relance européen
- Expérimentations territoriales
- Situation au Xinjiang
- Fret ferroviaire
- Plan de relance européen
- Lutte contre l’insécurité
- Congé de proche aidant
- Gratuité des masques
- Prime de feu des sapeurs-pompiers
- Impôts de production
- Politique pénitentiaire
- Incendie de la cathédrale de Nantes
- Prise en compte des territoires
- Politique de la ville
- Aménagement du territoire et politique du logement
- Actes antireligieux
- Zones de revitalisation rurale
- Réforme relative au grand âge et à l’autonomie
- Transition de l’agriculture
- Soutien aux PME et ETI de l’aéronautique et de l’automobile
- 2. Prorogation du code de la sécurité intérieure
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Richard Ferrand
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au Gouvernement
M. le président
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Gratuité des masques
M. le président
La parole est à M. Guillaume Garot.
M. Guillaume Garot
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, hier, vous étiez en Mayenne pour rencontrer les soignants, les bénévoles et les élus engagés dans le dépistage à grande échelle de la population, indispensable pour casser les chaînes de contamination du covid-19.
Deux questions se posent au moment où, partout en France, l’on observe des signes de reprise de l’épidémie. La première concerne les tests : quels moyens humains sont consacrés à la conduite de tests massifs alors que les délais d’attente, pour les prélèvements comme pour les résultats, sont parfois très longs, et que les équipes mobilisées nous disent être très fatiguées ?
La seconde porte sur les masques. Ils sont devenus obligatoires dans les lieux clos recevant du public.
M. Pierre Cordier
Oui, il a changé d’avis…
M. Guillaume Garot
C’est très bien, même si, durant des semaines, vous n’avez cessé de nous dire qu’ils étaient inutiles. Chacun aura compris qu’en réalité, nous n’en avions pas suffisamment.
M. Patrick Hetzel
Très juste !
M. Guillaume Garot
La question qui se pose est celle de la charge financière que les masques, désormais obligatoires, font peser sur les familles. Pour une famille de quatre personnes, la dépense se monte à plus de 200 euros par mois pour des masques chirurgicaux, et à presque 100 euros pour des masques lavables.
M. Erwan Balanant
Mais non ! Il n’y a pas besoin d’acheter des masques chirurgicaux. Il suffit de quatre masques lavables.
M. Guillaume Garot
Le groupe Socialistes et apparentés plaide depuis des semaines pour la gratuité des masques, c’est-à-dire pour leur prise en charge par la puissance publique au nom de la santé publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LT et GDR.)
M. Fabien Di Filippo
Par le contribuable !
M. Guillaume Garot
Si certains Français ne peuvent pas porter de masque pour des raisons financières, notre protection à tous en sera altérée. Il s’agit donc moins d’un coût que d’un investissement dans la santé de tous et de chacun pour sortir au plus vite de cette épidémie qui n’en finit pas.
Monsieur le ministre, le port du masque ne doit pas dépendre du pouvoir d’achat de chacun. Quand allez-vous permettre sa gratuité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
Monsieur Garot, vous m’interrogez sur la situation épidémique en Mayenne. Hier après-midi, j’étais avec vous dans ce beau département pour constater sur place les efforts considérables qui ont été faits, très tôt, pour lutter contre la résurgence de l’épidémie.
M. Fabien Di Filippo
Vous n’avez pas l’air convaincu.
M. Olivier Véran, ministre
Nous avons ensemble visité des structures de test, dont celle de L’Huisserie, qui accueille 550 personnes par jour, mais également des « drive-tests », des camions et l’hôpital.
Vous avez constaté, comme moi, la mobilisation de l’ensemble des agents dans le territoire mayennais pour procéder à des tests de masse. Je remercie la protection civile, les pompiers, les agents des agences régionales de santé et de l’assurance maladie ainsi que la réserve sanitaire, les infirmiers, les aide-soignants et les médecins. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Je ne les citerai pas tous, mais tous sont à pied d’œuvre, jour après jour, nuit après nuit, sans relâche, pour tester un maximum de personnes.
M. Jean-Paul Lecoq
Et la gratuité ?
M. Olivier Véran, ministre
Vous connaissez les conséquences de leur action sur la courbe épidémique : il y a quelques jours, plus de 8 % des tests réalisés en Mayenne étaient positifs, ce qui nous avait alertés ; hier, le chiffre était tombé à 3 %, ce qui atteste que notre politique volontariste porte ses fruits. J’espère sincèrement avec vous, monsieur le député, qu’elle aura bientôt des résultats sur le taux d’incidence. Néanmoins, l’application des gestes barrières s’impose pour les habitants du département, comme pour toute la population française.
M. Jean-Paul Lecoq, M. Stéphane Peu et M. Cédric Roussel
Et la gratuité ?
M. Olivier Véran, ministre
L’État a très tôt fait distribuer gratuitement cinq millions de masques par semaine via les centres communaux d’action sociale et les communes…
Mme Valérie Rabault
Ce n’est pas vrai !
M. Pierre Cordier
C’est trop peu !
M. Olivier Véran, ministre
…et il va reprendre cette distribution de masques gratuits pour le public précaire, notamment pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Par ailleurs, les deux millions de Français présentant une fragilité peuvent obtenir le remboursement des masques chirurgicaux achetés sur prescription en pharmacie. Les masques, nous les avons en quantité, et nous invitons les Français à les porter massivement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Pierre Cordier
C’est insuffisant !
Plan de relance européen
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Certes, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, vous pourriez dire : « Il y a un an, jamais cela n’aurait pu se dérouler ainsi. Jamais l’Allemagne n’aurait lâché sur le principe d’un endettement commun. » Et nous aurions pu nous en satisfaire. Point.
Après des négociations marathon, Emmanuel Macron a dit ce matin que le jour était historique pour l’Union européenne.
M. Pierre Cordier
Le jour historique, c’est quand il sera battu !
M. Jean-Paul Lecoq
En effet, il l’est ; mais pas pour les bonnes raisons. Les « frugaux » – Pays-Bas, Danemark, Autriche et Suède – ont définitivement pris le pouvoir. Ils ont imposé toutes leurs conditions (« Oh ! » sur les bancs du groupe LaREM) et leur vision d’une solidarité au rabais : baisse du total des subventions de 500 à 390 milliards d’euros, rabais des cotisations de ces pays au budget européen et conditionnalité des aides.
Et la conditionnalité des aides, on connaît ! Du Club de Paris au FMI, on sait ce que ça signifie : l’austérité de force, l’ouverture forcée des services publics au marché et la concurrence fiscale et sociale entre les États. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
La souveraineté des États membres de l’Union européenne sera encore mise à mal pour permettre aux obsédés du budget de s’immiscer partout, aux dépens, comme toujours, des peuples.
Après la crise de la zone euro, le massacre de la Grèce par la Troïka et le Brexit, l’Union européenne peine à être ambitieuse. Devons-nous vous rappeler que, comparé aux 390 milliards du plan de l’Union européenne, le plan de relance américain est de plus de 2 000 milliards de dollars, sans compter les États fédérés ? Devons-nous vous rappeler que, pour valider le plan européen, la Commission a dû accepter une diminution du budget de la politique agricole commune, des aides à la transition écologique et du budget de la santé ?
Un député du groupe LaREM
Faux !
M. Jean-Paul Lecoq
Une honte, au regard des attentes des citoyens européens ! Ce plan organise des solidarités capitalistes contre les peuples. Les députés communistes vous demandent pourquoi vous avez accepté de sacrifier la démocratie et les droits humains en soutenant les paradis fiscaux sur l’autel du profit. (MM. Bruno Studer et Éric Bothorel protestent.) Comme toujours dans cette Europe libérale, l’argent vaut plus que les gens. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
C’est un accord historique, que vous le vouliez ou non. (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.) Historique, car l’Europe n’a pas raté son rendez-vous avec elle-même. Historique, parce qu’il permet à l’Union de se doter d’un fonds de relance massif de 750 milliards…
M. Fabien Di Filippo
Combien la France va-t-elle toucher ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
…pour répondre à la crise du covid-19 et relancer l’économie. (Protestations sur les bancs du groupe FI.)
M. Thibault Bazin
Avec des taxes !
M. Fabien Roussel
En échange de plans d’austérité !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
Historique, car, pour la première fois dans son histoire, le principe d’un endettement commun est décidé.
Vous le savez, puisque vous avez fait référence à d’autres moments de l’histoire, des tentatives avaient déjà été faites, y compris au moment de la crise grecque et lors de la crise de 2008. Aujourd’hui, nous sommes au rendez-vous : l’engagement réussi d’un endettement commun est remarquable et marque un tournant dans la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.)
Par ailleurs, et contrairement à ce que vous prétendez, grâce à la manière dont il est structuré, et notamment aux 390 milliards de subventions, le plan de relance constitue un mécanisme de solidarité.
M. Thibault Bazin
C’est loin de 500 milliards !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
Ce fonds permettra d’aider les régions et les pays les plus en difficulté. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Un député du groupe LR
Qui va payer ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
Il était normal d’aider l’Italie et l’Espagne,…
M. Fabien Di Filippo
Et la France ? Elle ne va rien toucher !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
…premières touchées par la crise, qui, en ayant tiré les leçons, nous ont permis d’être relativement épargnés par la pandémie. L’Europe a été au rendez-vous de la solidarité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
La France était confiante. Mais, si ce résultat a pu être atteint – vous aviez commencé à le dire, et il est dommage que vous n’ayez pas poursuivi –, c’est parce qu’il existait une entente incontournable entre la France et l’Allemagne. Elle est indispensable pour rassembler autour de nos deux pays les forces nécessaires pour faire avancer l’Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Plan de relance européen
M. le président
La parole est à Mme Valérie Gomez-Bassac.
Mme Valérie Gomez-Bassac
Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jacques Delors, dont tous, dans cette assemblée, savent la contribution cruciale à la construction européenne, fêtait hier ses quatre-vingt-quinze ans. Je tiens, en ce jour historique pour l’Union européenne, à lui témoigner ma reconnaissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM, LT et Agir ens.)
M. Pierre Cordier
On espère que Martine lui a fait un beau cadeau !
Mme Valérie Gomez-Bassac
Au lendemain de la crise de 2008, il posait la question en ces termes : « Les Européens ont le choix entre la survie ou le déclin. » Après quatre jours passés par le Président de la République à Bruxelles pour défendre un accord que d’aucuns auraient cru impossible, le résultat est là : au lendemain d’une crise sanitaire sans pareille, les chefs d’État et de gouvernement européens ont fait le choix de la survie, le choix de la solidarité, le choix de l’union plutôt que de la division.
Certains voudraient nous faire croire que cet accord n’en est pas un. Mais où étaient-ils en 2008, quand il fallait éviter que l’Europe perde pied ?
M. Pierre Cordier
Merci Sarkozy ! Heureusement qu’il était là !
Mme Valérie Gomez-Bassac
Les Français ont bonne mémoire : ils savent qu’aucun accord n’avait été trouvé et ils avaient payé un lourd tribut. Nous voyons l’avènement d’un jour nouveau pour la construction européenne : après quatre journées d’âpres négociations, je salue l’abnégation du Président de la République (« Oh ! » sur les bancs du groupe LR) et votre travail préalable pour un plan de relance franco-allemand, qui a ouvert la voie au plan de relance européen. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.)
Monsieur le ministre, en quoi l’accord sur un emprunt de 750 milliards d’euros et sur un budget de 1074 milliards sur sept ans permet-il aux États membres de faire vivre la solidarité contre l’adversité et à l’Europe de s’ouvrir à une nouvelle dimension qui assurera sa souveraineté face aux autres puissances, qui se seraient délectées de la voir échouer ? Pouvez-vous rappeler à l’Assemblée en quoi l’accord est historique pour les Français, qu’ils soient de Carnoules ou de Redon, d’Illkirch ou de Pau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Pierre Cordier
Oui, il faudrait nous le dire !
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Vous avez cité Jacques Delors. Je ne lui souhaiterai pas son anniversaire de la même manière que vous, mais je le ferai aussi. Il a aujourd’hui quatre-vingt-quinze ans. Quand il était président de la Commission, il avait l’usage de répéter que l’Europe se construisait dans les crises. Or c’est bien une crise que nous traversons, et c’est bien une étape supplémentaire de la construction européenne que nous venons de vivre.
Puisque j’ai déjà en partie répondu à votre question dans ma réponse à M. Lecoq, permettez-moi de préciser que nous menions deux négociations en une. À vingt-sept, nous débattions à la fois du plan de relance, ses conditions et sa structure, et du cadre financier pluriannuel pour les sept ans à venir. L’enjeu de ces quatre jours était donc une somme de 1 824 milliards. Et, sur la deuxième partie de la négociation, que l’on oublie un peu, les attentes françaises ont été satisfaites. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. Éric Coquerel
C’est une blague !
M. Thibault Bazin
En sacrifiant l’agriculture !
M. Pierre Cordier
Très juste !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
En effet, monsieur Lecoq, les politiques communes traditionnelles que nous soutenons ont été non seulement préservées, mais renforcées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Je pense ici à l’enveloppe globale de la PAC et à la politique de cohésion, et plus particulièrement à la préservation, pour les sept prochaines années, du statut des régions dites en transition, qui concerne particulièrement la France. (Protestations sur les bancs du groupe FI.) Le budget permettra aussi d’investir dans l’avenir pour sept ans…
M. Julien Aubert
Pas dans l’agriculture !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
J’ai cité la PAC, mais vous ne m’avez manifestement pas entendu. Le budget prévoit d’investir dans des domaines essentiels pour l’avenir, comme l’ambition climatique, puisqu’il a été décidé, à la demande de la France, qu’au moins 30 % du budget y serait consacré. Il y a aussi un engagement très fort en direction de la jeunesse.
M. le président
Merci, monsieur le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
Tout cela constitue un ensemble porteur pour l’avenir de l’Europe, au service des Européennes et des Européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Plan de relance européen
M. le président
La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel
Monsieur le Premier ministre, à propos du sommet européen, votre propagande grandiloquente parle de jour historique. Je vous réponds avec réalisme : c’est une faillite tragique ! (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.– Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Pendant que les dirigeants européens jouent les marchands de tapis, nos concitoyens n’ont toujours pas vu le début d’une once de cette prétendue Europe qui protège.
La situation est grave. Nous, Français, comme d’autres, avons dû arrêter presque tout le pays. Nos services publics, à l’instar de l’hôpital, sont minés par des années d’austérité budgétaire voulue par l’Union européenne.
Nous, peuples européens, avons besoin d’un grand plan de relance de notre économie,…
Un député du groupe LaREM
Nous l’avons !
M. Éric Coquerel
…pas pour bavarder et s’auto-congratuler dans un sommet, mais pour survivre.
Mais, l’Union européenne que vous avez construite n’est pas celle de la solidarité des peuples ;
M. Bruno Studer
C’est faux !
M. Éric Coquerel
C’est celle du libre-échange, de l’austérité et de la concurrence à tous les étages.
Comment avez-vous pu croire que le monstre libéral que vous avez nourri choisirait subitement la coopération, la relance massive par la transition écologique et l’investissement dans la santé publique ? Le résultat est là : les montants négociés sont finalement indigents au regard des 2 000 milliards d’euros qu’avait proposés le Parlement européen.
Votre plan de relance ne relance rien, puisqu’il ne couvre même pas la moitié des pertes liées à l’épidémie de covid-19. Vous avez cédé pour un accord de boutiquier ; vous avez cédé au chantage des égoïstes, alors que les pays enterrent encore leurs morts : 30 000 en France, 28 000 en Espagne et 35 000 en Italie.
Pire, l’accord donne à l’Union européenne un nouvel outil de chantage pour imposer des plans d’austérité à nos pays.
Un député du groupe LaREM
Démago !
M. Éric Coquerel
Dans le même temps, lors des débats, n’a même pas été envisagée la solution que nous proposions consistant à transformer la dette, par le biais de la Banque centrale européenne, en dette perpétuelle pour l’annuler.
Après le résultat catastrophique du Conseil européen, c’est l’avenir de l’Union européenne qui est en jeu. Celle-ci ne pourra survivre à des disparités économiques d’une telle ampleur entre ses États membres. (Exclamations sur les bancs du groupe MODEM.)
Plus grave, c’est l’avenir de notre pays, des Français qui est en jeu.
Je vous le demande donc solennellement : comptez-vous enfin investir dans un plan de relance français, pour éviter un décrochage de notre économie, dans lequel les financements seraient conditionnés à des critères écologiques et sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. Erwan Balanant
Justement, avec l’argent de l’Europe !
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Où en étions-nous au début des négociations à Bruxelles ?
Certains pays plaidaient pour une relance minimale ; ils étaient opposés à un emprunt commun, aux subventions, aux transferts, à la redistribution ; ils souhaitaient un droit de veto sur les plans de relance des différents états ; ils ne voulaient pas entendre parler de ressources propres.
M. Erwan Balanant
Tous des gouvernements de gauche !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
Où en sommes-nous à l’issue du Conseil européen ?
L’accord prévoit un plan de relance doté de 750 milliards d’euros ; (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM) ; 390 milliards de subventions (« Eh oui » sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM) ; un emprunt collectif inédit (Mêmes mouvements) ; une distribution de subventions principalement destinée aux pays et régions les plus pauvres – je m’étonne que vous ne le releviez pas – (Mêmes mouvements) ;…
M. Julien Aubert
Et tout cela, c’est gratuit !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
…le refus d’accorder un droit de veto sur les plans de relance étatiques (Mêmes mouvements) ; l’affirmation du principe de ressources propres. (Mêmes mouvements.)
Vous appelez cela un échec. J’appelle cela une avancée historique. (Mmes et MM. les membres des groupes LaREM et MODEM ainsi que M. Bertrand Pancher et plusieurs membres du groupe Agir ens se lèvent et applaudissent longuement.)
Plan de relance européen
M. le président
La parole est à M. Patrick Mignola.
M. Patrick Mignola
Oui, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, cette nuit, l’idée européenne aurait pu s’éteindre. Mais, grâce à l’intervention de l’Allemagne et de la France, les dirigeants européens se sont ressaisis ; ils ont trouvé les voies d’un compromis ; ils ont enfin pris conscience que, bâtie sur les idées de paix et de prospérité, l’Europe devait poursuivre son chemin en s’appuyant sur la solidarité. Pour la première fois, les États membres ont décidé d’emprunter ensemble pour investir ensemble ! (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Les Français ont bien fait en 2017 de choisir un Président de la République qui croyait en l’Europe (Mêmes mouvements) – y croire, c’est la condition pour convaincre les Européens –, un président qui pensait que celle-ci sert non pas seulement à réguler l’économie mais à protéger nos valeurs et nos vies.
M. Pierre Cordier
Vous serez secrétaire d’État dans vingt minutes !
M. Patrick Mignola
D’autres défis sont encore devant nous : le green deal, les infrastructures de transport, le contrôle aux frontières en matière sanitaire ou migratoire, la juste taxation des GAFA, l’invention de nouveaux accords commerciaux internationaux, enfin exigeants sur le plan écologique et social. (M. Jimmy Pahun applaudit.)
M. Adrien Quatennens
Zéro !
M. Fabien Roussel
Envoyez la note aux Français ; ensuite, on en reparlera !
M. Patrick Mignola
Les solutions à ces questions ne pourront pas toutes être le fruit de compromis. Comme le rappelle régulièrement Jean-Louis Bourlanges, lorsque la France et l’Allemagne présideront l’Union européenne, nous devrons proposer de nouvelles modalités de prise de décision. L’Europe doit être plus démocratique. La démocratie, ce n’est pas toujours l’unanimité ; l’unanimité, c’est parfois la tyrannie des minorités. L’Europe doit être une démocratie dans laquelle une majorité, éventuellement qualifiée, s’exprime.
Monsieur le Premier ministre, quelles seront les propositions de la France lorsqu’elle présidera l’Union européenne pour que, après avoir choisi d’emprunter et d’investir ensemble, les États membres puissent mieux décider ensemble et prolonger ainsi ce que nous avons connu cette nuit : la renaissance européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Pierre Cordier
Amen !
M. le président
La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre
Comme à chaque fois en temps de crise, la France a été au rendez-vous de la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Je le rappelle à la représentation nationale, elle l’a fait en s’inscrivant dans les pas du général de Gaulle et du chancelier Adenauer. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Thibault Bazin
Apostat ! Imposteur !
M. Christian Jacob
Pour qui vous prenez-vous ? Un peu de modestie !
M. Pierre Cordier
Dans cinq minutes, il va citer François Mitterrand !
M. Jean Castex, Premier ministre
C’est, une nouvelle fois, l’alliance franco-allemande, portée par le Président de la République et la Chancelière, qui a été à l’origine, ne vous en déplaise, de cet accord historique. (Mêmes mouvements)
J’ai vécu, comme nombre d’entre vous ici, la précédente crise de 2008-2010…
M. Hubert Wulfranc
Avec Nicolas Sarkozy !
M. Thibault Bazin
Vous n’étiez pas un traître à l’époque !
M. Jean Castex, Premier ministre
…qui avait posé des problèmes essentiels auxquels nous avions consacré une immense énergie. À l’époque, l’Europe n’avait été au rendez-vous ni en matière budgétaire, ni en matière monétaire. Il s’en était suivi, après une phase de relance, une période d’austérité particulièrement préjudiciable à notre pays et aux Français.
M. Thibault Bazin
Nous nous en sommes relevés sans l’Europe !
M. Pierre Cordier
Ce n’est pas bien de critiquer son ancien patron !
M. Jean Castex, Premier ministre
Nous savons aujourd’hui qu’il en ira différemment. L’accord obtenu à Bruxelles, après des négociations acharnées – sans doute les plus longues qu’ait connues un sommet de cette nature –, s’accompagne d’une évolution profonde depuis le début de la crise sanitaire de l’attitude de la Banque centrale européenne, évolution dans laquelle la France et l’Allemagne ont joué un rôle moteur.
Politique budgétaire nouvelle, politique monétaire nouvelle : nous ne les avions pas obtenues par le passé avec une telle ampleur.
M. Fabien Di Filippo
Tartuffe !
M. Jean Castex, Premier ministre
L’Europe s’occupe de nous ; l’Europe vient nous protéger. C’est son rôle.
M. Thibault Bazin
N’importe quoi ! Combien ça va coûter ?
M. Jean Castex, Premier ministre
Nous bénéficierons très directement du plan de relance européen, à hauteur d’environ 40 milliards, pour financer notre plan de relance national. Un tel montant est inédit et significatif.
M. Thibault Bazin
Qui va payer ?
M. Fabien Di Filippo
Dites la vérité, on va créer un impôt européen !
M. Jean Castex, Premier ministre
Combien aurions-nous par le passé aimé disposer de la moitié de cette somme !
M. Thibault Bazin
Où est la souveraineté ?
M. Jean Castex, Premier ministre
Nous comptons peser davantage pour faire évoluer la politique de la concurrence et la politique douanière extérieure de l’Europe, pour verdir sa politique fiscale, pour favoriser l’émergence de grands champions européens.
Oui, une voie nouvelle s’ouvre, à l’origine de laquelle se trouve la France. Nous comptons poursuivre dans cette voie et aller plus loin encore. (Applaudissement sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Agir ens.)
Projet de loi relatif à la bioéthique
M. le président
La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard
Ma question s’adresse au Premier ministre.
C’est au cœur de l’été, en pleine crise économique, que vous avez voulu présenter en catimini la seconde lecture du texte bioéthique.
M. Patrick Hetzel
Eh oui ! Assumez-le !
Mme Annie Genevard
Le 14 juillet, le Président de la République n’a pas dit un mot sur le sujet. Pas un mot non plus dans votre déclaration de politique générale, monsieur le Premier ministre. (Mme Agnès Thill applaudit.)
C’est pourtant l’un des premiers textes que le Gouvernement que vous dirigez soumet au Parlement. Personne ne comprendrait que vous restiez silencieux sur un texte aussi fondamental, à moins de vouloir vous dérober.
Monsieur le Premier ministre, j’attends que vous répondiez. Vous ne pouvez pas vous dérober, vous êtes le chef de la majorité. C’est pourquoi je vous pose solennellement une question simple : quel est votre avis sur ce texte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Meyer Habib applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé. (Protestations bruyantes sur les bancs du groupe LR. – Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Monsieur le ministre, attendez. (Huées sur les bancs du groupe LR.)
Cessez ces enfantillages (Brouhaha persistant sur les bancs du groupe LR). Le Gouvernement répond par la voix du ministre de son choix. C’est la règle. Elle s’applique en tout temps et à tout le monde (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM). Monsieur le ministre, et lui seul, a la parole. (Huées sur les bancs du groupe LR.)
M. Xavier Breton
Nous ne l’avons pas vu une seule minute en commission !
M. Michel Herbillon
C’est une dérobade !
Un député du groupe LR
Poule mouillée !
M. Fabien Di Filippo
Trouillard !
M. le président
Écoutez la réponse !
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
Vous l’aurez constaté, madame Genevard, je ne suis pas le Premier ministre. Je comprends que cela vous attriste, mais sachez que nous sommes non pas un, mais trois ministres chargés du projet de loi relatif à la bioéthique : Éric Dupont-Moretti, pour la justice, Frédérique Vidal, pour l’enseignement supérieur et la recherche, et moi-même, pour les solidarités et la santé.
J’ai eu l’occasion de répondre à la même question posée par votre collègue Patrick Hetzel il y a quinze jours. Vous avez utilisé une expression identique : « en catimini » pour qualifier les conditions d’examen du texte.
M. Xavier Breton
Quel manque de courage !
M. Olivier Véran, ministre
J’avais fait valoir à votre collègue que plus d’un an de travaux législatifs, c’était très long pour un examen en catimini. En outre, celui-ci avait été précédé des travaux du Comité consultatif national d’éthique, de l’Office parlementaires des choix scientifiques et technologiques.
M. Xavier Breton
Qu’en pense le Premier ministre ? Rien ? Quel manque de courage !
M. Michel Herbillon
Quelle lâcheté ! Et en plein été !
M. Olivier Véran, ministre
La commission spéciale, à laquelle vous avez activement pris part, madame la députée, s’est déjà prononcée à deux reprises. La majorité et les oppositions au Sénat ont pu s’exprimer une première fois et le feront de nouveau.
Le projet de loi relatif à la bioéthique, qui porte en lui des avancées sociales, sociétales, médicales et scientifiques, est attendu par une grande partie de la population française. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Michel Herbillon
Personne ne vous croit !
M. Olivier Véran, ministre
Au-delà des sujets sociétaux qui opposent une partie de votre groupe à une partie de la majorité, le texte aborde d’autres sujets d’intérêt majeur pour l’avancée de la science et de la santé dans notre pays, qui justifient pleinement son adoption dans les délais impartis. Je me réjouis d’être avec vous la semaine prochaine dans cet hémicycle pour adopter, en deuxième lecture, ce beau projet de loi. (Mêmes mouvements.)
M. Michel Herbillon
Nous, nous ne réjouissons pas !
M. le président
La parole est à Mme Annie Genevard.
Mme Annie Genevard
Monsieur le Premier ministre, nous aurions aimé vous entendre sur l’éviction du père dans la conception d’un enfant, au mépris de son intérêt supérieur.
C’est un changement de civilisation, selon les défenseurs du texte – ce n’est pas nous qui le disons, c’est vous.
Nous aurions aimé vous entendre sur la réécriture du droit de la filiation ; sur l’échange d’ovocytes au sein de couples de femmes qui est une forme de gestation pour autrui à laquelle vous prétendez vous opposer (Mêmes mouvements. – Mme Agnès Thill applaudit également) ; sur le tri des embryons pour dépister le handicap, en contradiction avec l’inclusion que nous prônons tous ; sur le mélange monstrueux de cellules animales et humaines, transgressant la barrière des espèces.
Voilà la réalité de ce projet de loi qui franchit des limites éthiques dont vous, monsieur le Premier ministre, avez choisi de ne rien dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mmes Agnès Thill et Emmanuelle Ménard ainsi que M. Meyer Habib applaudissent également.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre
Vingt-deux secondes ne suffiront jamais, madame la députée, pour que je vous dise, au-delà du respect que j’ai pour vos convictions et votre travail, ce que m’inspirent les mots que vous avez employés, « tri » et « chimère », sans parler du doigt que vous pointez vers un projet de loi qui n’est pas celui que vous décrivez, qui aborde au contraire les sujets de l’amour, de la famille, de la filiation, de la recherche, de la santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM – Huées sur les bancs du groupe LR.)
Ce projet de loi relatif à la bioéthique ne traite pas d’autre chose et vous devriez faire attention aux termes que vous utilisez, madame la députée, car derrière eux se trouvent des familles, qui souffrent et vous entendent. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, dont quelques députés se lèvent – Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Soutien à la filière du lin
M. le président
Retrouvons nos esprits et écoutons en silence M. Xavier Batut.
M. Xavier Batut
Ma question, à laquelle j’associe ma collègue Séverine Gipson, s’adresse au ministre de l’agriculture et de l’alimentation. La France est le leader mondial de la production de lin.
Les agriculteurs normands en assurent 60 %, suivis par ceux des Hauts-de-France et d’Île-de-France. Dans un contexte de crise sanitaire inédit, l’Asie qui importe 80 % de la production de nos régions, a brutalement annulé ses commandes. Alors que la campagne d’arrachage du lin a commencé dans nos territoires, l’arrêt des exportations a de lourdes conséquences pour toute la filière, à commencer pour les 6 500 liniculteurs français qui dépendent aujourd’hui du marché mondial du textile.
De surcroît, les transformateurs, c’est-à-dire les teilleurs, les peigneurs, les filateurs, subiront de plein fouet cette crise conjoncturelle qui pourrait, ces prochains mois, glisser vers une crise structurelle.
Fibre naturelle, le lin présente des atouts considérables. Qui plus est, ses caractéristiques permettent de fabriquer des produits biosourcés.
J’ai rencontré, avec plusieurs de mes collègues députés, les différents acteurs de la filière du lin en France. S’ils ont apprécié les mesures d’urgence décidées dans le cadre de la crise sanitaire, ils attendent des mesures fortes à court terme. Il conviendrait ainsi d’accompagner tout d’abord les premiers acteurs de la filière pour le financement, le stockage et l’engrangement de la paille ou de la filasse. Il faudrait ensuite soutenir les organisations professionnelles qui assurent la promotion du lin auprès du grand public, afin de relancer la consommation.
À moyen terme, il faudra accompagner financièrement les démarches que la filière engagera pour innover dans la recherche et développement, en particulier pour la destination technique de cette fibre, afin de ne plus dépendre entièrement de l’Asie.
Enfin, les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique, des énergies renouvelables ou de l’habillement, bénéficient de mesures d’accompagnement de l’État. Ce dernier étant aussi donneur d’ordre, il faut prendre en compte le lin qui présente des valeurs ajoutées par rapport aux fibres fossiles.
Quel plan d’action est prévu pour préserver le dynamisme de la filière du lin et comment l’intégrer dans le plan de relance ?
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation
La filière du lin, comme toutes les filières agricoles, bénéficiera de l’accord trouvé cette nuit car cet accord historique européen permet de conforter la politique agricole commune. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Loïc Prud’homme
C’est faux !
M. Julien Denormandie, ministre
Cet accord, qui permettra de mener une politique agricole commune plus solidaire, de financer les transitions écologiques et de préserver le budget, est le fruit de l’engagement du Président de la République et de la France auprès des partenaires européens pour que la première proposition de l’année dernière soit revue considérablement à la hausse.
Des sommets bruxellois, je redescends dans les plaines normandes et la région des Hauts-de-France où un terrible défi nous attend : accompagner et promouvoir la filière du lin qui est une filière d’excellence même si elle reste méconnue. À l’initiative de plusieurs parlementaires, je porte aujourd’hui une cravate en lin fabriquée en France, pour témoigner de l’excellence de cette filière. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme Barbara Pompili, ministre
Absolument.
M. Julien Denormandie, ministre
Nous devons pousser la promotion, les stockages, malgré les difficultés. Nous devons également inclure la filière du lin dans le plan de relance, au même titre que les autres filières agricoles. Je prends, devant vous, l’engagement d’aider cette filière, au niveau de Bruxelles comme au niveau national. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Pierre Cordier
Les chaussettes sont fabriquées en Chine.
Incendie de la cathédrale de Nantes
M. le président
La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme Brigitte Kuster
Madame la ministre de la culture, à peine plus d’un an après l’incendie de Notre-Dame, la cathédrale de Nantes a été, à son tour, la proie des flammes et un nouveau malheur a frappé notre patrimoine religieux national. Je me réjouis, bien évidemment, que les deux cathédrales ne soient, a priori, plus en danger et je salue l’incroyable courage des centaines de pompiers qui sont intervenus pour sauver ces deux édifices. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Face aux périls qui menacent le patrimoine religieux national, il convient de s’interroger sur les moyens financiers qui permettraient de sécuriser les cathédrales. Certes, un plan, doté de 2 millions d’euros, a été adopté en 2020 pour y pourvoir, mais ce premier geste est malheureusement insuffisant. En effet, le rapport établi en 2019 par notre collègue Gilles Carrez révélait que, sur les quatre-vingt-sept cathédrales dont l’État est propriétaire, seules vingt-deux sont en bon état. En revanche, quarante-sept se trouvent dans un état jugé moyen, quinze sont en mauvais état et deux sont même considérées en état de péril partiel ! Ce diagnostic est alarmant et cette situation inacceptable ne saurait perdurer.
Vous héritez donc d’une situation difficile mais l’urgence impose que l’État, propriétaire de ces édifices, assume ses responsabilités. En tant que nouvelle ministre de la culture, quelles actions comptez-vous mener et quels moyens supplémentaires entendez-vous mettre au service de la sécurisation des cathédrales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour l’action que vous menez à la tête de la mission d’information pour le suivi de l’application de la loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet. Je salue également l’action de votre collègue, Raphaël Gérard, qui fut rapporteur de cette mission et s’est particulièrement impliqué dans la défense du patrimoine. Il est gravement atteint par le coronavirus et je lui adresse mes vœux de prompt rétablissement.
Vous avez salué l’action des forces de sécurité, des pompiers de Nantes et d’Ille-et-Vilaine. Je les ai remerciés également, avec le Premier ministre et le ministre de l’intérieur car ils ont accompli un remarquable travail. J’ai également remercié les services de la direction régionale des affaires culturelles qui se sont chargées de déplacer les œuvres d’art situées dans la cathédrale.
M. Fabien Di Filippo
Ce n’est pas la question.
Mme Roselyne Bachelot, ministre
Grâce au ministre de la culture de l’époque, Franck Riester, un plan pour assurer la sécurité des cathédrales avait été lancé. (Quelques exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier
Un grand ministre !
M. Fabien Di Filippo
Il était tellement bon qu’il a été viré ! Personne ne s’est rendu compte qu’il était ministre de la culture !
Mme Roselyne Bachelot, ministre
Le diagnostic de la cathédrale de Nantes n’avait pas relevé de difficultés considérables mais nous poursuivrons ce diagnostic et les importants travaux prévus seront réalisés. Ainsi, le plan prévoyait de financer divers travaux à hauteur de 15 millions, dont 1,7 million pour restaurer et entretenir l’orgue, hélas à terre aujourd’hui. Nous poursuivrons ce travail.
L’accord trouvé à Bruxelles permet de dégager des sommes considérables et nous ne doutons pas qu’une partie sera consacrée à la culture et à la préservation du patrimoine. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président
La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme Brigitte Kuster
J’attends de mon Gouvernement, avant qu’il ne sollicite des subsides de l’Europe, qu’il apporte des réponses fermes. La protection et la restauration du patrimoine doivent être une priorité pour tous. Pas moins de quatre-vingt-sept cathédrales, qui constituent notre patrimoine religieux, appartiennent à l’État. L’État est responsable et nous ne saurions nous satisfaire de votre réponse, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Plan de relance européen
M. le président
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Ma question s’adresse au ministre de l’économie et des finances qui est aussi, rappelons-le, celui de la relance.
Notre groupe salue l’accord trouvé, cette nuit, au Conseil européen, car la signature d’un plan de relance qui s’appuie sur un emprunt commun aux Vingt-sept…
M. Fabien Di Filippo
Et la création d’un impôt européen !
M. Michel Castellani
…est une avancée indéniable de la construction européenne même si notre enthousiasme peut être tempéré par les rabais octroyés à certains pays ou les concessions accordées dans le cadre du prochain budget pour la période 2021-2027. Il demeure que cet accord est un tournant.
Il doit désormais être décliné dans chaque pays membre. Dès le 3 juin, l’Allemagne dévoilait un plan de relance de 130 milliards pour deux ans. La semaine dernière, le Premier ministre a esquissé un plan de 100 milliards.
Si nous avons bien compris, 40 % de ce montant sera financé par l’Europe et le plan européen ne s’ajoutera pas au plan français, lequel devrait être dévoilé lors du conseil des ministres du 24 août et intégré dans le projet de budget pour 2021. Le hiatus est regrettable.
Nous avons insisté sur la nécessité de nous projeter rapidement dans la relance car la vague de défaillances des entreprises est imminente.
Par ailleurs, 30 % du budget du plan européen sera consacré à la lutte contre le réchauffement climatique, contre seulement 20 % du plan français. Corrigerez-vous votre répartition ? Nous regrettons d’ailleurs que l’accord obtenu autour du troisième projet de loi de finances rectificative ait fait sauter les avancées destinées à accélérer la rénovation énergétique des habitations.
Dans la déclinaison de ce plan de relance, il nous semble indispensable d’associer sans attendre le Parlement et les collectivités, notamment l’échelon régional. Aussi, monsieur le ministre, vous faisons-nous une proposition : organisez la consultation du Parlement et des territoires, quitte à y travailler tout l’été. Le Président de la République évoquait l’union nationale : êtes-vous prêt à saisir l’occasion de la mettre en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance
C’est vrai, l’accord trouvé cette nuit est un immense succès, pour le Président de la République, pour cette majorité, pour la France, pour le couple franco-allemand, pour l’Europe tout entière. La France pourra ainsi disposer immédiatement de 40 milliards pour financer le plan de relance de 100 milliards que je présenterai, à la demande du Premier ministre et du Président de la République, au conseil des ministres le 24 août.
M. Marc Le Fur
C’est bien tard !
M. Bruno Le Maire, ministre
Les consultations ont déjà commencé puisque, à 17 heures, je discuterai avec des parlementaires – vous êtes le bienvenu –, des différentes mesures et propositions qui doivent permettre d’assurer la relance.
Je consulterai demain, à la demande du Premier ministre, l’ensemble des partenaires sociaux pour discuter des mesures économiques les plus efficaces, en gardant à l’esprit un seul objectif, celui de l’emploi, et en priorité l’emploi des jeunes, dès la rentrée prochaine.
Quant à la relance, je tiens à vous rassurer, elle est d’ores et déjà d’actualité puisque les mesures inscrites dans le troisième projet de loi de finances rectificative seront immédiatement applicables et devraient permettre de soutenir avec efficacité la croissance.
Pour ce qui est du caractère durable de cette relance, vous avez regretté que seuls 20 % du budget du plan de relance français soient consacrés à l’environnement et à la transition écologique. Avec Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, j’ai souhaité porter à 30 % la part des crédits de la relance consacrés à la transition écologique. Notre relance sera verte ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Expérimentations territoriales
M. le président
Avant de lui céder la parole, je veux adresser à M. Éric Straumann nos félicitations pour son élection à la tête de la ville de Colmar et lui adresser tous nos vœux de succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Éric Straumann
Merci, monsieur le président. Je quitte la plus belle capitale au monde pour prendre la première magistrature de la plus belle ville de France, Colmar. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé, dans votre discours du 15 juillet, une nouvelle étape de la décentralisation, pour rendre rapidement plus efficace et plus cohérente l’organisation territoriale.
Vous connaissez les particularismes de l’Alsace pour y avoir vécu plusieurs années. La création de la collectivité européenne d’Alsace fut un début de réponse au gigantisme des grandes régions qui ne tiennent pas compte des réalités historiques et géographiques. (M. Marc Le Fur applaudit.)
M. Jean-Luc Mélenchon
C’est ça, voilà !
M. Éric Straumann
Vous avez évoqué le droit à la différenciation. Dans ce contexte, je vous suggère de fusionner les compétences de la région et de la nouvelle collectivité européenne d’Alsace pour réduire le millefeuille institutionnel.
M. Marc Le Fur
Très bien !
M. Éric Straumann
Cette mesure efficace, qui va dans le bon sens, permettrait de réaliser des économies en réduisant les coûts de fonctionnement de nos collectivités.
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales
Je tiens tout d’abord à vous féliciter moi-même pour votre élection comme maire de Colmar et comme président de l’agglomération. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Vous avez privilégié le mandat de maire : je sais par expérience les satisfactions que vous procurera la proximité avec vos administrés.
M. Fabien Di Filippo
Bravo à M. Guerini pour son élection !
Mme Jacqueline Gourault, ministre
Vous avez parlé de différenciation et de décentralisation : il est vrai que nous présenterons au conseil des ministres du 29 juillet un projet de loi organique conçu comme un nouvel outil facilitant le recours aux expérimentations territoriales, lesquelles sont plébiscitées sur le terrain.
Je dois d’ailleurs souligner que l’Alsace a été, au fond, une expérience réussie en la matière.
M. Éric Straumann
Mais inachevée.
Mme Jacqueline Gourault, ministre
Je vous remercie de votre implication dans l’aboutissement de ce projet, aux côtés de tous les Alsaciens présents dans l’hémicycle : l’accord était unanime. Je citerai également Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l’insertion, alors présidente du conseil départemental du Haut-Rhin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
M. Fabien Di Filippo
Elle a mal tourné…
Mme Jacqueline Gourault, ministre
Comme le Premier ministre l’a annoncé, ce projet de loi organique sera suivi d’une nouvelle étape de décentralisation, qui donnera lieu à un prochain projet de loi, dans le cadre duquel nous discuterons naturellement de nombreuses propositions – je ne suis pas étonnée de celles que vous avez formulées, cher Éric Straumann.
Je compte sur vous pour continuer de travailler avec le Gouvernement, comme vous l’avez toujours fait. Ce sera en tout cas une grande joie de travailler avec vous, une fois que vous aurez pris la tête de votre collectivité territoriale.
M. Aurélien Pradié
La prochaine fois, madame la ministre, chantez une chanson !
M. le président
La parole est à M. Éric Straumann.
M. Éric Straumann
Madame la ministre je vous remercie de votre réponse et ai pris bonne note du fait que vous n’écartiez pas l’hypothèse d’une fusion entre la région et la collectivité européenne d’Alsace. Mes collègues y travailleront au cours des prochains mois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
M. Jean-Luc Mélenchon
Ben voyons !
Situation au Xinjiang
M. le président
La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière.
M. Hubert Julien-Laferrière
Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, pouvons-nous détourner le regard plus longtemps de ce qui se passe aujourd’hui en Chine dans la province du Xinjiang, où 12 millions de Ouïghours, depuis de nombreuses années, subissent persécutions et violences : arrestations massives, tortures, viols, travail forcé, stérilisations forcées ?
Les témoignages sont nombreux et annihilent le doute, si celui-ci était encore possible. Un dossier est sur le bureau de la procureure du Tribunal pénal international. Quant aux travaux du chercheur allemand Adrian Zenz, ils se fondent sur des documents officiels des autorités chinoises. Il y a également le témoignage dans Libération, ce matin, de cette enseignante ouïghoure exilée en Europe, victime de stérilisation forcée : elle relate son expérience dans les camps, bien loin des « centres de formation professionnelle » dont parle Pékin et où les détenus subissent les pires exactions.
N’ayons pas peur des mots : il s’agit bien ici d’une entreprise organisée et institutionnalisée d’éradication d’une population au motif, selon les termes utilisés par le régime lui-même, qu’elle « affaiblit l’identité nationale et l’identification à la race nationale chinoise ». Oui, mes chers collègues, nous sommes devant un crime contre l’humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EDS et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, SOC, LT et GDR.)
Notre devoir de parlementaires est également de garantir le respect des conventions internationales. C’est la raison pour laquelle Aurélien Taché, trente parlementaires et moi-même avons écrit au Président de la République : l’impunité du régime chinois dure depuis trop longtemps. Elle n’est plus acceptable. En gardant le silence sur les persécutions qu’endurent chaque jour des femmes, des hommes et des enfants, nous nous rendrions complices de ces exactions.
Monsieur le ministre, comment la France entend-elle agir, avec ses partenaires européens, pour faire cesser immédiatement les persécutions que subit la communauté ouïghoure et pour que celles-ci fassent l’objet de réparations à la hauteur du préjudice subi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EDS.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
La France regarde avec beaucoup d’attention l’ensemble des témoignages et des documents relayés tant par la presse, singulièrement aujourd’hui, que par les organisations de défense des droits de l’homme, sur la situation au Xinjiang.
Ce qui transparaît de l’ensemble des informations que nous avons ou que nous lisons, ce sont l’existence de camps d’internement pour les Ouïghours, des détentions massives, des disparitions, du travail forcé, des stérilisations forcées, la destruction du patrimoine culturel ouïghour, en particulier des lieux de culte, la surveillance de la population et, plus globalement, tout le système répressif instauré dans cette région.
Vous avez lu nos déclarations : nous avons exprimé à maintes reprises nos graves préoccupations à l’égard de la situation des droits de l’homme dans cette province, en demandant officiellement et spécifiquement – je le redis ici – la fermeture des camps d’internement.
Toutes ces pratiques sont inacceptables, car elles vont à l’encontre des principes universels inscrits dans les grandes conventions internationales des droits de l’homme. Nous les condamnons donc avec beaucoup de fermeté. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
À chaque occasion dans nos contacts bilatéraux avec les autorités chinoises, le Président de la République, moi-même et d’autres rappelons cette exigence. Nous le faisons également dans les enceintes de l’ONU, telles que les conseils des droits de l’homme, pour appeler les autorités chinoises à mettre un terme aux détentions dans des camps au Xinjiang.
Dans l’immédiat, nous demandons tout simplement à la Chine d’autoriser l’accès de cette zone à des observateurs internationaux indépendants et de permettre à la haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme de visiter le Xinjiang en toute liberté. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Fret ferroviaire
M. le président
La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert Wulfranc
La relance du chemin de fer ? Toujours rien ! Zéro ! Les organisations syndicales, les organisations patronales, la Convention citoyenne pour le climat vous interpellent en urgence de toutes parts ? Zéro ! Votre loi d’orientation des mobilités de 2018 ? En 2020, elle se traduit par l’incapacité à recapitaliser la société anonyme SNCF. Toujours zéro !
Plusieurs députés du groupe LaREM
C’est faux !
M. Hubert Wulfranc
Côté direction, en revanche, la casse continue dans le fret. Ainsi, la gare de triage de Grande-Synthe est menacée de fermeture à la fin de l’année. Je ne parle même pas de celle de Sotteville-lès-Rouen, dans ma circonscription, qui se liquéfie. Les petites lignes capillaires ? Prenons la ligne Mont-Dore-Volvic, qui transporte les bouteilles d’eau : elle est menacée de fermeture à la fin de l’année.
M. Erwan Balanant
Il faut boire l’eau du robinet.
M. Hubert Wulfranc
Quant au train qui relie Perpignan à Rungis, il ne roule plus depuis un an.
Un député du groupe LR
C’est scandaleux !
M. Hubert Wulfranc
Les emplois dans les régions et, plus largement, l’activité des territoires, dont chacun se gargarise – il n’est qu’à compter le nombre de fois que, ces derniers semaines, voire ces derniers jours, le mot « territoires » a été employé – périclitent en ce moment même.
Le Président a assuré vouloir redévelopper massivement le fret ferroviaire. Vous-même, monsieur le Premier ministre, avez affirmé vouloir accélérer les projets de réseaux, dont la sauvegarde des petites lignes. Les députés communistes vous demandent simplement quelles sont, en la matière, vos décisions urgentes et vos arbitrages imminents. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports
La relance du chemin de fer a été entamée en 2017… (Exclamations sur les bancs du groupe GDR)
M. Fabien Di Filippo
Cela montre à quel point vous êtes mauvais !
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué
…avec la reprise de 35 milliards d’euros d’une dette devenue insoutenable, fruit d’un surinvestissement dans les lignes à grande vitesse et d’un sous-investissement chronique dans le réseau secondaire.
M. Pierre Cordier
Menteur !
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué
La relance, depuis 2017, se traduit donc par le versement, chaque année, de 15 milliards de dotation publique à la SNCF et de 3 milliards d’investissement dans le réseau – contre 1 milliard il y a dix ans.
M. Pierre Cordier
On parle de lignes, pas de boucher les trous !
M. Fabien Roussel
Qui paie ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué
Vous avez évoqué les petites lignes : nous avons signé, dans une dynamique partenariale, deux protocoles d’accord, pour sauvegarder les 9 000 kilomètres de petites lignes ferroviaires, avec les régions Centre-Val-de-Loire et Grand Est, pour plus d’1 milliard d’euros. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. –Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Encore aujourd’hui les travaux étaient en cours.
M. Fabien Roussel
Partout, des camions et des cars !
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué
Comme vous l’avez souligné, la relance du chemin de fer passe également par le fret ferroviaire. Le Président de la République et le Premier ministre se sont exprimés de façon très claire sur le sujet. Des investissements massifs seront entrepris dans le cadre du plan de relance pour mieux articuler, aux plans français et européen, les infrastructures ferroviaires et portuaires : il y a de grands manques et de grands retards.
Cette relance passe également par la création de modèles économiques plus robustes : nous subventionnons déjà le transport combiné et avons vocation à accélérer encore notre action en matière de wagons isolés. C’est un sujet que vous connaissez particulièrement bien. La relance passe encore par la création de nouvelles autoroutes ferroviaires, s’agissant notamment du Perpignan-Rungis, madame Panot.
Mme Mathilde Panot
C’est un engagement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué
M. le Premier ministre et moi-même ferons prochainement des annonces très concrètes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Plan de relance européen
M. le président
La parole est à M. Alain David.
M. Alain David
Monsieur le Premier ministre, c’est à l’arrachée qu’un accord a été trouvé tôt ce matin entre les vingt-sept pays de l’Union européenne sur un plan destiné à soutenir nos économies durement affectées par l’épidémie de covid-19. Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez avait initialement préconisé le montant de 500 milliards, mais l’égoïsme des quatre pays dits « frugaux », les Pays-Bas, l’Autriche, le Danemark et la Suède, a finalement limité l’ambition à 390 milliards, assortis, qui plus est, de nouveaux rabais sur les contributions de ces quatre pays radins.
La vigilance doit être de mise, en dépit de la satisfaction de voir l’Allemagne, longtemps alignée sur cette dévastatrice position de rigueur budgétaire, se convertir enfin à l’idée d’une nécessaire relance de l’économie européenne et d’une indispensable mutualisation de la dette.
On peut également déplorer que cet accord s’accompagne de contreparties négatives, comme les coupes sèches sur les budgets de la santé, de l’agriculture, du numérique, de la recherche ou d’Erasmus, et n’explore toujours pas l’idée de ressources propres à l’Union européenne, comme un impôt sur les multinationales ou une taxe sur les transactions financières.
Saluons toutefois cette avancée vers une Europe plus solidaire et espérons que l’Union européenne n’exigera pas de nouvelles réformes structurelles en contrepartie, dans les prochains mois. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous détailler les projets qui bénéficieront de ce plan, au bénéfice de tous les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Vous avez souligné l’ampleur de l’accord intervenu cette nuit. Il y a encore quelques semaines, certains acteurs politiques de l’Union européenne demandaient la réduction de son budget à 1 %. Après les accords de cette nuit, nous sommes proches de 2 %. Cela a été rendu possible grâce à l’adoption d’un plan de relance sans précédent dans l’histoire – vous avez bien voulu le reconnaître. J’ai connu plusieurs quinquennats : au cours des deux précédents, des tentatives avaient été faites pour aboutir à un tel résultat, mais sans succès, parce que, contrairement à aujourd’hui, nous n’avions pas pu obtenir les alliances nécessaires. Ce résultat est donc bien sans précédent sur le montant, sans précédent dans les modalités – l’endettement commun est acté –, sans précédent non plus dans la rapidité.
M. Pierre Cordier
Arrêtez votre baratin.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
Je vous rappelle en effet que l’initiative franco-allemande date du 18 mai : en deux mois, nous avons pu inverser une logique qui, au départ, ne nous était pas favorable.
M. Fabien Di Filippo
Nous allons payer pour les autres ! Ne prenez pas les Français pour des idiots !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre
Vous nous demandez d’être vigilants : nous le serons, y compris s’agissant du dispositif d’acceptation et de validation des plans de relance de chacun des États, qui seront soumis à la Commission européenne – il en est de même des projets relevant du Fonds européen de développement régional, qui requièrent une majorité qualifiée et non l’unanimité. Nous veillerons également à éviter que ce plan de relance n’obère le cadre financier pluriannuel, qui a été également acté et qui ne prévoit ni une réduction de la politique agricole commune ni une diminution du programme Erasmus, puisque celui-ci passe de 14 milliards d’euros à 21 milliards – cela s’appelle une augmentation.
Merci de votre compréhension de ce plan et du soutien que vous lui apportez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Lutte contre l’insécurité
M. le président
Avant de vous céder la parole, monsieur Aliot, je tiens à vous féliciter pour votre élection à la tête de la ville de Perpignan et à vous adresser nos vœux de succès. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et LR. – Mme Agnès Thill et M. Philippe Vigier applaudissent également.)
Vous avez la parole, monsieur Aliot.
M. Louis Aliot
Merci, monsieur le président.
Monsieur le Premier ministre, la France est le théâtre d’une ultraviolence quotidienne, désormais endémique dans certaines zones. Ces dernières années, les gouvernements successifs ont multiplié les Grenelle, les « plans Marshall » et autres Ségur, sans jamais prendre la mesure réelle du chantier majeur que constitue la lutte contre l’insécurité et contre l’incivilité – ou, pour le dire plus crûment, contre l’ensauvagement de nos quartiers. La ville de Perpignan, que vous connaissez bien, n’est d’ailleurs pas épargnée par cette situation.
Nous avons besoin certes de policiers, mais surtout d’un soutien indéfectible de l’État. Nous ne vous demandons pas de vous lancer dans un concours Lépine de la meilleure idée, ni de formuler une énième promesse : les Français attendent du concret.
Après l’épisode honteux des Tchétchènes à Dijon, trop de scènes de violence hors normes filtrent sur les réseaux sociaux. Il y a parfois des dérives graves, comme à Saint-Ouen où, face à la carence de l’État, les habitants sont obligés de négocier avec les voyous pour acheter une tranquillité bien précaire. En l’absence d’action de l’État, ils finiront par se défendre eux-mêmes, avec toutes les conséquences que cela entraînera.
Nous ne parlons pas de lignes de statistiques, mais de victimes d’un terrorisme du quotidien, qu’il faut nommer comme il se doit et auquel sont confrontés tous ceux qui tiennent l’État à bout de bras : pompiers, policiers, soignants ou enseignants.
Monsieur le Premier ministre, la vraie guerre est celle qui doit être menée contre ces voyous ! Certains quartiers sont littéralement contrôlés par un trafic de drogue tentaculaire enrichissant quelques caïds, qui fait des victimes directes et collatérales. Cela alimente un sentiment d’impunité inadmissible dans une République digne de ce nom.
Vous vous êtes rendu à La Courneuve pour rappeler les fondamentaux de l’ordre public républicain, depuis trop longtemps mis à mal ; nous nous en félicitons. Mais, au-delà des mots, quelles sont vos intentions réelles ? Quels moyens êtes-vous prêts à mobiliser pour mener cette guerre ? À Perpignan et ailleurs, vous êtes attendu sur ce sujet, comme sur tant d’autres.
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur
Permettez-moi tout d’abord d’avoir, en votre nom à tous, une pensée pour l’aide-soignante décédée à Lyon dans un drame particulièrement horrible. Je remercie les secours et les forces de police d’être immédiatement intervenus. Nous espérons tous que les responsables de ce meurtre seront rapidement sanctionnés et châtiés. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
Vous avez parlé de Perpignan – qui est, on le sait, le centre du monde –…
M. Michel Herbillon
Plus précisément sa gare !
M. Gérald Darmanin, ministre
…et du reste de la France. Votre commune a connu un fait divers particulier le 16 juillet dernier. Les forces de polices sont intervenues immédiatement, et je tiens à les en remercier. Elles ont procédé à quatre interpellations, qui ont débouché sur des gardes à vue immédiates. La justice a été très réactive.
Si certains faits divers sont effectivement très révélateurs de la crise d’autorité qui existe dans nos villes, les policiers et les pompiers sont présents lorsque nous avons besoin d’eux. Ils protègent la population et, vous avez raison, il faut leur apporter notre appui. Ils ont le soutien entier non seulement du Parlement et de la majorité, mais aussi du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Vous demandez davantage de moyens. À Perpignan, au 30 juin dernier, il manquait en effet dix-sept policiers au commissariat de police ; à compter du 30 septembre, à la demande du Premier ministre, il y en aura sept de plus que l’effectif prévu par le budget alloué à ce commissariat.
J’en viens à la France dans son ensemble. Depuis trois ans, sous l’autorité successive de MM. Collomb et Castaner, auxquels je veux rendre hommage, le budget dédié à la sécurité a été relevé de 1 milliard d’euros. Dès l’année prochaine, des moyens supplémentaires seront octroyés à la police, à la gendarmerie, aux pompiers.
Au-delà des moyens, c’est bien toute l’autorité qui doit être réaffirmée, par les voix du Gouvernement et du Parlement : non, les voyous n’auront jamais droit de cité dans la République, que ce soit à Perpignan ou ailleurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur quelques bancs des groupes LR et Agir ens.)
Congé de proche aidant
M. le président
La parole est à M. Paul Christophe.
M. Paul Christophe
Madame la ministre déléguée chargée de l’autonomie, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit l’indemnisation du congé dit de proche aidant, qui permet aux intéressés d’améliorer l’articulation entre leur vie personnelle, leur vie professionnelle et leur vie d’aidant.
Dans la mesure où j’ai défendu un texte tendant à instaurer un tel dispositif dès 2018, vous comprenez pourquoi cette disposition me tient tout particulièrement à cœur. Depuis le début de mon mandat, vous le savez, la question des proches aidants occupe une place spécifique dans mon travail de parlementaire comme au quotidien. Comme beaucoup d’entre nous, j’ai déjà eu l’occasion, en qualité d’élu local puis de député, de constater le rôle essentiel que jouent ainsi au quotidien plus de 8 millions de femmes et d’hommes au service des plus fragiles.
Par ailleurs, la crise sanitaire que nous vivons et la transition démographique qui nous attend nous obligent à reconnaître à sa juste valeur leur rôle primordial dans notre société. Aussi, j’ai eu l’occasion de me réjouir du lancement, par le Gouvernement, de la stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants pour les années 2020 à 2022, qui prévoit – enfin ! – une véritable politique publique en leur faveur.
Parmi les six priorités décidées pour simplifier et soulager leur quotidien figurait, outre le droit au répit et des dispositions relatives à la retraite, l’indemnisation du congé de proche aidant. Nous avons salué cette disposition novatrice, longtemps demandée par les acteurs du secteur médico-social, par le monde associatif et, bien entendu, par les familles concernées.
Pourtant, pour que ces auxiliaires de l’ombre puissent devenir véritablement visibles aux yeux de la société, il nous faut agir. En effet, plus de six mois après le lancement de la stratégie, nous attendons toujours le décret d’application qui doit préciser les conditions et le montant de l’indemnisation du congé de proche aidant.
Madame la ministre déléguée, je connais votre soutien à nos travaux en faveur des aidants et votre engagement constant au profit des plus fragiles. Êtes-vous en mesure de nous préciser la date d’application de ce dispositif, tant attendu par les femmes et les hommes qui œuvrent quotidiennement, en toute humilité et bienveillance, pour soutenir leurs proches en difficulté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
M. Fabien Di Filippo
Du parti socialiste !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie
Grâce à vous, monsieur Christophe, j’ai l’honneur de répondre à ma première question au Gouvernement, et je vous en remercie. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Éric Ciotti
Allô !
M. Fabien Di Filippo
La fiche était prête !
M. Pierre Cordier
La question lui a été donnée avant !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Je connais votre engagement personnel en faveur de la reconnaissance du rôle et de la place des proches aidants dans notre société. Je le partage et, pour avoir présidé la commission des affaires sociales de cette belle assemblée, je sais que cette préoccupation est également partagée sur tous les bancs, au-delà des clivages politiques.
Le développement d’un pacte social manifestant la considération due à ceux d’entre nous qui souffrent d’un déficit d’autonomie et garantissant leur qualité de vie impose une juste reconnaissance de ceux qui s’engagent dans l’accompagnement d’un proche, évitant ainsi le placement dans un établissement spécialisé. C’est le sens de la stratégie « Agir pour les aidants », présentée par le Gouvernement le 23 octobre dernier, et dotée de 400 millions d’euros pour la période de 2020 à 2022.
M. Fabien Di Filippo
Sortez de vos fiches ! C’est une lecture de niveau CE1 !
M. Philippe Gosselin
Oui, c’est très scolaire !
M. Maxime Minot
Ne tournez pas le dos à M. Christophe, madame la ministre déléguée !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
L’un des piliers de cette stratégie vise à ouvrir de nouveaux droits sociaux aux proches aidants. Il a trouvé une traduction dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui prévoit l’indemnisation du congé de proche aidant. Vous m’interrogez sur la date de publication du décret d’application qui doit en préciser le montant et les conditions. J’entends votre impatience.
Plusieurs députés du groupe LR
M. Christophe est de ce côté-ci !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Sachez que cette question a été l’une de mes premières préoccupations. Le décret sera publié au plus tard dans le courant du mois de septembre, afin de rendre la mesure applicable au 1er octobre, comme cela est prévu par la loi. J’y veillerai personnellement, tout comme je serai attentive au premier bilan d’application de la stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants. Le Parlement et l’ensemble des parties prenantes y seront associés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Gratuité des masques
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement nous a d’abord dit que les masques étaient inutiles, parce qu’il n’y en avait pas et qu’il était incapable d’en planifier la production et la distribution.
M. Sylvain Maillard
C’est faux !
M. Bastien Lachaud
Puis, vous avez organisé le déconfinement. Les masques sont alors devenus utiles, mais facultatifs. Nous vous avions pourtant demandé de les rendre obligatoires pour prévenir une nouvelle vague de l’épidémie.
À présent que les indicateurs nous alertent, les masques deviennent obligatoires, mais payants. La presse a estimé leur coût à 228 euros par mois pour une famille avec deux enfants, une amende de 135 euros devant punir ceux qui n’en porteraient pas.
Alors que notre pays s’enfonce dans la crise sociale, croyez-vous vraiment que nos compatriotes puissent se permettre de dépenser plus de 200 euros par mois pour se protéger et protéger les autres ? Car 228 euros, c’est une montagne pour qui gagne le SMIC ! C’est une montagne pour beaucoup d’habitants de ma circonscription de la Seine-Saint-Denis : à Aubervilliers et à Pantin, 30 % à 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et beaucoup ont désormais des difficultés à payer leur loyer, voire leurs dépenses alimentaires. Vont-ils devoir choisir entre nourrir leurs enfants et acheter des masques ?
Si le masque est obligatoire, ce n’est pas aux familles d’en payer le prix. En tant qu’êtres humains, nous sommes égaux devant la maladie ; nous devons donc être égaux devant la protection. La santé est un droit.
L’aide ponctuelle aux plus modestes que dit envisager Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, irait dans le bon sens, mais elle est trop tardive et, surtout, insuffisante. Il faut garantir la gratuité des masques. C’est ce que dit le conseil scientifique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Dès le 28 avril dernier, mes collègues du groupe La France insoumise et moi-même avons déposé une proposition de loi visant à instaurer la gratuité des masques. Monsieur le Premier ministre, quand vous déciderez vous à nous écouter et à rendre les masques gratuits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – MM. Serge Letchimy, Stéphane Peu et Gabriel Serville applaudissent également.)
M. le président
La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé
Le masque que je viens d’enlever pour vous répondre coûte 1,80 euro et il est lavable trente fois. Les masques grand public qui ont été développés, notamment par les entreprises françaises, à l’initiative conjointe de mon ministère et de celui d’Agnès Pannier-Runacher, qui a travaillé sans relâche…
M. Pierre Cordier
D’ailleurs, elle est fatiguée !
M. Olivier Véran, ministre
…nous ont non seulement permis de disposer, dans des délais extrêmement courts, d’un très grand nombre de masques pour protéger la population française, mais encore de proposer au grand public des masques présentant plusieurs avantages par rapport aux masques chirurgicaux. D’une part, grâce à ces masques, on évite le problème du recyclage et celui des masques bien trop souvent jetés dans la rue. D’autre part, ces masques étant lavables et réutilisables un grand nombre de fois, leur coût est également beaucoup plus maîtrisé.
S’agissant de l’accès des publics précaires à ce type de masques,…
Mme Caroline Fiat
Pas des publics précaires, de tout le monde !
M. Olivier Véran, ministre
…sachez que, dès le début du mois de mai, avant même que les masques aient été rendus obligatoires, l’État a distribué 5 millions de masques aux populations précaires, par l’intermédiaire des associations, des centres communaux d’action sociale – CCAS –, des mairies et des préfectures. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme Mathilde Panot
Notre pays compte 9 millions de pauvres !
M. Olivier Véran, ministre
Ces envois à destination des communes, des CCAS et des sites associatifs reprendront dès la semaine prochaine. En outre, lorsque ce sera nécessaire, des envois postaux directement chez les gens seront effectués. Nous nous assurerons ainsi qu’ils disposent de masques de protection sans avoir à débourser le moindre euro.
Enfin, comme j’ai eu l’occasion de le dire à tout à l’heure, des prescriptions permettront à 2 millions de Français considérés comme vulnérables en raison de leur état de santé, de voir leur achat de masques chirurgicaux, plus protecteurs encore, remboursé par l’assurance maladie.
Comme vous le constatez, nous portons une grande attention aux publics les plus fragiles et les plus précaires, et nous invitons évidemment les Français à utiliser, autant que possible, des masques lavables, réutilisables et recyclables – je vois la ministre de la transition écologique acquiescer, et elle a bien raison !
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Seulement 5 millions de masques pour 9 millions de pauvres, c’est une goutte d’eau dans un océan de misère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Prime de feu des sapeurs-pompiers
M. le président
Avant de vous céder la parole, monsieur Leclerc, je tiens à vous féliciter pour votre élection à la tête de la ville de Lisieux et à vous adresser tous nos vœux de succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier
C’est LR qui a gagné les élections municipales !
M. le président
Vous avez la parole, monsieur Leclerc.
M. Sébastien Leclerc
Je remercie tout d’abord Damien Abad, président du groupe Les Républicains, de m’avoir permis de poser une question lors de ma dernière séance de questions au Gouvernement. J’adresse également mes remerciements à Christian Jacob et à tous les collègues de mon groupe. Lundi prochain, je passerai le relais à ma suppléante, Mme Nathalie Porte, qui viendra siéger parmi vous avec enthousiasme et détermination.
Monsieur le Premier ministre, après des mois de mouvements sociaux dans la plupart de nos départements, le précédent ministre de l’intérieur s’était engagé à augmenter la prime de feu des sapeurs-pompiers professionnels, en portant son plafond de 19 % à 25 % du traitement de base.
Depuis janvier dernier, indépendamment du contexte sanitaire dans notre pays, le projet de décret a été soumis à l’avis de diverses instances. Le Conseil national d’évaluation des normes s’y est opposé, soulignant l’absence d’accompagnement des collectivités par l’État, que ce soit par l’octroi de nouveaux financements ou par l’allégement de charges existantes, alors même que l’ampleur de la revalorisation a été déterminée par le Gouvernement.
Jeudi dernier, le ministre de l’intérieur a annoncé avoir signé le décret permettant cette revalorisation. Comme l’a indiqué le président de la CNSIS, la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, cela représente la moitié du chemin. Le coût annuel de l’augmentation de la prime de feu est évalué à 80 millions d’euros. L’État ne peut pas laisser croire aux sapeurs-pompiers qu’ils obtiendront cette augmentation sans consentir à y participer lui-même. Dans le Calvados comme partout en France, les présidents des SDIS, les services départements d’incendie et de secours, demandent à ce que soit supprimée la surcotisation versée à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, ce qui permettrait d’assurer une partie du financement de l’augmentation de la prime de feu.
Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes présenté mercredi dernier comme l’homme des territoires. Vous avez dès maintenant l’occasion de passer de la parole aux actes. Décidez rapidement de la fin de la surcotisation à la CNRACL pour transformer la promesse d’augmenter la prime de feu en une réalité finançable par les SDIS de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur
Monsieur le député, vous avez raison : mon prédécesseur a réglé un conflit social qui durait depuis de longs mois en négociant avec les syndicats de sapeurs-pompiers. La profession fait l’objet, vous le savez, d’une gestion particulière : les SDIS, qui sont de véritables collectivités locales,…
M. Pierre Cordier
Ce sont des établissements publics !
M. Fabien Di Filippo
Oui, pas des collectivités locales !
M. Gérald Darmanin, ministre
…gèrent les équipements et le personnel ; l’État, pour sa part, intervient directement pour garantir la sécurité civile de nos concitoyens.
Le décret que vous évoquez devait être signé à la fin du mois d’août. Après avoir rencontré les différentes organisations syndicales, notamment au cours des déplacements que j’ai effectués depuis dix jours, je l’ai effectivement signé, sachant qu’il est cosigné par d’autres membres du Gouvernement. Les sapeurs-pompiers peuvent donc dès à présent bénéficier de l’augmentation substantielle de la prime de feu prévue par le texte, à condition que les collectivités locales compétentes adoptent une délibération en ce sens.
L’autonomie des collectivités locales, que vous défendez depuis longtemps, nous empêche de prévoir des compensations dans un tel texte réglementaire ou d’imposer des mesures aux collectivités locales.
M. Fabien Roussel
Qui va payer ?
M. Gérald Darmanin, ministre
J’ai cependant entendu la demande formulée par l’Assemblée des départements de France, notamment par son président, Dominique Bussereau. Je le recevrai, ainsi que le bureau de l’association. J’examinerai, avec la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, la manière dont nous pouvons accompagner les SDIS de France.
Vous proposez de supprimer la surcotisation à la CNRACL. Celle-ci comportant une part salariale, cela permettrait effectivement de donner davantage de pouvoir d’achat aux sapeurs-pompiers. Elle comporte aussi une part patronale, à hauteur des deux tiers, qui ne couvre pas le montant général de la prime de feu. Votre proposition constitue néanmoins une hypothèse dont nous pourrions discuter dans le cadre d’une négociation associant le ministre délégué chargé des comptes publics, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et moi-même, sous l’autorité du Premier ministre.
Sachez en tout cas que, dès aujourd’hui, les collectivités locales peuvent décider, par délibération, d’augmenter les primes de feu des sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Impôts de production
M. le président
La parole est à Mme Marguerite Deprez-Audebert.
Mme Marguerite Deprez-Audebert
Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la relance, la relance de l’économie est l’affaire de tous. Désormais, nous sommes pratiquement dans un état d’urgence économique, et lancés dans une course contre la montre.
Nous, parlementaires, y prenons notre part : nous avons constitué un groupe de travail ad hoc qui vous remettra aujourd’hui même une première sélection de vingt-sept mesures, pouvant être mises en œuvre rapidement, qui visent à simplifier les procédures et les relations entre entreprises et administrations. Nous vous ferons d’autres propositions.
De son côté, le Gouvernement a décidé d’aider notre industrie grâce à une baisse, très attendue, des impôts de production. Nous approuvons unanimement le plan de relance. Une partie de son montant, 10 milliards d’euros, financera la baisse, dès 2021, de la contribution sur la valeur ajoutée – CVAE – versée par les entreprises.
Je profite de l’occasion pour saluer l’accord des Vingt-sept, qui témoigne de la naissance d’une solidarité financière européenne…
M. Fabien Di Filippo
Qui ne sera pas à l’avantage de la France !
Mme Marguerite Deprez-Audebert
…et assurera le financement de notre plan de relance.
Je vis dans un territoire d’industrie où le mot d’ordre fut, pendant des décennies, la mobilisation du potentiel fiscal des entreprises. Celle-ci a eu les dégâts que l’on connaît : délocalisations, hausse du chômage, montée de la colère, du populisme et du scepticisme à l’égard de l’Europe.
J’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur la contribution foncière des entreprises, la CFE. Comme la CVAE, elle pénalise la compétitivité des industries.
M. Sylvain Maillard
C’est vrai !
Mme Marguerite Deprez-Audebert
Ainsi, un bâtiment est qualifié d’industriel lorsqu’il abrite un investissement de production supérieur à 500 000 euros. Il est dès lors deux fois plus taxé qu’un bâtiment dédié au seul stockage de produits, d’ailleurs souvent d’importation. On ne peut mieux lester la compétitivité ! Cela paraît en outre illogique : alors que l’on ambitionne de relocaliser, il semble indispensable, à tout le moins, de rétablir une équité fiscale.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à aller jusqu’au bout et à envoyer un autre signal fort à nos entreprises industrielles qui produisent et contribuent significativement à l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance
Il y a de bons impôts, justes et efficaces, et il y a de mauvais impôts, injustes, qui pénalisent nos entreprises. Les impôts de production sont de mauvais impôts et, pour vous dire le fond de ma pensée, des impôts stupides ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
En effet, ils pèsent sur les entreprises avant même qu’elles aient fait des bénéfices. Autrement dit, une entreprise qui s’installe, ouvre ses bâtiments, met en place ses robots et fait venir ses salariés paye des impôts avant même d’avoir réalisé le premier euro de bénéfice. N’allez pas chercher ailleurs l’une des raisons principales des délocalisations et de la désindustrialisation de la France !
M. David Habib
C’est la faute de l’État !
M. Bruno Le Maire, ministre
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, avec le Président de la République et le Premier ministre, une baisse massive et sans précédent des impôts de production dans le plan de relance que nous présenterons le 24 août prochain. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Mme Valérie Six applaudit également.)
Nous allons engager 10 milliards d’euros pour baisser les impôts de production dès le 1er janvier 2021 – soit 20 milliards sur deux ans – pour combler notre écart avec l’Allemagne, où les impôts de production sont cinq fois moins élevés qu’en France.
M. Fabien Roussel
Qui va compenser cette baisse ?
M. Jean-Paul Dufrègne
Il faut rétablir l’ISF !
M. Bruno Le Maire, ministre
Nous allons privilégier la baisse de la CVAE, l’un des impôts qui pèsent le plus sur l’industrie. Venant du Pas-de-Calais, madame Deprez-Audebert, vous savez à quel point elle pénalise nos industries et nos territoires industriels. Nous compenserons intégralement, et de façon dynamique, la perte de recette pour les régions, afin que ni elles ni les territoires ne soient pénalisés par ce choix.
M. David Habib
N’importe quoi ! Vous ne l’avez jamais fait !
M. Bruno Le Maire, ministre
Dans les semaines qui viennent, nous allons discuter avec les parlementaires et les élus locaux, afin d’identifier les autres impôts de production qui mériteraient d’être réduits. La promesse du Président de la République sera tenue : nous relocaliserons nos activités industrielles par la baisse des impôts de production. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Politique pénitentiaire
M. le président
La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence Dumont
Monsieur le Premier ministre, « Pour la première fois depuis près de vingt ans, il y a en France moins de prisonniers que de places de prison. »
M. Éric Diard
C’est l’effet du covid-19 !
Mme Laurence Dumont
« Conséquence d’une crise sanitaire sans précédent, ce qui était hier impossible est devenu réalité : en deux mois, le nombre de personnes détenues a été réduit de plus de 13 500. »
M. Pierre Cordier
Merci, madame Belloubet ! S’il y a une deuxième vague, il n’y aura plus personne en prison !
Mme Laurence Dumont
« Cette situation fait naître un fol espoir. Car si elle résulte de circonstances exceptionnelles, elle impose une évidence incontestable : réduire la population carcérale, prendre en charge en milieu libre ceux qui peuvent ou doivent l’être, n’est ni déraisonnable, ni dangereux. C’est, au contraire, une mesure de salut public. […] Nous demandons que, dans le domaine des prisons comme dans tant d’autres, les enseignements soient tirés. Qu’à la gestion de l’urgence succède une véritable politique de déflation carcérale à même de garantir l’encellulement individuel et des conditions de détention dignes, et de favoriser la prise en charge en milieu libre de ceux qui peuvent ou doivent l’être. Nous attendons de la France qu’elle ne soit plus pointée du doigt par les instances européennes pour les traitements inhumains et dégradants qu’elle inflige aux prisonniers. […] Le moment est venu, l’occasion est là : ne la manquez pas. »
Monsieur le Premier ministre, ces mots, auxquels j’adhère totalement, sont ceux de votre garde des sceaux. Il a en effet signé, au début du mois de juin, une lettre ouverte au Président de la République appelant à une véritable politique de déflation carcérale.
M. le garde des sceaux étant absent, je vous adresse une demande simple mais forte, monsieur le Premier ministre : faites en sorte qu’il mette en œuvre aujourd’hui ce qu’il a demandé hier, pour que les conditions de détention en France soient enfin dignes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Éric Diard
Hier, c’était l’avocat qui s’exprimait !
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Je vous prie d’excuser l’absence du garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, qui est actuellement au Sénat pour l’examen en lecture définitive de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales. Je pense qu’il aurait aimé être présent pour vous répondre car, dès le discours qu’il a prononcé à l’occasion de la passation de pouvoirs, il s’est exprimé avec force au sujet de la politique carcérale. Son premier déplacement s’est déroulé dans un établissement pénitentiaire. Hier, lors de son audition par la commission des lois de l’Assemblée nationale, il a eu l’occasion d’aborder de nouveau ces questions. Il ressort de ses déclarations qu’il pourrait tout à fait prononcer de nouveau aujourd’hui les mots de la lettre qu’il avait signée avant d’être nommé, que vous avez citée. Ces mots lui servent en tout cas de boussole pour mener son action.
Je parlerai forcément moins bien que lui de ces sujets, et moins bien qu’il ne l’a fait hier et qu’il le fera sans doute ultérieurement dans cet hémicycle ou lors de rencontres avec vous. Il me semble néanmoins qu’il a été très clair quant au fait que nous ne pouvons nous résoudre à ce que la France, terre des droits de l’homme, soit régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme en raison du traitement qu’elle réserve aux personnes incarcérées.
Cette situation nous invite à continuer d’avancer dans le sens fixé par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, notamment à travailler sur les solutions alternatives à l’incarcération. Depuis trois ans, nous avons augmenté le recours au travail d’intérêt général comme sanction pénale de 16 %, et le recours au bracelet électronique de 20 %. Nous allons bien sûr poursuivre dans cette direction, grâce aux dispositions dites du bloc peine, qui viennent d’entrer pleinement en vigueur.
Le garde des sceaux s’est également montré très clair quant à l’amélioration des conditions de détention. Il a indiqué que le plan d’action demandé par la Cour européenne des droits de l’homme dans un de ses arrêts serait présenté avant la fin de l’année.
Enfin, la mise en œuvre du plan immobilier pénitentiaire se poursuit. La première tranche de travaux, correspondant à 7 000 places, est déjà bien engagée : 2 000 ont déjà été construites depuis le début du quinquennat.
C’est sur ces trois piliers que nous continuerons d’avancer. Je sais qu’Éric Dupond-Moretti aura l’occasion d’aborder de nouveau ces sujets. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et Agir ens.)
M. le président
La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence Dumont
Je regrette que cette question essentielle n’ait même pas été évoquée par le garde des sceaux dans l’interview qu’il a accordée, il y a deux jours, au Journal du dimanche. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Boris Vallaud
Elle a raison !
M. Éric Diard
Pourtant, il est démago !
Mme Laurence Dumont
C’est pour cette raison que ces préoccupations méritaient d’être réaffirmées aujourd’hui.
Incendie de la cathédrale de Nantes
M. le président
La parole est à Mme Valérie Oppelt.
M. Fabien Di Filippo
Elle a obtenu un très beau résultat aux élections municipales à Nantes !
Mme Valérie Oppelt
Madame la ministre de la culture, le samedi 18 juillet, les Françaises et les Français ont vu la cathédrale de Nantes s’embraser. La tragédie à laquelle nous avions assisté le 15 avril 2019, lorsqu’un incendie ravagea Notre-Dame de Paris, recommençait sous nos yeux, devant les Nantaises et les Nantais impuissants. Le grand orgue, rescapé de la révolution, des bombardements de 1943 et d’un précédent incendie qui toucha la cathédrale en 1972, a entièrement brûlé dans la matinée de ce samedi, comme la grande verrière datant de l’époque d’Anne de Bretagne.
Le parquet de Nantes a saisi la police judiciaire d’une enquête du chef d’incendie volontaire. L’enquête est en cours. Je tiens à saluer devant la représentation nationale l’action de toutes les équipes d’intervention, notamment le formidable travail des pompiers, qui ont su maîtriser rapidement le feu. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, MODEM, SOC et GDR.)
À l’immense tristesse de la communauté catholique s’ajoute l’immense tristesse de l’ensemble des Français. Le patrimoine de pierre et le patrimoine humain sont touchés au cœur par cet incendie.
Je salue la célérité avec laquelle vous êtes venu à Nantes, monsieur le Premier ministre, accompagné de Mme la ministre de la culture…
M. Maxime Minot
Arrivée en hélicoptère !
Mme Valérie Oppelt
…et de M. le ministre de l’intérieur,…
M. Pierre Cordier
Lèche-bottes !
Mme Valérie Oppelt
…pour suivre les opérations.
L’État, propriétaire de la cathédrale, prendra en charge les travaux de restauration. La Fondation du patrimoine a d’ailleurs déjà lancé une souscription pour le remplacement de l’orgue.
M. Fabien Di Filippo
Financez-le avec le plan de relance européen ! Au moins, il servira à quelque chose !
Mme Valérie Oppelt
Après l’incendie de Notre-Dame de Paris, un plan intitulé « Sécurité cathédrales » avait été engagé par le ministre de la culture. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, l’état d’avancement de ce plan et les mesures que vous allez adopter pour restaurer la cathédrale de Nantes et éviter la destruction d’autres biens du patrimoine en France ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture
Madame Oppelt, vous êtes venue devant la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes partager l’émotion des Nantaises et des Nantais, de ceux qui croient au ciel et de ceux qui n’y croient pas, tant cette cathédrale est emblématique de cette ville et de toute la région.
Beaucoup de pièces irremplaçables ont effectivement été détruites. Vous avez évoqué le grand orgue, la verrière, les stalles, le tableau d’Hippolyte Flandrin représentant l’évêque saint Clair guérissant les aveugles – nous pourrions d’ailleurs tous nous recueillir devant ce tableau pour y voir plus clair.
Il y a effectivement un plan de mise en sécurité des quatre-vingt-neuf grands établissements cultuels dont l’État est propriétaire, dont nos quatre-vingt-sept cathédrales. L’urgence est de mettre en sécurité l’ensemble de ces quatre-vingt-neuf bâtiments emblématiques de notre patrimoine, en mobilisant les acteurs responsables de la sécurité, en faisant en sorte que toutes les installations électriques soient vérifiées, que toutes les cathédrales soient dotées d’un système de détection d’incendie et de fumée et que les plans d’évacuation des œuvres soient mis au point et parfaitement cohérents.
Mais ne nous faisons pas d’illusion : ce n’est pas seulement une question d’argent. La mise en sécurité d’une cathédrale est un processus complexe, car il ne s’agit pas d’un musée ou d’un château ouvert à la visite : c’est un lieu de culte, de prière, de partage dans lequel chacun peut entrer en toute liberté, sans discrimination. Comment mettre en sécurité, avec des détecteurs de fumée, une nef de 37,5 mètres de haut ?
M. Fabien Di Filippo
En en installant plusieurs !
Mme Roselyne Bachelot, ministre
On mesure la difficulté.
Il est donc de la responsabilité de toutes et tous d’assurer la sécurité de nos cathédrales, qui sont effectivement un patrimoine commun irremplaçable. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Prise en compte des territoires
M. le président
Avant de vous céder la parole, monsieur Lurton, je tiens à vous féliciter pour votre élection à la tête de la municipalité de Saint-Malo et vous adresser tous nos vœux de succès. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-I et LT.) Notre assemblée perd en vous un excellent collègue, mais je me console à la pensée que la Bretagne y gagne.
Vous avez la parole, cher collègue.
M. Gilles Lurton
Merci, monsieur le président.
Monsieur le Premier ministre, avant de quitter dans quelques jours les bancs de cette assemblée pour assumer pleinement mes fonctions de maire de Saint-Malo et de président de Saint-Malo Agglomération, je souhaite témoigner de tout le bonheur que j’ai ressenti à siéger ici pendant huit années.
Ici même, dans cet hémicycle, j’ai pu participer pleinement, dans le respect de mes convictions, à l’élaboration des lois, pendant presque deux quinquennats. Oui, j’ai la prétention de le dire publiquement, le travail accompli au cours de ces mandats avec l’ensemble de mes collègues de la commission des affaires sociales mais également avec l’ensemble des groupes composant cet hémicycle, a contribué à faire évoluer les lois et à réaliser au mieux ce que je crois bon pour le peuple français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs des groupes LaREM, MODEM et SOC.)
Je l’ai fait pour les anciens combattants d’Algérie.
M. Pierre Cordier
Mais on t’a piqué ta proposition de loi !
M. Gilles Lurton
Je l’ai fait aussi pour les familles de notre pays et sur tant d’autres sujets. Oui, je suis fier de représenter ici le peuple français et de traduire ses attentes dans la loi. Je souhaite que le rôle démocratique de notre assemblée et l’indépendance du pouvoir législatif continuent d’être respectés par le Gouvernement.
Cette dernière question est l’occasion de pointer une erreur constitutionnelle que je considère comme majeure : la suppression de la possibilité d’être député-maire, alors même que ces deux mandats avaient tout pour garantir la reconnaissance de la légitimité du peuple français dans l’élaboration de la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LT ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM, MODEM et SOC.) Comment comprendre que les parlementaires ne puissent pas exercer le mandat de maire quand les ministres le peuvent ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LT.)
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez dit vouloir être le Premier ministre des territoires. Je formule le vœu que vous n’oubliiez pas les territoires de notre pays et leur très grande diversité. Je viens d’un territoire situé entre le Mont-Saint-Michel et Saint-Briac-sur-Mer, qui comprend Cancale, Dinard et Saint-Malo, un territoire de marins, sachant que, plus que jamais, l’économie maritime a besoin de tout le soutien du Gouvernement. Le retour d’un ministère de la mer après trente années d’absence constitue un encouragement fort.
Comment comptez-vous concilier demain votre politique avec la diversité des besoins des territoires de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LT ainsi que sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Fabien Di Filippo
Nous voulons Jean Castex !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Au nom du Gouvernement, je veux vous féliciter, monsieur Lurton, pour votre élection…
M. Fabien Di Filippo
Dont le résultat a été très clair ! Ce n’est pas aux députés de la majorité que cela arriverait !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État
…et vous souhaiter d’exercer un beau mandat au service des habitants de votre commune. Vous avez été très engagé au sein de la commission des affaires sociales, notamment sur les questions d’emploi et de formation. Chacun ici se souviendra de vos interventions sur ces sujets.
Tout en étant très large, votre intervention comportait assez peu de questions. Vous avez évoqué, à la fin de votre propos, la prise en compte de la diversité de nos territoires. Je crois que, dans le cadre du mandat confié par le Président de la République à ce gouvernement, tel qu’il a été détaillé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, il est très clair que l’ensemble de notre action s’attachera, du premier au dernier jour et du matin au soir, à tenir compte de cette diversité, dans une logique de différenciation, mais aussi d’innovation, de créativité de chacun de nos territoires, de mise en valeur des atouts du territoire et des territoires français.
Vous avez évoqué l’enjeu très important de l’économie maritime, de la croissance bleue. Ce gouvernement a recréé un ministère de plein exercice chargé de la mer. C’est un progrès pour les territoires comme celui que vous représentez. Dans ce domaine, les opportunités et les perspectives en matière de croissance et de biodiversité sont très fortes pour notre pays. Le Président a eu l’occasion d’exprimer une ambition maritime pour la France dans un discours très important prononcé à la fin de l’année 2019.
M. Pierre Cordier
Ça fait trois ans que vous êtes au pouvoir !
M. Fabien Di Filippo
Et huit ans que vous êtes dans la majorité !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État
Nous allons poursuivre dans cette voie avec Annick Girardin, et je suis sûr que le beau territoire que vous représentez verra très vite les effets de cette politique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Politique de la ville
M. le président
La parole est à Mme Annaïg Le Meur.
Mme Annaïg Le Meur
Madame la ministre déléguée chargée de la ville, je commencerai mon propos en vous félicitant au nom de notre groupe pour votre nomination. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Élue de Trappes, vous connaissez à la fois les difficultés et le potentiel des quartiers prioritaires.
Vous le savez, la crise de la covid-19 a sans doute été plus dure, plus difficile pour les habitants des quartiers relevant de la politique de la ville. Ce sont nos deuxième et troisième lignes, mises en avant par le Président de la République, ces employés pour lesquels le télétravail est un mirage et qui ont pourtant permis au pays de tenir. Ce sont ces familles monoparentales, dont les horaires de travail sont souvent variables, qui ont eu des difficultés à faire l’école à distance ou à animer des activités dans leur foyer. Ce sont ces enfants, pour qui étudier, se concentrer et apprendre a été plus difficile qu’ailleurs, confinés qu’ils ont été pendant deux mois dans un appartement de taille réduite. Ce sont ces jeunes, qui n’ont eu ni jardin ni parc où échapper ne serait-ce qu’une heure au sentiment d’enfermement créé par la crise sanitaire. Ce sont ces salariés et apprentis qui, dans des communes où le taux de chômage est 15 points au-dessus de la moyenne nationale, ont perdu leur CDD ou leur contrat d’apprentissage.
La crise de la covid-19 nous montre que chaque avancée est fragile et que la situation des plus précaires peut basculer d’un moment à un autre. Ils méritent notre solidarité pleine et entière. Nous ne devons laisser personne sur le bord de la route. Lors de son discours de Tourcoing, le Président de la République avait trouvé les mots justes. Il avait défini une feuille de route, porteuse d’espoir : garantir l’effectivité des droits et donner à chacun les armes pour s’émanciper.
M. Fabien Di Filippo
Il a menti !
Mme Annaïg Le Meur
Ces objectifs ont été fragilisés par la crise sanitaire et sociale.
Aussi, madame la ministre déléguée, pouvez-vous nous détailler la politique que le Gouvernement compte mener, à court et long terme, afin de de garantir l’effectivité du droit à l’éducation, au sport, à la culture et à l’emploi dans les quartiers relevant de la politique de la ville ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
M. Pierre Cordier
Décidément, tout le monde peut devenir ministre !
Mme Nadia Hai, ministre déléguée
Je tiens sincèrement à vous remercier, madame Le Meur, d’avoir rappelé la détresse dans laquelle le confinement a plongé les familles vivant dans les quartiers relevant de la politique de la ville.
M. Fabien Di Filippo
La détresse sous ce quinquennat !
Mme Nadia Hai, ministre déléguée
Vous avez raison, nous avons deux priorités à l’issue de cette période :…
M. Fabien Di Filippo
Être réélus !
Mme Nadia Hai, ministre déléguée
…l’éducation et l’emploi. Je peux vous assurer que, face à ces enjeux, le Gouvernement, l’État joueront pleinement leur rôle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Ils le feront d’abord pour assurer la continuité pédagogique, au travers d’un plan interministériel mobilisant 110 millions d’euros au profit de 1,3 million de jeunes.
M. Fabien Di Filippo
C’est mieux quand elle lit ! Heureusement que tout est écrit sur sa fiche !
Mme Nadia Hai, ministre déléguée
Ce plan, qui comprend les dispositifs « Quartiers d’été » et « Colos apprenantes », vise à accompagner les enfants dans la découverte et l’apprentissage, à la fois au sein de leur quartier et au travers de séjours partout en France. J’ai pu constater, au cours de mes déplacements à Hérouville-Saint-Clair, Clichy-sous-Bois ou Montfermeil, l’énergie et la dynamique déployées. C’est cela que je veux soutenir.
Vous avez évoqué ensuite la question de l’emploi. Le défi à relever est immense dans des territoires déjà fragilisés dans ce domaine. C’est pourquoi je mettrai en œuvre à la rentrée un programme ambitieux, sur le modèle des cités éducatives. L’enjeu est de faire travailler tous les acteurs ensemble, afin d’identifier et de proposer des solutions d’emploi.
Aucun de ces dispositifs ne pourrait être effectif ni efficace sans la concertation et la participation des élus locaux, des acteurs éducatifs, associatifs et économiques. Ils sont nos partenaires, parce que réussir ensemble, c’est faire ensemble, selon une formule chère à mon collègue Julien Denormandie,…
M. Fabien Di Filippo
Champion des formules creuses !
Mme Nadia Hai, ministre déléguée
…que je reprends volontiers à mon compte.
Je salue donc leur engagement, tout comme je tiens à vous remercier, madame la députée, pour votre implication. Je remercie également les très nombreux parlementaires qui s’investissent sur ce sujet. Vous pouvez compter sur mon engagement et ma détermination à poursuivre notre action. Notre devoir est de ne laisser personne au bord du chemin. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Aménagement du territoire et politique du logement
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Pardonnez-moi de tempérer votre euphorie européenne, monsieur le Premier ministre : un peu moins d’autosatisfaction et un peu plus de lucidité seraient de mise, alors qu’il reste beaucoup de zones d’ombre à dissiper.
M. Olivier Marleix
Très juste !
M. Thibault Bazin
Combien cela coûtera-t-il aux Français ? Quels secteurs seront sacrifiés ? Nous sommes inquiets.
M. Pierre Cordier
Ce sont de vraies questions !
M. Thibault Bazin
Lors de votre déclaration de politique générale, nous avons entendu une musique douce à nos oreilles concernant les territoires, mot que vous avez prononcé à vingt-cinq reprises. Mais, en même temps, vous indiquez vous inscrire dans la continuité, vous félicitant même du bilan des trois dernières années. Or le président Macron et sa majorité ont aggravé les fractures territoriales, en pénalisant les classes moyennes candidates à l’accession à la propriété.
M. Rémy Rebeyrotte
C’est faux !
M. Thibault Bazin
Lui et sa majorité ont aussi concentré les dispositifs d’aide à la pierre au bénéfice des hypercentres des métropoles.
Plusieurs députés du groupe LaREM
Faux !
M. Thibault Bazin
Le dispositif Denormandie, prétendument en marche depuis dix-huit mois, est plutôt en panne. Les opérations de revitalisation des territoires tardent à se concrétiser dans les centres-bourgs. Le programme « Petites villes de demain » apparaît déjà comme une coconstruction bien lourde. La rénovation énergétique semble inaccessible à certains territoires. Des intercommunalités rurales sont privées d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat.
Monsieur le Premier ministre, vous vous dites gaulliste social.
M. Pierre Cordier
Qu’est-ce que cela veut dire ?
M. Thibault Bazin
Chiche ! Allez-vous, pour relancer l’activité du bâtiment et créer des emplois locaux, mener une véritable politique d’aménagement du territoire ? Chiche ! Allez-vous mener une véritable politique familiale d’accession à la propriété ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement
Monsieur Bazin, 30 milliards des 100 milliards du plan de relance seront investis dans la transition écologique, notamment pour subventionner fortement la rénovation énergétique des bâtiments.
M. Fabien Di Filippo
Ce n’est pas validé !
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée
La question de la rénovation énergétique est à la frontière d’une politique du logement ambitieuse et du mieux-vivre chez soi, d’une politique de développement économique, d’une politique écologique et d’une politique sociale.
M. Fabien Di Filippo
C’est un poème que vous nous lisez ?
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée
Nous continuerons à soutenir fortement le logement social, comme nous l’avons soutenu pendant la crise, au travers d’un soutien spécifique d’Action logement et de la Caisse des dépôts et consignations, pour atteindre les objectifs qui sont les nôtres en la matière.
M. Fabien Di Filippo
C’est un spot de téléachat ?
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée
Nous continuerons à soutenir la construction neuve. Les chantiers qui ont dû s’arrêter pendant la crise ont repris. Le Gouvernement, notamment Julien Denormandie, a beaucoup travaillé avec le secteur du bâtiment pour l’aider à relancer les chantiers au plus vite. Nous savons qu’il y a eu des retards, les autorisations d’urbanisme prenant du temps. Nous allons les rattraper pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de rupture dans la construction.
Enfin, vous avez parlé d’aménagement du territoire. C’est un beau mot…
M. Fabien Di Filippo
Ce serait bien qu’il devienne une réalité !
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée
…et je compte poursuivre la politique menée par le gouvernement précédent. Cet aménagement du territoire, souhaité par le Premier ministre, qui consiste à prendre en considération tous les territoires et à répondre à leurs besoins,…
Mme Valérie Beauvais
Chiche !
M. Pierre Cordier
Nous vous attendons ! Sur le terrain !
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée
…dans le respect des objectifs écologiques de lutte contre l’étalement urbain, sera au cœur de notre action,…
M. Fabien Di Filippo
Vous êtes hors sol !
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée
…avec les opérations spécifiques d’aménagement, les opérations de revitalisation de territoire, les plans de protection de l’atmosphère, le programme « Action cœur de ville » cher à Jacqueline Gourault, le programme « Petites ville de demain », pour que l’on puisse partout en France vivre bien, vivre mieux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Pierre Cordier
Amen ! Quel bla-bla inepte !
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Votre réponse ne me rassure pas, madame la ministre déléguée. Les territoires restent l’angle mort de votre politique. Soyons concrets : il faudrait, dès demain, rétablir totalement le prêt à taux zéro dans les territoires détendus, rétablir l’APL accession, améliorer le pouvoir d’achat des familles en relevant le quotient familial et en revalorisant les allocations familiales et la prestation d’accueil du jeune enfant.
Outre les territoires, les familles et les classes moyennes restent les grandes oubliées de ce quinquennat. Elles attendent des actes et de l’efficacité, non pas seulement des paroles. En relançant l’activité de cette manière, vous pourriez créer autant d’emplois dans nos territoires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Actes antireligieux
M. le président
La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès Thill
Ma question s’adresse à M. le ministre des cultes. Les images sont sans appel : les orgues du XVIIe siècle et les vitraux de 1498 ont définitivement disparu ; ci-gît la cathédrale de Nantes. Il y a eu trois départs de feux ! Outre la menace criminelle, notre patrimoine, notre histoire et nos chefs-d’œuvre n’ont jamais été autant en danger. On n’efface pas notre histoire ! Nous en sommes issus et elle nous a façonnés, que nous l’appréciions ou non. Nul ne sort de nulle part, nul ne s’est fait tout seul.
En France, on recense plus de 500 églises directement menacées et environ 5 000 édifices religieux en souffrance, qui, si rien n’est fait, risquent de disparaître. Cela fait plaisir à certains, et c’est bien cela qui doit nous alarmer, dans un pays qui revendique fièrement sa laïcité.
Voici le décompte officiel donné par la place Beauvau pour 2019 : 1 052 actes antichrétiens, 657 actes antisémites et 154 actes antimusulmans. Oui, il y a un problème en France : la protection de notre laïcité ! S’il faut combattre l’antisémitisme, s’il faut combattre l’islamophobie, alors il faut aussi combattre tous les actes antichrétiens. (M. Meyer Habib applaudit.)
Il y a trois actes antichrétiens par jour ! Il s’en est produit un ce week-end en Bretagne, à l’île d’Arz, et un autre cette nuit à Ligugé, dans la première abbaye fondée en France et en Occident. Un calvaire ici, une vierge là, un vol ailleurs, une destruction, une souillure, un incendie… – il y en a trois par jour !
Les catholiques sont sympathiques. Mais, à force, ils pourraient en avoir assez de ces actes de vandalisme, y compris de l’absence d’entretien des édifices, qui ne respectent ni notre histoire – il faut pourtant bien l’accepter comme telle ! – ni leur religion. Je fais partie de ces milliers de gens qui ne veulent plus voir de cathédrales, d’églises, de chapelles, d’abbayes, de lieux de culte, de cimetières ou de calvaires brûlés, détruits, profanés, souillés, volés, abîmés, vandalisés ou abandonnés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – M. Meyer Habib applaudit également.) Les lieux de culte sont aussi un ferment d’unité, une expression de l’identité et des merveilles de l’art.
S’attrister, s’indigner et condamner ne suffit plus. Monsieur le ministre, qu’envisagez-vous de faire pour protéger ce qui fut notre histoire : les lieux de culte chrétiens ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-I et LR.)
M. le président
Permettez-vous de vous rappeler, ma chère collègue, qu’il n’existe plus de ministre des cultes depuis 1912. Il existe un bureau des cultes placé sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, auquel je cède la parole pour vous répondre.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur
Le ministre de l’intérieur est certes chargé de la sécurité des Français, mais il est aussi le ministre des libertés publiques. Or, parmi les libertés fondamentales dans la République française, il y a celle de croire ou de ne pas croire…
M. Fabien Di Filippo
Notamment de ne pas croire à ce qu’on dit !
M. Gérald Darmanin, ministre
…et celle de se rendre dans un lieu de culte, étant entendu qu’un culte n’est jamais au-dessus des lois de la République – je suis certain que nous en convenons tous.
Vous m’interrogez sur les actes anticatholiques, antichrétiens et, plus généralement, antireligieux. Il faut évidemment les condamner avec la plus grande force. Toutefois, rien n’indique à ce stade que l’incendie de la cathédrale de Nantes – où je me suis rendu avec M. le Premier ministre et Mme la ministre de la culture – soit un acte criminel. Une enquête est ouverte, et il reviendra au procureur de la République de se prononcer. La personne placée en garde à vue dans le cadre de cette affaire a été remise en liberté, sans être mise en examen. Cet incendie pourrait donc être accidentel, ce qui n’atténue en rien l’émotion exprimée par Mme la ministre de la culture.
Quoi qu’il en soit, vous avez tout à fait raison, de nombreux actes antireligieux – antisémites, antimusulmans, antichrétiens ou anticatholiques –…
M. Pierre Cordier
Il serait intéressant de comparer les chiffres !
M. Gérald Darmanin, ministre
…ont malheureusement été perpétrés ces derniers temps. Rien qu’en janvier, un très grand nombre d’actes antichrétiens ont été commis : des statuettes de la vierge Marie ont été renversées et brisées dans huit églises des Pyrénées-Atlantiques ; à Mont-Saint-Aignan, une crèche a été renversée et le personnage de Jésus a été décapité ; une église du Mans a été couverte de tags ; dans le Calvados, des pèlerins ont été attaqués. Vous avez raison, il y a des actes antichrétiens et antireligieux.
Dès ma prise de fonction, j’ai contacté le président de la Conférence des évêques de France, ainsi que les représentants du culte musulman et du culte juif, pour les assurer de toute la protection de la nation. Je me rendrai dimanche à Saint-Étienne-du-Rouvray pour assister à la messe anniversaire du triste assassinat du père Hamel par un terroriste islamiste. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et UDI-I.)
Zones de revitalisation rurale
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M. Jean-Paul Dufrègne
Madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, les zones de revitalisation rurale – ZRR – concernent 13 902 communes, soit un peu plus de 6 millions d’habitants. Le classement en ZRR donne droit à des exonérations fiscales temporaires pour les entreprises en cas de création ou de reprise d’activité, et à des exonérations de cotisations sociales pour les organismes d’intérêt général, entre autres des associations, des EHPAD et des structures d’aide à la personne. Il constitue souvent un critère déterminant dans le choix d’une implantation commerciale, artisanale ou de services – touchant à la santé, par exemple. Il permet donc d’accompagner le développement d’activités, notamment celle de très petites entreprises, dans des zones économiquement fragiles – c’est le cas dans de nombreuses communes de mon département, l’Allier.
Comme tout dispositif, celui des ZRR n’est sans doute pas parfait. Plusieurs rapports, parfois contradictoires, se sont évertués à montrer soit sa pertinence, soit ses limites. Des communes devaient en sortir en juin 2020 – échéance repoussée à décembre –, tandis que d’autres devaient y entrer.
J’ai souvent entendu dans cette enceinte, notamment à propos de la fiscalité, que les entreprises confrontées à des choix devaient décider en toute connaissance de cause. Dans un contexte pour le moins troublé, où l’activité économique est percutée de plein fouet par les conséquences de la crise du covid-19, le moment est sans doute mal choisi pour remettre en cause des dispositifs qui profitent à des territoires à la peine, en outre souvent maltraités en matière d’accès aux services publics.
Madame la ministre, les députés communistes et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine souhaitent connaître vos intentions s’agissant des ZRR pour les communes concernées et quant à une éventuelle évolution du dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales
Je vous remercie de votre question, monsieur Dufrègne. Vous m’interrogez sur l’évolution des ZRR, qui donnent droit, vous l’avez rappelé, à des exonérations fiscales et sociales. Il a été conclu dès l’automne dernier, dans le cadre de l’agenda rural, qu’il était nécessaire de réformer notre géographie prioritaire, compte tenu de son caractère complexe, sédimenté et sans doute insuffisamment ciblé. Cette réforme doit répondre à la demande des élus ruraux et être menée avec leur accord.
Les ZRR concernent la moitié des communes françaises. En janvier, une mission a été chargée d’évaluer l’efficacité des dispositifs zonés et de proposer des scénarios d’évolution. Elle vient de me remettre son rapport. Certaines des pistes qu’elle propose recoupent des recommandations formulées dans des rapports de l’Assemblée nationale et du Sénat. Nous devons, bien entendu, engager des concertations avec les élus, nationaux et locaux, pour déterminer la stratégie à adopter.
J’insiste sur trois éléments. Premièrement, je souhaite qu’un temps suffisant soit accordé aux discussions, tant ce dispositif est important pour les territoires ruraux. Deuxièmement, le Gouvernement comprend parfaitement l’intérêt d’un tel dispositif pour le développement des territoires ; il n’y aura donc pas de rupture, mais une continuité. Troisièmement, tout nouveau dispositif devra apporter un soutien renforcé aux territoires les plus vulnérables. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Réforme relative au grand âge et à l’autonomie
M. le président
La parole est à Mme Audrey Dufeu Schubert.
Mme Audrey Dufeu Schubert
Madame la ministre déléguée chargée de l’autonomie, depuis le rapport Laroque de 1962, la question du vieillissement a traversé de nombreux gouvernements et de nombreuses législatures. Les politiques se sont construites en réponse à de fortes attentes citoyennes, souvent au lendemain de crises – je pense notamment à la canicule de 2003, à la suite de laquelle a été créée la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, et, bien évidemment, à la crise du covid-19, qui me conduit à soulever à nouveau la question aujourd’hui.
Chaque député, quelle que soit sa couleur politique, ne peut que reconnaître le défi que nous devons tous relever, celui de la transition vers le grand âge dans notre société. Le virage démographique de la France et les besoins de financement accrus pour soutenir l’autonomie mettent en lumière l’urgence politique. Le Parlement s’apprête à inscrire dans la loi la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l’autonomie – nous saluons cette volonté et cette avancée.
Toutefois, les mesures politiques prises par le Gouvernement en faveur du grand âge devront être rapides, efficaces et visibles. Il y a matière à agir, et de nombreux rapports nous ont fait connaître les priorités – je pense à celui de Dominique Libault, à celui de Myriam El Khomri et à celui que j’ai remis en décembre dernier et qui a été complété par Jérôme Guedj pendant la crise du covid-19.
Le Ségur de la santé, conduit par le ministre des solidarités et de la santé, reconnaît et valorise le rôle des soignants travaillant dans les établissements de santé et dans les EHPAD. Rappelons cependant que 95 % des personnes âgées vivent à la maison et souhaitent y rester le plus longtemps possible, accompagnées de leur entourage, de leurs proches ou de leurs aides à domicile – parfois leur seul et unique lien social.
Madame la ministre déléguée, quelle sera votre feuille de route pour que les personnes âgées puissent vieillir selon leur choix, dans le respect de leur liberté individuelle ? Que comptez-vous faire pour que nous passions enfin à l’action, et que 2020 ne soit pas vain ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie
Comme vous le savez pour y avoir contribué, madame Dufeu Schubert, le Parlement ouvrira dans quelques jours la voie à la création d’un nouveau risque, qui constituera la cinquième branche de la sécurité sociale. Ce risque et les modalités de son financement doivent désormais faire l’objet d’une concertation avec les parties prenantes et les parlementaires.
M. Maxime Minot
Cette fois, vous ne tournez pas le dos à la personne qui vous a interrogée !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée
Aux rapports que vous avez cités, permettez-moi d’ajouter celui que Caroline Fiat et Monique Iborra ont consacré aux EHPAD. Je tiens à saluer leur travail.
Après avoir posé d’indispensables fondations, il faut désormais penser à la maison elle-même, c’est-à-dire à la politique publique que nous voulons bâtir pour nos aînés, avec les territoires et au plus près de ceux-ci. L’ambition du Gouvernement est simple et forte : préserver le libre choix et, surtout, la dignité de nos compatriotes âgés en perte d’autonomie.
Parmi les grandes priorités du chantier que je mènerai ces prochains mois avec Olivier Véran, sous l’autorité du Premier ministre, figurent tout d’abord l’accompagnement et le soin à domicile. Je suis particulièrement sensible à cette question, et nous avons une ambition forte en la matière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Nous visons ensuite un changement de modèle des EHPAD, afin qu’ils deviennent de vrais lieux de vie, adaptés aux besoins les plus lourds. Nous entendons aussi apporter un soutien résolu au développement des solutions d’habitat partagé, petites unités de vie à taille humaine dotées d’un accompagnement mutualisé. Il s’agit d’une troisième voie, sur laquelle je travaillerai avec la ministre déléguée chargée de la ville. (Mêmes mouvements.) Par ailleurs, tous les métiers du grand âge doivent devenir les fers de lance de la politique du prendre soin – je vous sais attachée à ce point, madame la députée. Enfin, il convient d’affirmer la pleine citoyenneté de la personne âgée dans notre société, sa place et son rôle dans la vie de la cité. (Mêmes mouvements. – Mme Caroline Fiat applaudit également.)
De premières mesures seront présentées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, afin d’agir concrètement et rapidement, en réponse aux besoins du secteur. Soyez assurée que de nombreux rendez-vous nous attendent pour traiter la question du grand âge. Nous avons besoin de la mobilisation de toutes et tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Transition de l’agriculture
M. le président
La parole est à M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc Prud’homme
Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, les citoyens et citoyennes demandent une transition de notre agriculture, afin qu’elle produise des aliments sains et respecte la santé des paysans et des consommateurs. L’urgence climatique commande une transition vers l’agroécologie, sobre en intrants et en énergie, économe en eau. La crise du covid-19 exige la relocalisation des productions et l’atteinte rapide de l’autonomie alimentaire.
Le président Macron avait annoncé qu’il obtiendrait de l’Europe une politique agricole renforcée, pour toutes ces raisons essentielles. Nous venons de prendre acte du résultat des négociations budgétaires qui se sont achevées cette nuit, et il n’est pas glorieux : le budget de la politique agricole commune a été ratiboisé de 46 milliards d’euros ! Mais la PAC n’est pas qu’un tiroir-caisse, c’est avant tout une politique. Or celle des six ans à venir sera la même qu’avant, en pire !
Le premier pilier de la PAC, qui comprend les aides directes, perd 27 milliards d’euros, soit une baisse de 10 %. Plus grave encore, le budget dédié à l’agriculture biologique et aux pratiques vertueuses pour l’environnement et l’alimentation, le fameux deuxième pilier, subit une chute vertigineuse : 19 milliards partent en fumée, soit une baisse historique – pour reprendre un qualificatif cher au Président – de 20 % !
M. Hervé Berville
C’est faux !
M. Loïc Prud’homme
C’est une défaite en rase campagne – au sens littéral du terme. Votre prédécesseur m’avait refusé en février dernier l’organisation d’un débat parlementaire sur le plan stratégique national demandé par l’Union européenne. On comprend maintenant pourquoi : de stratégie, vous n’en avez pas ! Même en matière de traités de libre-échange, vous capitulez en coulisse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Monsieur le ministre, quand allez-vous enfin tracer un avenir pour nos agriculteurs et les défendre contre le dumping social et environnemental imposé par une Europe des égoïstes, sponsorisée par Bayer-Monsanto, pulvérisateur de cancers, et par Amazon, fossoyeur de nos zones humides et du foncier agricole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation
La réalité, monsieur Prud’homme, c’est que vous n’aimez pas l’Europe ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. Hervé Berville
Eh oui !
M. Julien Denormandie, ministre
Vous ne reconnaissez jamais ce que l’Europe peut nous apporter et vous allez jusqu’à dire des contrevérités pour mieux la critiquer. C’est scandaleux ! (Mêmes mouvements.)
Monsieur le député, je connais votre parcours ; vous êtes, comme moi, un spécialiste des questions agricoles et vous savez très bien comment le budget et les aides de la PAC sont calculés (Exclamations sur les bancs du groupe FI) : ils sont exprimés en euros courants, parce que c’est cela que les agriculteurs perçoivent. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LaREM.) Vous savez donc que, grâce à l’accord obtenu cette nuit, le budget de la PAC, en euros courants, non seulement est stabilisé, mais est même en augmentation, pour ce qui concerne tant le premier que le deuxième pilier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. Hervé Berville
Eh oui ! Bas les masques !
M. Julien Denormandie, ministre
D’autre part, peut-être auriez-vous pu, par honnêteté intellectuelle, dans les tweets que vous avez publiés cet après-midi, tenir compte, dans vos calculs, du plan de relance, qui, comme vous le savez très bien, abondera l’un des deux piliers de la PAC. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
En 1950, Robert Schuman disait…
M. Adrien Quatennens
Oh ! Arrêtez !
M. Julien Denormandie, ministre
…que, pour faire l’Europe, il fallait que chacun soit animé de ce qu’il appelait très justement « un effort créateur ». Eh oui, l’Europe suppose un effort ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) Il est bien plus facile de la détruire que de la construire. Pour faire l’Europe, il faut avoir l’esprit créatif, et c’est bien ce dont les chefs d’État et de gouvernement ont fait preuve cette nuit, à travers cet accord historique. Je serais ravi que cela suscite en vous le même effort créateur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Soutien aux PME et ETI de l’aéronautique et de l’automobile
M. le président
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Madame la ministre déléguée chargée de l’industrie, le Gouvernement a mis en place d’importants plans sectoriels pour soutenir l’activité, à hauteur de 8 milliards d’euros pour l’automobile et de 15 milliards pour l’aéronautique. Si ces plans sont essentiels pour nos champions nationaux, je me demande s’ils permettront de faire ruisseler ces moyens colossaux vers les sous-traitants. Ainsi, dans ma circonscription, les Fonderies du Poitou, pour l’automobile, et Mecafi, pour l’aéronautique, se trouvent en grande difficulté.
Les chefs des entreprises sous-traitantes nous disent presque tous la même chose. Dans l’aéronautique, par exemple, les pratiques suivantes sont à l’œuvre : blocage des livraisons pour éviter d’avoir à les régler ; pression démesurée sur les prix ; marges arrières ; retards de paiement… La liste est longue et, malheureusement, la seule charte en vigueur permettant de lutter contre ces pratiques a manifestement été oubliée. Il serait temps que les commandes publiques s’accompagnent d’une sous-traitance française, et cela dans des conditions acceptables.
Deuxième difficulté à laquelle ces PME sont confrontées : leur capitalisation. Le fonds aéronautique d’urgence est abondé à hauteur de 50 % par les « big four » – Thales, Safran, Airbus, Dassault. Vu la très faible valorisation actuelle des PME de l’aéronautique, recourir à ce fonds, c’est faire entrer le loup dans la bergerie.
Certaines collectivités, par exemple la région Nouvelle-Aquitaine, sont prêtes à participer massivement pour garantir à long terme un financement stable qui ne dépossède pas les entrepreneurs. Or il semble que Bpifrance freine ces initiatives, en limitant à 50 % la part des capitaux publics, alors que l’Europe les autorise jusqu’à 70 %. Là aussi, comme le répète à l’envi M. le Premier ministre, la solution pourrait venir des territoires.
Madame la ministre déléguée, pourriez-vous nous donner des éclaircissements tant sur le comportement inacceptable de certains donneurs d’ordre que sur le financement à long terme des entreprises, afin que, demain, nous disposions de PME et ETI fortes et nombreuses pour produire et innover ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie
Votre inquiétude est légitime, monsieur Turquois. S’agissant des Fonderies du Poitou, vous savez bien que les difficultés remontent à loin ; certes, la crise sanitaire les a accrues, mais, malheureusement, le problème était déjà là auparavant. Nous nous étions battus pour sauver l’entreprise l’année dernière, et nous continuerons à nous battre.
Plus généralement, je tiens à souligner que, pour ce qui concerne tant la filière aéronautique que la filière automobile, le Gouvernement a pris ses responsabilités, avec, comme M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance l’a indiqué, une seule boussole : l’emploi, le capital humain, la préservation des compétences sur le territoire national. C’est cela qui justifie l’ensemble des mesures que nous avons prises.
Ces mesures ne sont d’ailleurs pas orientées uniquement vers les grands groupes. Tel est le cas du soutien à l’aéronautique à travers l’accompagnement des programmes de développement, qui profitera à des ETI et PME, ou des fonds de soutien à la diversification destinés aux filières aéronautique et automobile, qui sont spécifiquement dédiés aux PME et ETI, ou encore des dispositifs d’accompagnement en fonds propres que vous avez mentionnés.
Sur ce dernier point, je veux vous rassurer : le fonds de soutien à la filière aéronautique que nous mettons en place prendra ses décisions de manière autonome, avec pour unique objectif le développement des entreprises. D’ailleurs, un fonds similaire existait il y a une dizaine d’années, le Fonds stratégique d’investissement. Nous l’avions utilisé pour soutenir Daher et Mecachrome – il se trouve que j’étais alors à la manœuvre –, et cela s’était très bien passé. Nous agirons de la même manière. En outre, cela n’empêchera évidemment pas les régions d’intervenir, bien au contraire, et nous allons même conforter les fonds régionaux.
J’en termine par les relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants. Nous serons extrêmement vigilants en ce qui concerne les délais de paiement, la visibilité, les cadences et l’attitude générale des donneurs d’ordre, afin qu’ils accompagnent de manière solidaire l’ensemble des sous-traitants. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de M. David Habib.)
Présidence de M. David Habib
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
2. Prorogation du code de la sécurité intérieure
Discussion d’un projet de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure (nos 3117, 3186).
Présentation
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur
Il y a trois ans, votre assemblée a adopté la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT. Il s’agissait alors de sortir de l’état d’urgence, tout en maintenant, pour tous les Français, un niveau de sécurité extrêmement élevé, car la menace reste prégnante et la lutte contre le terrorisme demeure une priorité du Gouvernement. Pour cela, la loi SILT a créé des outils nouveaux et adaptés, garantissant un équilibre entre efficacité de l’action antiterroriste et préservation des libertés publiques.
Vous en avez débattu dans cet hémicycle, et vous connaissez la volonté du Gouvernement, qui est de conserver ce point d’équilibre. En prenant mes fonctions de ministre de l’intérieur, j’ai conscience des lourdes responsabilités qui sont les miennes, et je salue l’action de mes prédécesseurs. Être à la fois le ministre chargé de la sécurité des Français et le garant des libertés publiques constitue évidemment un défi.
Nous sommes aussi conscients, collectivement, du niveau très élevé de la menace qui continue à peser sur notre pays. Depuis 2017, dix attaques, pour la plupart inspirées par l’État islamique, ont abouti sur le territoire national, entraînant le décès de vingt personnes. Deux d’entre elles ont été perpétrées cette année, en plein confinement : à Romans-sur-Isère, le 4 avril, deux personnes ont été tuées et plusieurs grièvement blessées ; à Colombes, le 27 avril, un policier a échappé de justesse à la mort.
En outre, toujours depuis 2017, trente-deux attentats ont été déjoués par nos services, dont un au tout début de cette année. Je voudrais à cette occasion rendre hommage aux services de renseignement, aux policiers, aux gendarmes, qui font chaque jour un travail exceptionnel pour identifier les menaces, suivre les individus dangereux et faire échouer leurs projets meurtriers.
M. Pierre Cordier
Un sacré boulot !
M. Gérald Darmanin, ministre
La loi SILT a permis à ces services de continuer à disposer, après la sortie de l’état d’urgence en 2017, d’un cadre législatif efficace et adapté à leur action. L’autorité administrative, c’est-à-dire, selon les cas, le préfet ou le ministre de l’intérieur, s’est vu reconnaître de nouvelles compétences, strictement proportionnées à l’état de la menace et toujours exercées sous le contrôle du juge, dans le seul but de prévenir les actes de terrorisme. Elle peut notamment instaurer des périmètres de protection afin d’assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement, mesure qui s’est révélée particulièrement utile ces derniers temps ; procéder à la fermeture des lieux de culte dans lesquels on fait l’apologie du terrorisme ou incite à la commission d’actes terroristes ; édicter, à l’encontre d’individus constituant une menace caractérisée pour la sécurité et l’ordre publics, des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les MICAS ; enfin, solliciter du juge l’autorisation de procéder à la visite d’un lieu fréquenté par de tels individus.
Ces dispositifs ont montré toute leur efficacité en matière de prévention de la menace terroriste. Récemment, lors de leur audition par la mission d’information de l’Assemblée nationale, les principaux acteurs de la lutte antiterroriste en ont confirmé la grande utilité opérationnelle et la pertinence pour leurs services.
Vous avez souhaité limiter leur application dans le temps : les mesures de police administrative et la technique de renseignement dite « de l’algorithme » ne peuvent être utilisées que jusqu’au 31 décembre 2020. Votre objectif était de garantir un équilibre entre la lutte contre la menace terroriste, but assigné à la loi, et la préservation des libertés fondamentales. Il s’agit là, bien sûr, d’une préoccupation que le Gouvernement partage pleinement.
Vous avez également estimé que la mise en œuvre de ces dispositions devait faire l’objet d’une évaluation précise et exhaustive avant que ne soit décidée leur prorogation, leur pérennisation ou leur adaptation. Ce contrôle parlementaire a été, il me semble, pleinement exercé ; je souhaite vivement qu’il se poursuive, en lien étroit avec les services de mon ministère – que je remercie. Le Gouvernement a rendu compte au Parlement, dans deux rapports annuels, de l’application des mesures de police administrative. Il lui a également adressé, le 30 juin dernier, un rapport relatif au recours à la technique de l’algorithme.
Le Gouvernement envisageait de soumettre au Parlement, avant l’été, un projet de loi permettant d’engager avec vous une discussion approfondie au sujet de chacune des mesures évoquées. Au-delà du bilan de leur application, nous aurions ainsi pu débattre des éventuelles adaptations de notre cadre juridique à l’évolution de la menace. Les services de renseignement y étaient prêts, ainsi que le ministère de l’intérieur, le ministère des armées et l’ensemble du Gouvernement. Mais la mobilisation nationale que nécessitait la gestion de la crise sanitaire, tant par le Gouvernement que par le Parlement, y a légitimement fait obstacle. Le contexte n’était pas favorable à un débat parlementaire approfondi et serein sur ce texte ; nous en prenons acte.
En effet, il s’agit là de sujets majeurs, touchant à la sécurité des Français et à celle du pays, ainsi qu’aux libertés fondamentales. Ils méritent d’être examinés avec l’attention requise par la chambre qui a vocation à préserver ces libertés et qui autorise le Gouvernement à agir. Compte tenu de la sensibilité et de la complexité des dispositions en cause, il m’a paru opportun de nous donner plus de temps et de reporter d’un an le débat de fond que nous aurions dû avoir cette année. Aussi, avant que le Parlement ne soit amené à se prononcer sur ces dispositions, je propose que les préfets, les forces de sécurité intérieure, les services de renseignement puissent continuer à utiliser les outils qu’ils considèrent unanimement comme nécessaires à leur action, et que les dispositions qui les ont créées soient donc prorogées d’autant. Tel est le sens du projet de loi qui vous est soumis ; sa teneur en explique d’ailleurs la brièveté.
Votre assemblée a adopté en commission un amendement réduisant à six mois, au lieu d’un an, la prorogation des dispositions de la loi SILT et de celles relatives à la technique de l’algorithme. Monsieur le rapporteur, le Gouvernement ne s’opposera pas à ce calendrier resserré, qui le conduira à déposer un nouveau projet de loi à l’automne.
L’étude d’impact du texte qui vous est soumis aujourd’hui présente un premier bilan détaillé de l’application des mesures en question. Je ne m’attarderai donc pas sur ce point lors de l’examen de la quarantaine d’amendements. Je souhaite cependant insister sur l’usage raisonné et ciblé qui a été fait des nouveaux outils que vous avez bien voulu accorder au Gouvernement.
Au 17 juillet 2020, quelque 531 périmètres de protection ont été instaurés ; sept lieux de culte ont été fermés au titre de la loi SILT ; 302 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance ont été notifiées, dont 59 sont encore actives à ce jour ; 169 visites domiciliaires ont été réalisées. Ces mesures ont été utilisées de manière ciblée et toujours sous le contrôle du juge. Conformément à l’article L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure, introduit par l’article 5 de la loi SILT, le Parlement a été informé sans délai de la mise en œuvre de chacune d’entre elles. Comme je l’ai déjà évoqué, il a également été destinataire, chaque année, d’un rapport relatif à l’application de la loi.
Le Gouvernement a également fait un usage raisonné de la technique de l’algorithme. Ainsi, depuis 2015, trois traitements automatisés ont été autorisés par le Premier ministre, après avis favorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR. Un rapport classé « confidentiel défense » détaillant leur nature et leur apport opérationnel a été remis à la délégation parlementaire au renseignement. À chaque fois, ils ont permis de détecter des contacts entre individus porteurs d’une menace terroriste, d’obtenir des informations sur leur localisation, de mettre à jour ce que nous savions du comportement d’individus connus des services de renseignement et nécessitant des investigations plus approfondies, d’améliorer la connaissance des services concernant la manière de procéder des membres de la mouvance terroriste.
M. Fabien Di Filippo
Il faut durcir tout cela !
M. Gérald Darmanin, ministre
Je le répète, les mesures dont ce texte vise à prolonger l’application constituent des outils opérationnels indispensables aux services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme. Elles ont été mises en œuvre sous le contrôle des juges judiciaire et administratif et, pour certaines, après avis de la CNCTR, dont le Gouvernement a toujours suivi le sens. Nos échanges avec le Parlement à leur sujet sont nombreux, ce qui est légitime et normal, puisque ce contrôle assure à la population le respect des libertés publiques ; le Gouvernement s’est toujours strictement acquitté de ses obligations en matière d’information en temps réel et d’évaluation régulière.
Mesdames et messieurs les députés, c’est pour toutes ces raisons, mais également pour que le débat parlementaire puisse se dérouler, le moment venu, de la manière la plus sereine possible, que je vous présente aujourd’hui, au nom du Gouvernement, ce projet de loi de prorogation. En attendant que vous soit soumis, très certainement cet automne, un texte de fond portant sur l’avenir des dispositions que vous avez bien voulu adopter ces dernières années, et sans présumer de ce que sera alors le vote de votre assemblée, nous resterons concentrés sur la seule question de la date. Cela m’amènera à émettre un avis défavorable sur tous les amendements de fond, qu’il s’agisse pour moi de vous inviter à attendre ou de manifester une opposition plus frontale.
Je saisis l’occasion pour remercier les membres de la commission des lois, quelle que soit leur sensibilité politique, ainsi que ceux de la délégation parlementaire au renseignement et ceux de la mission d’information ayant évalué la loi sur le renseignement, pour la qualité du travail commun qu’ils ont réalisé depuis plusieurs mois en relation avec Christophe Castaner et Laurent Nunez. J’exprime également le vœu, comme vous, j’en suis sûr, que les services de renseignement poursuivent leur travail délicat, acharné, patriote. Il importe que nous agissions de concert, sans naïveté et avec responsabilité. La sécurité des Français doit être au cœur de notre action et des contraintes que vous fixez au Gouvernement.
Tel est l’esprit dans lequel je présente ce projet de loi devant vous. Il est le fruit de la crise sanitaire : la prorogation proposée vous donnera le temps de l’évaluation et de la discussion, afin que vous puissiez vous prononcer à l’automne sur des mesures plus contraignantes. Je serai évidemment ouvert à toute avancée que proposeraient la délégation parlementaire au renseignement, la commission des lois et, de manière générale, les députés ou les sénateurs. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président
La parole est à M. Didier Paris, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
M. Didier Paris, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Le niveau de la menace à laquelle la France a été confrontée, en particulier depuis 2015, n’a malheureusement pas baissé. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, quelques récents événements – survenus, pour certains, pendant la période de confinement – qui montrent que la situation ne s’est pas aplanie, contrairement à ce que pourraient penser les Français.
Nous disposons de services de renseignements performants, la coordination de nos services de sécurité s’est améliorée – à cet égard, je tiens à saluer la nomination toute récente de Laurent Nunez à l’Élysée, au poste de coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme – et notre culture collective de l’urgence et de la vigilance s’est renforcée au fil du temps. Néanmoins, nous avons encore besoin, sans aucun doute, d’un dispositif juridique stable et puissant, pour continuer à faire face à la menace.
Vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, nous discutons aujourd’hui de la prorogation, d’une part, des dispositions de la loi SILT de 2017 et, d’autre part, de celles de l’article 25 de la loi de 2015 relative au renseignement, prorogées une première fois par l’article 17 de la loi SILT, et qui portent sur la technique de l’algorithme. Je ne reviendrai pas en détail sur le contenu de ces textes. Les expérimentations prévues par ces deux lois prenant fin simultanément, le 31 décembre 2020, il est impératif de prendre une décision avant l’expiration de ce délai.
Les mesures prévues par la loi SILT restent absolument indispensables à la préservation de la sécurité de nos concitoyens. Il s’agit des périmètres de protection, de loin la mesure la plus utilisée ; de la possibilité de fermer temporairement un lieu de culte, qui a été mise en œuvre de façon très parcimonieuse – vous l’avez dit, monsieur le ministre ; des MICAS, qui sont sans aucun doute restrictives de liberté mais dont l’application est très encadrée et contrôlée ; enfin, des visites domiciliaires, qui sont soumises au contrôle du juge des libertés et de la détention. Encore expérimentales, ces mesures font l’objet d’un contrôle parlementaire renforcé.
Quant au recours à la technique de renseignement algorithmique, il est encourageant, même si nous avons moins de recul pour en juger puisque cette technique n’a été mise en œuvre qu’à compter de 2017, au terme d’une nécessaire période de paramétrage. Si elle s’appuie actuellement sur les données de facturation, les services de renseignement ont sans doute besoin d’avoir accès aux réseaux cryptés et aux adresses web – par exemple celles de tutoriels expliquant comment fabriquer un explosif ou comment partir pour le djihad. L’enjeu principal est de passer du contrôle des connexions à celui des données. Nous ne devons bien évidemment pas baisser la garde en la matière, ces mesures étant tout aussi importantes que celles de la loi SILT pour garantir la protection que nous devons à nos concitoyens.
En raison de l’épidémie de covid-19, nous avons pris du retard, et nous ne pouvons guère envisager une discussion de fond sur ces textes dans le temps qui nous était imparti initialement. En outre, une procédure en cours devant la Cour de justice de l’Union européenne, intentée par la France et d’autres pays, pourrait remettre en cause la validité de certaines techniques de renseignement, ce qui conduirait à privilégier le recours à la technique de l’algorithme. Pour cette raison aussi, nous avons besoin d’un temps de réflexion : il conviendra de tenir compte de la décision juridictionnelle qui aura été rendue, dans le cadre du ou des projets de loi qui seront discutés au Parlement.
La seule solution réellement efficace à ce stade consiste à proroger, à l’identique, les mesures prévues par la loi SILT. Cela nous permettra non seulement de concilier la réalisation de nos objectifs opérationnels, qui est absolument essentielle, avec la nécessité d’adapter, dans un délai raisonnable, les dispositions de ladite loi, mais aussi de prévoir un texte plus ambitieux sur la technique de renseignement par algorithme.
Le Gouvernement souhaitait une prorogation d’un an à partir de l’échéance initialement prévue. La commission des lois a décidé de réduire cette durée à six mois – soit un an, presque jour par jour, à partir d’aujourd’hui –, ce à quoi vous venez de donner votre accord, monsieur le ministre, de façon parfaitement cohérente.
Compte tenu des enjeux de liberté et de sécurité, il nous semble possible de tenir ce délai, d’autant que nous disposons de plusieurs rapports du Gouvernement au Parlement – ce qui est normal, c’est conforme à notre rôle de contrôle –, auxquels s’ajoutent les travaux de contrôle de la loi SILT, effectués par Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, avec l’aide de Raphaël Gauvain et d’Éric Ciotti, qui nous ont permis d’avoir un regard assez précis sur les évolutions, et le rapport de la mission d’information sur l’évaluation de la loi de 2015 relative au renseignement, intitulé « Sécurité nationale et libertés : le cadre juridique du renseignement, aujourd’hui et demain », remis récemment par son président, Guillaume Larrivé, et ses deux rapporteurs, Loïc Kervran et Jean-Michel Mis, ici présents. Mieux vaut donc maintenir le statu quo et organiser le plus rapidement possible, dans des conditions normales, un véritable débat de fond, que nous appelons en réalité tous de nos vœux, sur tous les bancs.
Nous ne courons pas – ou plutôt nous ne courons plus – le risque de porter atteinte aux libertés individuelles, dans la mesure où les textes initiaux ont été passés au crible par le Conseil constitutionnel, à l’occasion de quatre questions prioritaires de constitutionnalité. Le Conseil a pu ainsi soit valider leurs dispositions, soit les encadrer, soit émettre des réserves d’interprétation, si bien que le droit nous semble à présent parfaitement stabilisé – en tant que rapporteur de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, je me souviens que nous avons tenu compte des décisions du Conseil constitutionnel aux articles 65 et 66 de ladite loi. Il aurait été difficile de proroger les mesures en question si nous n’avions pas été certains de leur conformité à nos règles élémentaires de protection des libertés individuelles. Heureusement, nous ne sommes pas dans cette situation.
La commission des lois peut donc, sans difficulté particulière, valider le principe selon lequel nous aurons ultérieurement une discussion de fond, sereine et parfaitement légitime, sur l’ensemble de ces questions, sur la base d’un projet de loi gouvernemental – qui est, globalement, déjà prêt, sous réserve des adaptations nécessaires. Pour rester dans la logique d’une loi « d’enjambement », je serai moi aussi amené, en tant que rapporteur, à m’opposer à la plupart des amendements, pour ne pas dire à tous.
Mme Mathilde Panot
Ça, c’est un débat constructif !
M. Didier Paris, rapporteur
Cela ne préjuge en rien de la teneur des débats qui nous réuniront dans quelques mois, sous votre égide, monsieur le ministre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti
Nous abordons, en l’espace de quelques jours, deux textes dont l’ambition est de prévenir la menace terroriste. Ils sont utiles, et je les voterai, mais ils dénotent un manque de courage et d’ambition. Ce sont même, probablement, deux textes de trop. Celui que nous examinerons prochainement – la proposition de loi, défendue par Mme la présidente de la commission des lois, qui vise à mieux prendre en considération la terrible menace que constitue la sortie de prison des terroristes condamnés et des détenus de droit commun radicalisés – laisse peser une hypothèque très forte, grave et dangereuse sur notre pays. Avec celui que nous examinons aujourd’hui, monsieur le ministre, nous nous contentons de proroger les dispositions de la loi SILT.
Naturellement, cette prorogation est nécessaire, car il n’est pas question de nous désarmer totalement ! Je n’avais pas voté la loi SILT au motif qu’elle affaiblissait considérablement le dispositif antérieur, applicable pendant la période de l’état d’urgence. Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, Mme la présidente de la commission des lois, Raphaël Gauvain et moi-même avons examiné l’application de la loi SILT. Or les chiffres sont très clairs : il y a eu 167 visites domiciliaires sous le régime de la loi SILT, contre 4 600 perquisitions administratives lorsque l’état d’urgence était en vigueur ; à peine sept fermetures administratives de lieux de culte, malgré la montée de la radicalisation religieuse,…
M. Pierre Cordier
C’est trop peu !
M. Éric Ciotti
…contre vingt-neuf auparavant ; à peine 294 MICAS, contre 450 assignations à résidence pendant l’état d’urgence. Nous avons donc affaibli notre degré de protection.
Nous avons tendance à l’oublier, la menace terroriste perdure ; le virus ne l’a pas dissipée. Nous constatons les avancées des islamistes dans nos quartiers, des attentats terroristes à bas bruit. On n’en parle presque plus, mais ils rappellent que la menace reste présente partout, sachant qu’elle va se renforcer encore avec les sorties de prison terriblement préoccupantes que j’ai évoquées.
Compte tenu de la gravité de la menace, tout en vous répétant que je voterai ce projet de loi, tout comme l’ensemble du groupe Les Républicains, j’appelle de mes vœux une grande loi contre le terrorisme qui rompe avec une forme de naïveté. À cette fin, une réforme constitutionnelle serait effectivement nécessaire. Eh bien, ayons le courage qui s’impose ! Ayons le courage de mettre en place la rétention administrative ! C’est une mesure que nous avions soutenue ensemble, monsieur le ministre, aux côtés de Nicolas Sarkozy. En 2016, lors de la primaire de la droite – vous étiez alors son directeur de campagne –, nous avions plaidé, vous et moi, pour la tenue d’un référendum sur le sujet. Vous aviez à l’époque des convictions fortes, et je sais que vous les avez toujours, concernant la rétention de sûreté pour ceux qui sortent de prison et constituent une menace. Il s’agit non pas d’infliger une peine, comme l’a dit hier le garde des sceaux, mais d’appliquer un principe de précaution. Il faudra prendre de telles mesures si nous voulons vraiment protéger notre société.
Il faudra aussi avoir le courage d’expulser ceux qui sont venus en France depuis l’étranger, ne sont pas français et représentent une menace. Je pense aux 4 000 personnes de nationalité étrangère inscrites au FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Ce chiffre – Mme la présidente de la commission des lois s’en souvient – nous avait été donné par Mme Belloubet. Je regrette que mon amendement qui visait à expulser ces personnes ait été déclaré irrecevable. J’avoue d’ailleurs ne pas comprendre pourquoi il l’a été.
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Ce n’est pas cela !
M. Fabien Di Filippo
M. Ciotti a raison !
M. Éric Ciotti
N’y a-t-il donc aucun lien, madame la présidente de la commission des lois, entre mon amendement et un texte relatif à la menace terroriste ? Voilà ce qu’on m’a fait valoir, alors que 4 000 personnes de nationalité étrangère sont considérées comme représentant une menace terroriste ! Cette décision, emblématique d’une extraordinaire naïveté, affaiblit considérablement notre assemblée. Je tenais à le dire, car nos débats doivent être libres, non pas verrouillés ni entravés.
Il faudra aborder ces questions, en allant bien au-delà des quelques mesurettes que vous proposez. Il faut, bien sûr, proroger les dispositions de la loi SILT et la possibilité de recourir à la technique de l’algorithme, prévue par la loi relative au renseignement. Mais ayons plus de fermeté, d’ambition, de courage ! Ces qualités seront indispensables pour mieux combattre la menace islamiste, qui est toujours présente et toujours aussi forte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Nicolas Meizonnet et Mme Emmanuelle Ménard applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge.
Mme Élodie Jacquier-Laforge
L’objectif de ce projet de loi est simple : prolonger de quelques mois les cinq expérimentations prévues par la loi SILT de 2017. En effet, ladite loi prévoit que ces dispositifs arriveront à expiration le 31 décembre 2020. Or, comme vous le savez, la menace reste malheureusement d’actualité, ce qui rend nécessaire leur prorogation.
Sont concernées par le texte, d’une part, quatre catégories de mesures pouvant être prises par l’autorité administrative, ayant pour seule finalité la prévention des actes de terrorisme : l’institution de périmètres de protection, la fermeture des lieux de cultes, les MICAS, les visites domiciliaires et saisies. Est concerné, d’autre part, l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure, qui permet d’imposer la mise en œuvre de traitements automatisés destinés à détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste, sans qu’il soit possible de procéder, dans un premier temps, à l’identification des personnes concernées.
Initialement, nous nourrissions des ambitions plus conséquentes : nous devions examiner un texte portant sur les conditions de la pérennisation ou de la suppression de ces mesures. Ce devait être l’occasion d’un débat approfondi permettant d’évaluer leur efficacité et, si nécessaire, de les améliorer. Tout cela aurait dû avoir lieu au printemps, mais la pandémie a profondément perturbé l’ordre du jour envisagé.
Le Parlement a néanmoins entamé une importante réflexion sur ces mesures : le rapport de la mission d’information sur l’évaluation de la loi relative au renseignement comporte des propositions d’amélioration concernant la technique dite de l’algorithme. De son côté, le Sénat a produit un intéressant rapport d’information sur le contrôle et le suivi de la loi SILT. Je suis certaine que ces travaux sont de nature à nourrir le projet de loi qui doit être préparé par le Gouvernement pour l’automne, selon ce que M. le ministre nous a indiqué.
Nous pensons qu’il serait délicat d’introduire, par voie d’amendement, des modifications aux mesures expérimentales. En effet, compte tenu de la sensibilité des enjeux, il nous paraît important de bénéficier, sur les dispositions envisagées, d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État. Il semble difficile d’organiser, avant le 31 décembre prochain, l’examen du texte portant sur les conditions de pérennisation ou la suppression des mesures en question. La période budgétaire promet d’être dense, et l’ordre du jour de l’automne devrait être largement consacré au plan de relance et à la sortie de la crise. Dans ces conditions, il nous paraît souhaitable de prolonger les expérimentations, afin de nous laisser le temps d’examiner sereinement le texte initialement envisagé.
Comme nous l’avions indiqué lors de l’examen en commission de lois, nous souhaitons néanmoins que cet examen puisse avoir lieu dès que possible. La prorogation est une souplesse souhaitable, mais elle ne doit pas nous conduire à repousser plus que de raison un débat nécessaire. C’est pourquoi le groupe du Mouvement démocrate et apparentés se félicite de la validation par M. le ministre du délai de six mois adopté en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le président
La parole est à Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des lois, monsieur l’excellent rapporteur – sur un texte difficile, vous avez montré tous les talents que nous vous connaissons –, mes chers collègues, la prorogation de l’état d’urgence, votée à l’unanimité à la suite de la réunion du Congrès à Versailles le 16 novembre 2015, comme sa constitutionnalisation alors annoncée par le Président de la République, répondait à une situation d’exception exigeant des mesures politiques et de sécurité vitales pour notre pays ébranlé, meurtri par le drame terroriste du 13 novembre 2015. Cet état d’exception a été renouvelé à six reprises jusqu’à l’engagement du président Macron d’y mettre fin, ce qui a conduit à sa levée le 1er novembre 2017.
Nous sommes sortis de l’état d’urgence sans que la question de sa constitutionnalisation ait été traitée, alors que les régimes d’exceptions sont inscrits, nous le savons, dans la loi fondamentale constituant notre pacte social. Une inscription dans la Constitution permettrait d’y faire figurer le contrôle qu’il revient à l’Assemblée nationale d’exercer, en donnant son accord et en ayant la possibilité de le retirer en aval. Elle permettrait aussi de limiter les excès possibles lors de l’adoption de mesures par temps de crise.
Le texte dont la prorogation est demandée comporte des dispositions issues de l’état d’urgence – périmètres de protection, fermeture de lieux de culte, MICAS et recours à l’algorithme pour le renseignement – dont la portée potentiellement attentatoire aux libertés a justifié une clause de revoyure. Nous y sommes !
Ces dispositions répondent, dites-vous, à la légitime exigence démocratique de prévention du risque terroriste, mais elles doivent satisfaire tout autant aux exigences constitutionnelles qui fondent notre État de droit. Telle est la difficulté de l’exercice pour le législateur. La police administrative peut être une première marche utile si elle sert la prévention du terrorisme. Toute la difficulté est d’en apprécier le fonctionnement et l’efficacité dans le respect de ces garanties.
Un débat transparent, documenté et apaisé s’impose à ce sujet. Force est de constater que la conjoncture actuelle ne permet pas un tel débat au sein d’un Parlement par ailleurs très demandeur de mesures urgentes en matière de relance économique, d’action sociale, dans une architecture nouvelle faisant prédominer la protection de l’environnement.
Le texte qui nous est soumis a été opportunément modifié par la commission des lois à l’initiative du rapporteur : la prorogation a été réduite de six mois et la limite pour l’examen du texte a été fixée au 31 juillet 2021. Ce délai raisonnable nous convient.
L’examen de ces mesures et leur introduction dans le dur de la loi, en principe sans clause de revoyure, exigera de notre part une grande attention et une évaluation précise de leur application par l’administration. En première analyse, le contrôle parlementaire devrait trouver une application concrète et élargie. Ouvert à tous les groupes d’opposition, ce contrôle améliorerait la démocratie parlementaire sur la question majeure de la police administrative et des prérogatives du préfet.
Le caractère exorbitant de ces mesures administratives nous imposera de réexaminer la procédure, le rôle du juge et l’exercice des droits de la défense. « Reculer sur nos libertés, c’est donner raison aux terroristes », disait Éric Dupond-Moretti – on le cite beaucoup depuis qu’il est devenu garde des sceaux. Je partage cette approche, qui commande une analyse fine de l’ensemble du texte, de sorte que, sans amoindrir les outils de prévention du terrorisme, nous garantissions le maintien de nos libertés.
Pour l’heure, il s’agit d’une prorogation, la situation difficile que nous connaissons, fort heureusement exceptionnelle, ne permettant pas l’examen attentif d’un nouveau texte. Par ailleurs, on nous dit qu’il a été fait une application raisonnée des dispositions concernées. En conséquence, les membres du groupe Socialistes et apparentés voteront, dans leur grande majorité, le projet de loi.
M. le président
La parole est à M. Pierre Morel-À-L’Huissier.
M. Pierre Morel-À-L’Huissier
En 2017, lors de l’examen du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, il avait été décidé que les mesures de surveillance administrative auraient un caractère expérimental, et notre groupe avait salué cette évolution. Eu égard à leur nouveauté dans notre ordre juridique et à leur caractère très dérogatoire au droit commun, il était sage de nous laisser ainsi une marge de manœuvre. Nous étions donc tous conscients des enjeux en matière de libertés individuelles.
Bien sûr, la volonté de protéger nos concitoyens n’est pas un sujet de discussion. Le débat relatif à ces mesures administratives porte donc essentiellement sur l’équilibre entre sécurité et liberté. Or ce débat peut se révéler complexe et délicat ; l’examen de cette question demande du temps. Les circonstances actuelles, liées à l’épidémie, n’y sont pas propices.
Par conséquent, nous soutenons ce projet de loi, qui tend à modifier la date butoir des expérimentations. Nous saluons vivement le fait que cette date ait été finalement ramenée au 31 juillet 2021. En effet, nous ne voyions a priori aucune raison de prolonger davantage les expérimentations. Le débat avec le Parlement doit avoir lieu le plus tôt possible : nous ne devons en aucun cas occulter les questions de fond plus longtemps qu’il n’est strictement nécessaire. Nous devrons alors nous interroger sur l’efficacité réelle des différents dispositifs, et nous demander si le contrôle parlementaire effectué a été opérant et utile.
Ces mesures ne sont évidemment pas suffisantes en elles-mêmes. C’est une question que nous devrons également nous poser. En effet, il ne faut pas oublier que la lutte contre le terrorisme doit aussi reposer sur des programmes de déradicalisation performants et sur la réinsertion, l’univers carcéral devant être beaucoup plus tourné vers cet objectif qu’il ne l’est aujourd’hui. Cela pourrait d’ailleurs constituer une réponse nouvelle à la situation des enfants français récupérés, au cas par cas, en provenance des camps kurdes de Syrie. Nous souhaitons qu’ils soient réintégrés en France avec leur mère – je sais que le sujet est délicat, monsieur le ministre, et nous aurons l’occasion d’y revenir.
Sans remettre en question ces mesures en particulier, puisque nous aurons le débat plus tard, je tiens à faire une remarque plus générale : il semble que nous nous accoutumions du provisoire qui dure et de mesures censées être temporaires qui finissent par intégrer le droit commun. Les intentions sont souvent bonnes, puisqu’il s’agit, dans la plupart des cas, de garantir la sécurité de nos concitoyens, mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue qu’à force de fusionner les mesures dérogatoires avec le droit ordinaire, nous risquons de ne plus en reconnaître les frontières. Nous devons rester vigilants.
Le groupe UDI et indépendants ne se prononce donc pas sur le fond, mais uniquement sur la nécessité de reporter le débat, pour qu’il puisse se dérouler dans les meilleures conditions. Il est favorable à ce report.
M. le président
La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas
Avec ce projet de loi, vous nous proposez de proroger les quatre premiers articles de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, ainsi que l’article 25 de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Cette demande nous apparaît justifiée eu égard aux conséquences de la crise sanitaire sur le calendrier parlementaire.
Il était cependant indispensable de ne pas les proroger au-delà du raisonnable. C’est pourquoi le groupe Libertés et territoires se réjouit de la réduction du délai de prorogation d’un an à six mois, adoptée à la fois par la commission de la défense, saisie pour avis, et par la commission des lois, saisie au fond.
La clause de révision est en effet un acquis important car, si le projet de loi que vous nous présentez ne pose pas de difficulté au groupe Libertés et territoires, nous avons des réserves de fond, qui concernent tant la loi SILT que la loi relative au renseignement. Une évolution du cadre légal est absolument nécessaire, et notre groupe y prendra toute sa part le moment venu.
À cet égard, j’aimerais m’attarder sur l’expérimentation de la technique dite de l’algorithme pour le recueil du renseignement. Il est indispensable que le Gouvernement fasse un bilan précis de cette mesure et « un bilan plus général de l’application du cadre légal entré en vigueur en 2015 », comme l’a souligné la CNCTR dans son rapport d’activité 2019. En effet, la pratique a révélé que certaines dispositions de la procédure posaient des difficultés d’application ; il est donc nécessaire de les rectifier. En outre, certains encadrements sont trop souples, d’autres sont trop rigoureux, ce qui appelle des ajustements. La CNCTR a d’ailleurs proposé une extension du droit au recours contentieux en matière de surveillance internationale et des modifications législatives portant sur certains aspects techniques ou procéduraux.
Par ailleurs, cela a été rappelé, des instances sont en cours devant les juridictions européennes. Le Gouvernement devra tirer toutes les conséquences des décisions qui seront rendues par la Cour de justice de l’Union européenne, saisie de plusieurs questions préjudicielles relatives à la conservation des données de connexion, et par la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH. Deux instances sont en cours devant les juges de Strasbourg au sujet de la conformité aux stipulations de la convention européenne des droits de l’homme – en particulier le droit au respect de la vie privée – de dispositions légales régissant le partage international de données entre services de renseignement. Notons également que quatorze requêtes ont été introduites devant la CEDH par des avocats et des journalistes contre la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Elles sont toujours pendantes.
En ce qui concerne les dispositions des articles 1er à 4 de la loi SILT, qui ont permis de sortir de l’état d’urgence en dotant l’autorité de police administrative de pouvoirs spécifiques en matière de prévention d’actes de terrorisme, nous serons extrêmement vigilants, car elles sont particulièrement sensibles du point de vue des droits et des libertés individuelles. Au demeurant, rien n’indique qu’elles sont utiles et plus efficaces que le droit commun. C’est pourquoi notre groupe estime indispensable qu’une évaluation indépendante soit menée. Celle-ci pourrait nourrir le travail de réflexion des députés, qui auront in fine la tâche de les reconduire ou non, selon les modalités qu’ils auront définies.
Une demande en ce sens avait d’ailleurs été formulée par la rapporteure spéciale compétente du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, lors de sa visite en France en 2018. À cette occasion, elle avait émis quelques recommandations relatives à la loi SILT. J’en citerai deux : établir si les dispositions de la loi sont utiles compte tenu des principes de nécessité, de proportionnalité et de non-discrimination ; renforcer le contrôle que le Parlement exerce sur les autorités chargées de lutter contre le terrorisme et d’assurer la sécurité nationale.
Pour conclure, je veux évoquer les MICAS. Leur nombre augmente, principalement parce que leur utilisation s’est orientée vers les personnes sortant de prison. Pourtant, ces mesures sont un frein à la réinsertion : la personne frappée d’une MICAS est placée dans un cercle vicieux aux effets contre-productifs. Par ailleurs, il convient de s’interroger sur la place du juge judiciaire dans la mise en œuvre des MICAS. Certes, le juge de la détention et des libertés entre en jeu, mais il n’intervient pas de la même façon que le juge judiciaire. Pour notre groupe, il est essentiel de redonner au juge judiciaire toute sa place dans le dispositif.
Le groupe Libertés et territoires votera ce projet de loi de simple prorogation, mais cela ne nous empêchera pas, vous l’aurez compris, d’être extrêmement vigilants lorsque nous serons amenés à analyser, dans quelques mois, le fond des mesures de la loi SILT.
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot
Monsieur le ministre, 30 octobre 2017, vote de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ; 21 juillet 2020, vote pour la prolongation de cette même loi ; 10 septembre 2018, vote de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie ; 10 avril 2019, vote de la loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, dite anti-casseurs – ou, devrais-je dire, anti-manifestants ; 13 mai 2020, vote de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, retoquée ensuite par le Conseil constitutionnel ; 23 mars 2020, vote de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ; 28 avril 2020, vote du projet StopCovid ; 11 mai 2020, vote de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Dernièrement, nous avons débattu de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine, et prochainement, nous devrons nous pencher sur le projet de loi contre les séparatismes, annoncé par le Premier ministre – rien que cela. Chers collègues, n’en avez-vous pas assez ?
Nous voilà convoqués une nouvelle fois dans l’hémicycle pour votre énième caprice sécuritaire. Et comme toujours, nous ne disposons d’aucune information qui garantisse l’efficacité des mesures que vous voulez prolonger. Vous nous invitez à prendre position sur la prorogation d’une loi, alors que la mission de contrôle de l’Assemblée nationale n’a toujours pas rendu son rapport. Une évaluation a pourtant été exigée par la Commission nationale consultative des droits de l’homme – CNCDH – et par la rapporteure spéciale des Nations unies. Non : à la place, nous disposons des données et des affirmations du ministère de l’intérieur dans son rapport annuel sur l’application de la loi, sans aucune contradiction. Bien entendu, on imagine mal le ministère de l’intérieur contester un dispositif que le ministre lui-même soutient !
Votre surenchère sécuritaire montre ses limites. L’argument derrière l’article qui renforce les algorithmes est contesté par les faits : une publication du Monde, datant de 2019, nous révèle que, d’après une source du ministère de l’intérieur – vous n’allez pas la contester ! –, cinquante-huit des cinquante-neuf attentats déjoués depuis six ans l’ont été grâce au renseignement humain. C’est une intervention humaine qui permet, dans l’immense majorité des cas, d’empêcher le mal d’advenir. Les boîtes noires que vous pérennisez ont permis, entre 2017 et fin 2018, d’identifier moins de dix personnes à risque, sans qu’aucune de ces trouvailles n’ait à ce jour débouché sur un dossier opérationnel. Pourtant, dans l’étude d’impact, vous vantez le dispositif et vous en inversez la logique. La technologie n’attrape pas suffisamment de coupables potentiels ? Il faut accroître la technologie ! Vous savez où mène cette logique : à la fabrication artisanale des coupables.
Et tout cela, à quel prix ? Amnesty International a démontré que les mesures de la loi SILT pouvaient conduire à des violations du droit à une procédure équitable, du droit de circuler librement, du droit au travail et du droit au respect de la vie privée et familiale, ainsi qu’à de graves conséquences psychologiques. Le recueil de renseignement par algorithmes est taillé pour avaler une grande quantité de données et pourrait, à terme, être étendu à l’ensemble de la population. Ni la nécessité, ni la proportionnalité, ni l’efficacité de telles mesures n’ont été démontrées.
L’antiterrorisme est un sujet bien trop sérieux pour n’en faire qu’un appât électoral. Ce n’est pas parce que vous agitez les bras, que vous parlez fort et proposez un énième texte de loi que vous garantirez la sécurité de la nation. Il est temps de revenir à la raison : donnez des moyens à la justice et des moyens humains aux services de renseignement. Voilà ce que devrait être une véritable politique contre les actes terroristes !
Mais surtout, ne jouez pas avec nos libertés fondamentales. Au fond, vous pensez que la peur prépare à tout accepter. Elle permet d’accomplir votre rêve, qui a échoué à Tarnac et qui continue à Bure : celui de contrôler la population jusqu’à l’absurde, en distribuant des « associations de malfaiteurs » selon votre envie.
Des coupables fabriqués de toutes pièces, Tarnac en a connu. Ayez à l’esprit ce fiasco de l’antiterrorisme, quand des individus ont été poursuivis pour association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste sur la base d’un livre, puis poursuivis pour association de malfaiteurs tout court, et enfin pour rien du tout, puisqu’ils ont été relaxés en 2018. Cette procédure a duré dix années : dix années durant lesquelles les services de renseignement se sont mêlés à l’enquête judiciaire, dix années durant lesquelles les propos et constatations des policiers, protégés par le secret défense, ne pouvaient être vérifiés par le juge judiciaire.
Pensez à Bure, bastion de la surveillance généralisée des militants antinucléaire. L’enquête pénale sur les opposants au projet d’enfouissement de déchets a déjà coûté 1 million d’euros. La politique répressive qui consistait à faire des contrôles d’identité systématiques a même été jugée illégale par la cour d’appel de Nancy.
Il y a ceux sur lesquels on s’acharne et ceux que l’on épargne, comme lorsqu’on prétend n’avoir pas trouvé les organisateurs d’une manifestation de policiers. C’est là votre pouvoir : vous décidez qui sème la terreur.
Nous voilà, encore une fois, à nous installer dans le provisoire en prolongeant des mesures sécuritaires sous prétexte d’épidémie. Le coronavirus a bon dos et nous ne sommes pas dupes : il y a un continuum sécuritaire dans votre politique. Avec ce vote, vous confortez Giorgio Agamben dans ses positions : « Le pouvoir aujourd’hui n’a d’autre forme de légitimité que l’état d’urgence et partout et continuellement en appelle à lui et travaille en même temps secrètement à sa production (comment ne pas penser qu’un système qui ne peut désormais fonctionner que sur la base d’un état d’urgence ne soit pas également intéressé à maintenir cet état à n’importe quel prix ?). »
Chers collègues, sans surprise, le groupe La France insoumise votera contre ce texte. On ne gouverne pas dans l’exception !
M. le président
La parole est à M. Hubert Julien-Laferrière.
M. Hubert Julien-Laferrière
La gravité des faits auxquels ce texte fait référence est toujours dans la mémoire de chacun d’entre nous. Depuis 2017, l’autorité administrative dispose de moyens juridiques étendus ayant pour seule finalité la prévention des actes de terrorisme. En raison du caractère dérogatoire au droit commun de ces mesures qui accroissent les pouvoirs de police de l’autorité administrative, le Parlement a souhaité en limiter la durée d’application au 31 décembre 2020.
Aujourd’hui, comme en 2017, nous devons répondre à la question fondamentale de l’équilibre entre les deux valeurs charnières de ce texte que sont la sécurité et la liberté. Pas de sécurité sans liberté ; pas de liberté sans sécurité. Quand les menaces à l’ordre public – et par conséquent à la sécurité collective – s’accroissent, l’arsenal juridique doit savoir s’adapter, sous le contrôle des juges. Ce texte nous propose ainsi de proroger de six mois la durée de validité de certaines dispositions.
Nous saluons, comme d’autres avant nous, l’amendement de M. le rapporteur, approuvé par le Gouvernement, qui limite la prorogation à six mois contre un an dans le projet initial. Nous réaffirmons également notre attachement à un contrôle parlementaire opérationnel : les rapports détaillés sur les mesures prises dans le cadre de la loi SILT, adressés chaque année au Parlement, doivent nous permettre d’apprécier par nous-mêmes la menace terroriste sur le territoire de la République et l’efficacité des dispositifs déployés pour lutter contre elle.
Nous gardons cependant, à l’instar d’autres collègues, un œil critique sur l’article 2 prorogeant de six mois l’expérimentation de techniques algorithmiques sur les données dans la lutte contre le terrorisme. L’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure comporte certes un certain nombre de garanties quant à l’usage de ces algorithmes, mais son cadre est aujourd’hui dépassé à plusieurs titres. Le rapport pour avis de la commission des lois sur le présent texte souligne que la non-prise en compte de certaines données interroge sur l’efficacité réelle du dispositif. En outre, il paraît opportun d’attendre la décision de la Cour de justice de l’Union européenne sur les questions préjudicielles posées par le Conseil d’État à l’issue de l’affaire Tele2 Sverige. Cette décision, qui doit intervenir à l’automne, pourrait rendre nécessaires des ajustements substantiels du droit du renseignement.
Les circonstances sanitaires exceptionnelles résultant de l’épidémie de covid-19 rendent difficile l’examen par le Parlement, en temps utile et dans des conditions de débat appropriées et sereines, d’un projet de loi spécifique portant sur les conditions de la pérennisation ou de la suppression de ces mesures. Il faut laisser un temps nécessaire à la préparation d’un texte de loi équilibré permettant de mettre fin à ces mesures transitoires, qui ne peuvent être inscrites dans le droit commun de manière pérenne.
L’équilibre nous paraît trouvé dans ce texte qui respecte une stricte proportion entre la gravité de la menace et le niveau des restrictions consenties à l’exercice normal des libertés publiques, notamment grâce au caractère limité dans le temps des mesures adoptées. « Sans sécurité, il n’y a ni liberté, ni égalité, ni fraternité. Juste la peur », affirmait Ghislain Benhessa, auteur de L’État
C’est pourquoi le groupe Écologie démocratie solidarité, qui entend les observations formulées par le Gouvernement, votera pour le texte. Nous vous donnons rendez-vous, dans quelques mois, pour l’examen d’un nouveau texte de loi.
M. le président
La parole est à M. Dimitri Houbron.
M. Dimitri Houbron
Les circonstances sanitaires que nous traversons ont légitimement concentré toute notre attention, qui n’est pas près de s’estomper dans les semaines et les mois à venir. Cependant, il convient de rappeler que la crise du covid-19 n’a pas mis sous cloche des problèmes contre lesquels nous dirigions nos efforts il y a encore quatre mois. Pire, le nouveau coronavirus en a, dans certains cas, aggravé les symptômes. À titre d’exemple, les cellules internationales de lutte contre le terrorisme ont constaté que l’État islamique a profité de la soudaine focalisation des États membres de la coalition sur l’endiguement de la pandémie pour multiplier les opérations de libération de djihadistes en Syrie et en Irak.
M. Philippe Gosselin
Ils ont bien profité de la situation !
M. Dimitri Houbron
Je tiens à rappeler, voire à porter à la connaissance de certains de mes collègues, la publication par Europol du rapport 2020 sur la situation et les tendances du terrorisme, présenté le 23 juin dernier devant la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen. Ce document, bien qu’il mette en lumière la décroissance du terrorisme djihadiste – vingt et une attaques en 2019, soit trois de moins qu’en 2018 et douze de moins qu’en 2017 –, rappelle aussi que l’État islamique est en quête d’opportunités d’attaques à grande échelle visant des citoyens de l’Union européenne. Le rapport nous indique aussi que 119 attentats terroristes se sont produits, ont été déjoués ou ont échoué dans l’Union européenne en 2019. La grande majorité des arrestations a lieu dans cinq pays : Royaume-Uni, France, Italie, Belgique et Espagne. La France est donc aujourd’hui, après le Brexit, le pays le plus menacé par le terrorisme dans l’Union européenne.
Le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui par le Gouvernement propose de prolonger l’application de plusieurs mesures, faute de pouvoir les refonder par manque de temps, la crise sanitaire ayant bousculé l’agenda législatif – une nécessité compliquée pour nous, parlementaires, mais impérative compte tenu de la menace terroriste et des circonstances.
D’un côté, nous nous penchons sur les quatre mesures de la loi du 30 octobre 2017 relatives aux périmètres de protection, à la fermeture des lieux de culte, aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance telles que l’assignation sur le territoire communal ou départemental, et aux visites domiciliaires et saisies telles que les perquisitions administratives. Considérées comme les plus sensibles au regard du respect des droits et libertés constitutionnellement garantis, ces dispositions sont tempérées par leur caractère temporaire, l’échéance étant fixée au 31 juillet 2021 au lieu du 31 décembre 2020 comme prévu initialement.
De l’autre côté, nous examinons l’article 25 de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, qui permet la mise en œuvre d’une technique de renseignement dite algorithme, destinée aux seuls besoins de la prévention du terrorisme. Trois de ces algorithmes ont été déployés entre le 12 octobre 2017 et aujourd’hui ; le secret défense ne permet pas d’en révéler l’architecture, mais les résultats seraient probants. Ces algorithmes, pour être efficaces un jour, doivent continuer à apprendre et à affiner leur capacité analytique.
J’ajoute que les différents rapports de suivi relatifs à ces dispositifs démontrent une utilisation parcimonieuse par les autorités compétentes de ces outils exceptionnels pour la lutte antiterroriste. Rappelons également que ce texte contient des dispositions garantissant une application des moyens proportionnelle aux risques : contrôle du juge des libertés et de la détention en matière de visites domiciliaires et saisies administratives, et de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement – CNCTR – en matière d’identification des individus potentiellement dangereux repérés par un algorithme.
Au vu des différents éléments exposés, le groupe Agir ensemble votera en faveur de la prolongation des mesures mentionnées dans le projet de loi qui nous est présenté. Nous serons toutefois vigilants et soucieux de voir la loi SILT et la loi relative au renseignement faire l’objet d’une véritable réévaluation en 2021. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
Le Gouvernement considère que « les circonstances sanitaires exceptionnelles résultant de l’épidémie de covid-19 rendent difficile l’examen en temps utile […] d’un projet de loi spécifique portant sur les conditions de la pérennisation ou de la suppression de ces mesures. »
Il nous est donc demandé, en procédure accélérée, sans débat de fond, sans bilan détaillé et exhaustif de l’efficacité de notre arsenal législatif de lutte contre le terrorisme, de proroger des mesures préventives, ordonnées sur la base de simples soupçons, restrictives de libertés, décidées par l’autorité administrative et dérobées, pour la plupart, au contrôle du juge judiciaire. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine juge cette méthode pour le moins contestable.
Les dispositifs qu’il s’agit aujourd’hui de proroger sont des instruments de police administrative : les périmètres de protection, la fermeture temporaire des lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les visites domiciliaires et les saisies.
Ces dispositifs institués par la loi SILT ont ancré dans le droit commun les pouvoirs spéciaux de l’état d’urgence. Lors de son examen, notre groupe s’était opposé, avec des associations de défense des droits de l’homme, de nombreux experts, des organisations internationales et des autorités administratives indépendantes, à cette loi de normalisation de l’état d’urgence. Nous avions alors alerté l’Assemblée sur les risques contenus par ce texte et sur les dérives liées à la banalisation des mesures d’exception, de nature à fragiliser l’État de droit et l’exercice des libertés fondamentales.
C’est donc logiquement que nous nous opposons aujourd’hui à la prorogation de ces dispositifs d’exception. Nous continuons de nous interroger sur l’utilité de mesures de durcissement de l’arsenal répressif et administratif en matière de lutte contre le terrorisme alors même que notre législation est déjà substantielle dans ce domaine.
Aujourd’hui comme hier, nous considérons que notre État de droit ne peut s’accoutumer aux atteintes aux libertés et aux droits fondamentaux, ni accepter comme un effet collatéral les abus et les dérives causés par ces dispositifs dérogatoires. En réalité, nous considérons même ces atteintes comme un cadeau fait aux terroristes que nous combattons et qui détestent notre État de droit – or il ne faut leur céder en rien s’agissant des principes mêmes sur lesquels se fonde l’État de droit.
Vu du terrain et en particulier de la Seine-Saint-Denis, la question de la fermeture des lieux de culte et des lieux associatifs, tous ces lieux où le prosélytisme radical peut se manifester, est d’une grande ambiguïté. Dès lors que les services de renseignement sont incapables de démontrer qu’il existe des éléments tangibles de radicalisation ou d’appel à la violence imposant leur fermeture, le recours au pouvoir réglementaire en matière d’urbanisme, par exemple, nous entraîne dans une logique hasardeuse : c’est prendre le risque de nourrir le soupçon là où il n’a pas lieu d’être et, a contrario, de ne pas être efficaces là où il faudrait agir. Ce glissement vers une logique de suspicion-prévention est inquiétant.
S’il est indispensable d’agir avec fermeté contre le terrorisme, le respect de la séparation des pouvoirs et des libertés individuelles, ainsi que leur contrôle, ne doivent comporter aucune faille. En prorogeant les mesures de la loi SILT, au lieu de rétablir le fonctionnement régulier des institutions, vous pérennisez des dispositifs de renforcement du pouvoir exécutif en étendant les pouvoirs de police administrative.
Chers collègues, sans remettre au cœur du renseignement l’humain et des moyens, le régime d’exception et l’algorithme sont au mieux inutiles, au pire une possible atteinte à nos libertés. Ce n’est pas tant de nouveaux textes que nous avons aujourd’hui besoin que de moyens humains et matériels pour agir.
Vous l’aurez compris : pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le président
La parole est à M. Loïc Kervran.
M. Loïc Kervran
La commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale s’est saisie pour avis de l’article 2 du présent projet de loi. Mon intervention au nom du groupe La République en marche se limitera donc à cet article, qui repousse de sept mois la possibilité de recourir, à titre expérimental, à une technique de renseignement communément appelée « algorithme ».
Quelques mots, tout d’abord, de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, qui a institué la technique de l’algorithme. C’est une grande loi. Ce n’est pas tous les jours, en effet, qu’un nouvel objet fait irruption dans le champ du droit. Or cette loi a fait entrer dans le droit des pratiques qui avaient cours à sa marge, dans « l’a-légalité », voire en contradiction avec lui, dans l’illégalité, ce qui a marqué un progrès pour les libertés publiques, mais aussi pour l’action des services : en encadrant ces pratiques de manière exigeante, la loi de 2015 protège aussi les agents du renseignement. Il s’agit donc d’un texte équilibré.
Ce rappel ayant été fait, permettez-moi de profiter de cette tribune pour déconstruire les fantasmes récurrents qui affaiblissent la qualité du débat, pourtant crucial, sur l’algorithme.
Tout d’abord, l’algorithme n’est pas une boîte noire ! Nombreux sont d’ailleurs ceux qui ont accès à l’intérieur de cette boîte, au premier rang desquels la CNCTR, qui vérifie son code source avec des experts, ingénieurs indépendants, et veille à la bonne utilisation de l’algorithme.
Tous, sur ces bancs, nous avons été destinataires d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’utilisation des algorithmes – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Par ailleurs, les membres de la délégation parlementaire au renseignement, dont je suis et à qui, chers collègues, vous avez délégué le contrôle des éléments couverts par le secret de la défense nationale, ont eu accès à un rapport classifié encore plus détaillé, reprenant le fonctionnement et les résultats des trois algorithmes en service.
L’algorithme n’est pas non plus un outil de surveillance de masse. Les algorithmes travaillent uniquement sur des données anonymes. Ils ne tournent pas sur du contenu, mais sur des données de connexion uniquement téléphoniques. Bref, ils travaillent sur des comportements, pas sur du contenu et encore moins sur des personnes. Pour mémoire, environ 22 000 personnes ont fait l’objet d’une technique de renseignement en 2019, toutes techniques confondues. Dans un pays de 67 millions d’habitants, on ne peut pas qualifier cela de surveillance de masse !
L’algorithme n’est pas non plus un outil liberticide. Au contraire, il est strictement encadré pour préserver les libertés publiques et soumis à pas moins de trois garde-fous principaux.
Tout d’abord, il faut une autorisation du Premier ministre, sur avis de la CNCTR, avant toute mise en œuvre d’un algorithme – jusqu’à présent, le Premier ministre a toujours suivi cet avis. Cette autorisation est ensuite soumise à renouvellement, au bout de deux mois, puis tous les quatre mois. Ensuite, il faut une seconde autorisation, après nouvel avis de la CNCTR, pour procéder à la désanonymisation d’un comportement identifié par l’algorithme. Enfin, si la personne détectée suscite l’intérêt des services et qu’ils désirent la surveiller, une troisième autorisation est nécessaire, examinée par la CNCTR, pour appliquer cette technique de renseignement.
D’un point de vue opérationnel, l’algorithme n’est pas non plus un gadget. Dans le rapport qu’il a rendu au Parlement, le Gouvernement indique que l’algorithme « a montré qu’il était en mesure de fournir des informations particulièrement utiles sur le plan opérationnel ». Les algorithmes ont permis d’identifier des individus porteurs d’une menace terroriste, de détecter des contacts entre des individus porteurs de menace, d’améliorer la connaissance des services sur la manière de procéder des individus de la mouvance terroriste et, enfin, d’alléger la surveillance sur les objectifs du bas du spectre. Mettre en lumière des terroristes, leurs relations, leurs techniques : voilà un bilan incontestable !
Parlons, pour finir, des échéances et du périmètre. S’il me paraît effectivement opportun de décaler dès à présent la date du 31 décembre 2020 pour sécuriser juridiquement l’expérimentation du dispositif, les amendements adoptés par la commission de la défense et la commission des lois pour limiter la prorogation au 31 juillet 2021 – au lieu du 31 décembre 2021 – permettront au législateur de débattre rapidement des évolutions de la loi de 2015 en général et de l’algorithme en particulier.
Nous possédons donc un dispositif équilibré, encadré, utile opérationnellement et sur lequel le Parlement aura de nouveau à se prononcer bientôt. Sa prorogation est indispensable.
Je ne peux clore cette intervention sans rendre un hommage aux femmes et aux hommes des services de renseignement. Les pompiers, les policiers et les militaires sont régulièrement applaudis dans l’hémicycle. Les femmes et les hommes des services de renseignement le sont rarement, pour ne pas dire jamais.
J’aimerais que l’Assemblée rende aujourd’hui hommage à leur travail discret, secret, dont, par définition, toute gloire est exclue, en les applaudissant. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Meizonnet.
M. Nicolas Meizonnet
Le risque terroriste est toujours là ; le danger islamiste est toujours là. De 2013 à février 2020, soixante-et-un attentats ont été déjoués en France : c’est presque un par mois. Oui, le terrorisme islamiste est susceptible de frapper n’importe quand et n’importe où sur notre sol. La menace est élevée et la plus grande vigilance reste de mise.
Je profite d’ailleurs de cette tribune pour saluer tous ceux qui œuvrent dans l’ombre pour garantir notre sécurité et les remercier de leur engagement au service de la France.
Le monde du renseignement doit désormais faire face à de nouveaux enjeux technologiques. Le traitement du big data et les évolutions des télécommunications sont des enjeux majeurs, qui imposent de repenser les moyens mis en œuvre et d’avoir recours à l’intelligence artificielle. Ces changements sont incontournables.
Cependant, nos outils de lutte contre le terrorisme restent, pour certains, expérimentaux – ce texte en témoigne. Leur pérennité et les capacités techniques que nous sommes capables de mettre en œuvre suscitent de nombreux doutes. D’ailleurs, les algorithmes ont-ils déjà produit de réels résultats dans la lutte contre le terrorisme ? Le débat qui s’ouvrira bientôt permettra, je l’espère, de répondre à toutes les questions qui se posent et de nous assurer que non seulement nous disposons d’armes efficaces, mais que nous en avons la pleine maîtrise.
À l’occasion de la crise sanitaire liée au covid-19, le Président de la République a souligné le déficit d’autonomie de notre pays dans certains secteurs économiques et stratégiques. La question se pose aussi dans le cas présent : les outils de collecte, de stockage et de traitement des données reposent-ils uniquement entre des mains françaises ? Sommes-nous absolument souverains et indépendants en matière de renseignement ? Ces questions sont essentielles.
Notre arsenal législatif pour lutter contre le terrorisme a ses qualités et ses défauts, mais je m’inquiète surtout de l’esprit dans lequel il est appliqué. Les derniers gardes des sceaux ont défendu des convictions que je juge alarmantes, voire dangereuses pour notre sécurité : ils se sont davantage préoccupés du sort des djihadistes et de leurs enfants détenus au Moyen-Orient que de la sécurité des Français ; chacun d’eux a souhaité leur rapatriement afin de leur éviter les peines sévères qu’ils encourent dans les pays où ils sont détenus.
Après Christiane Taubira et Nicole Belloubet, c’est aujourd’hui Éric Dupond-Moretti qui proclame sa volonté de rapatrier les 150 terroristes de Syrie et d’Irak et leurs quelque 300 enfants – ce même Éric Dupond-Moretti si fier et honoré d’être « aux côtés d’Abdelkader Merah » en tant qu’avocat.
Ces individus qui ont brûlé leur passeport français et déclaré la guerre à l’Occident doivent aujourd’hui assumer leur sort. Absoudre automatiquement leurs enfants au motif de leur jeunesse est un non-sens quand on sait qu’ils ont grandi une kalachnikov entre les mains.
Reconnaissez donc qu’il y a une contradiction entre votre volonté affichée de mener une lutte sans merci contre le terrorisme, notamment en développant et expérimentant de nouveaux outils, et, en même temps, votre désir de ramener les djihadistes chez nous, faisant ainsi courir un risque majeur à nos compatriotes. En effet – vous avez vu comme moi l’étude du centre d’analyse du terrorisme –, le risque de récidive dans ce cas est énorme, de l’ordre de 60 %. Je vous le dis, chers collègues, les faire revenir est une véritable folie !
Notre arsenal juridique doit d’abord être guidé par une ferme volonté politique qui, manifestement, fait aujourd’hui défaut. En janvier dernier, un document classé secret défense qui a fait l’objet d’une fuite estimait que 150 quartiers sont tenus par les islamistes. Pourtant, depuis l’entrée en vigueur de la loi SILT, il y a environ deux ans et demi, seuls sept lieux de culte ont fait l’objet d’une fermeture administrative : cela paraît bien peu au regard de cette emprise sur 150 quartiers.
Le dispositif est peut-être mal adapté, mais peut-être aussi est-il empêché par des procédures trop contraignantes, trop lourdes, de celles dont la France a le secret, et qui ne permettent pas aux forces de l’ordre de faire efficacement leur travail.
Enfin, pour agir de manière décisive sur le terrorisme, il faut accompagner nos dispositifs d’une réponse pénale adéquate. Hélas – nos policiers et gendarmes le savent bien –, outre que les procédures en la matière sont très lourdes, les dernières réformes pénales ont amoindri la force de la loi. Quelle que soit la gravité de l’infraction, on le voit tous les jours dans la presse, les récidivistes sont légion. Comment cela est-il possible dans un État de droit ?
Notre droit antiterroriste doit donc être revu pour permettre à la fois une action plus efficace en amont et une réponse pénale digne de ce nom.
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
Je me propose de répondre aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale à la fois par respect pour eux, afin de corriger certains propos et pour exprimer mes remerciements. Ainsi, je ne prendrai pas la parole trop longuement ensuite, puisque la discussion des articles consistera pour l’essentiel à repousser les amendements, quel que soit leur intérêt, dès lors que le texte ne vise qu’à prolonger des dispositions pour tenir compte des délais liés à la crise du covid et que nous débattrons quant au fond plus tard – à l’automne, je l’espère.
M. Ciotti est désormais retenu, je crois, par les travaux de la mission d’information relative à l’épidémie, mais M. Pauget ou d’autres membres de son groupe pourront certainement lui transmettre ma réponse. Je ne peux pas accepter le procès en naïveté qu’il intente. Ce n’est faire insulte à personne, surtout pas à M. Ciotti, que de noter qu’il n’appartient plus à la majorité depuis un certain temps – même s’il a pu lui arriver de voter des dispositions prises par un gouvernement qu’il ne soutenait pas. Or les mesures qui ont été adoptées dans l’intervalle ont démontré leur efficacité. Si les services de renseignement, aidés des forces de police et de la vigilance de nos concitoyens, ont eu les moyens d’éviter une soixantaine d’attentats depuis 2013, c’est bien que la République n’a pas fait preuve de naïveté en la matière et que divers dispositifs législatifs et réglementaires leur permettent d’intervenir, dans le respect de l’État de droit.
M. Ciotti est trop intelligent, et connaît trop le sujet, pour confondre fichier de suivi des personnes pouvant représenter une menace certaine pour notre pays, d’une part, et condamnation et expulsion systématiques, d’autre part. Si nous supprimions le fichier de suivi pour ne plus procéder qu’à des expulsions, nous ne pourrions plus suivre les personnes présentes sur le territoire national, leurs réseaux, la mouvance à laquelle elles appartiennent, leur fonctionnement, toutes informations fort utiles pour lutter contre leurs avatars que nous ne connaissons pas ou guère.
Du reste, le reproche de naïveté qu’il a formulé et les chiffres qu’il a cités montrent qu’il n’est pas tout à fait honnête – mais dois-je corriger ce qui relève d’une prise de position politique ? En réalité, plus de 400 personnes inscrites au dit fichier, qui ne sont pas françaises, ont été expulsées du territoire par le Gouvernement de la République : il n’y a décidément aucune naïveté de notre part.
Madame Panot, je ne comprends pas très bien votre distinction entre les algorithmes, qui ne fonctionneraient pas, et le renseignement humain, qui fonctionnerait bien. J’ai pu noter ces trois dernières années que vous n’avez pas pour habitude de voter les crédits budgétaires qu’il est proposé d’allouer aux services de renseignement des ministères de l’intérieur et de la défense. Si le renseignement humain est pour vous le seul qui vaille – je vous remercie d’avoir salué ses agents –, pourquoi n’avoir pas voté l’augmentation des effectifs voulue par le Président de la République, notamment le renforcement de la Direction générale de la sécurité intérieure, désormais placée sous ma responsabilité ? N’hésitez pas, en tout cas, à le faire s’agissant de la nouvelle augmentation prévue par le projet de loi de finances initiale pour 2021 – au moins en ce qui concerne la mission « Sécurités », puisque rien n’interdit de voter par chapitres, comme le font d’ailleurs certains ici.
Par ailleurs, il est caricatural d’opposer renseignement humain et renseignement technique. Nous en avons débattu à propos d’un autre sujet que celui, si difficile, du renseignement destiné à protéger l’intégrité de notre pays : les techniques de lutte contre la fraude fiscale. Votre groupe s’est alors opposé à ce que nous proposions, malgré notre objectif de contrer la fraude. Pourtant, même quand on utilise des algorithmes, l’intelligence artificielle, les données qu’elles procurent, on a besoin de personnes pour analyser ces informations et y faire le tri afin de pouvoir intervenir. Réciproquement, même quand c’est par le renseignement humain que l’on repère quelqu’un représentant une menace terroriste, c’est bien grâce à une écoute téléphonique, une filature, donc grâce à des moyens techniques, dont la géolocalisation. Les deux se complètent : l’un ne se substitue pas à l’autre. C’est même toute la beauté de notre renseignement.
Madame Dumas, je vous remercie du vote favorable que vous avez annoncé, mais je ne partage pas vos analyses. Si c’est le gouvernement de M. Valls, où M. Cazeneuve était ministre de l’intérieur, qui a proposé en 2015 le recours à la technique de l’algorithme, cette dernière n’a pu être utilisée avant fin 2017 ; il est donc un peu tôt pour en tirer des conclusions, bien que la délégation parlementaire au renseignement ait obtenu des éléments d’information à ce sujet et que le Gouvernement soit tout disposé à en discuter, outre les documents classifiés qu’il transmet bien légitimement à la représentation nationale.
Par ailleurs, notre pays ne peut pas être la seule des grandes puissances à ne pas employer cette technique. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, respectueux des libertés publiques, y recourent. De plus, alors que toutes les sociétés commerciales peuvent utiliser les données fournies par des algorithmes, seul l’État n’aurait pas le droit de le faire, lui seul devrait se poser des questions, au-delà de la conception communément admise des libertés publiques ? Pourtant, les grandes sociétés anglo-saxonnes ou asiatiques – que vous connaissez bien pour être issue du secteur culturel – n’ont en la matière aucun des garde-fous dont nous disposons : ni Conseil d’État, ni Commission nationale de l’informatique et des libertés, ni Conseil constitutionnel, ni les juridictions européennes que vous avez vous-même citées, sans parler de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dont le Premier ministre suit systématiquement la préconisation, comme l’a notamment rappelé le rapporteur pour avis. Vous pouvez auditionner ces autorités administratives. Bref, l’État français assortit l’utilisation de cette technique de bien plus de garanties que les sociétés multinationales dont nous utilisons les services, souvent en subissant leurs pratiques à cet égard.
J’aimerais revenir à la phrase que vous avez citée, madame Panot, et selon laquelle « le pouvoir aujourd’hui n’a d’autre forme de légitimité que l’état d’urgence ». Je ne crois pas vous faire insulte en rappelant que vous tirez votre légitimité d’une élection démocratique qui s’est tenue de manière régulière, lors de laquelle les candidats étaient libres, le vote secret, la campagne publique : vous avez été désignée par le peuple dans le cadre de la République. Voilà qui vous a permis de professer ce que vous dites, comme vous en avez le droit quand bien même cela gênerait les tenants d’autres opinions. Si cela vaut pour vous, alors cela vaut pour la majorité parlementaire. N’y a-t-il pas eu deux élections en quelques semaines, la présidentielle et les législatives ? Soit quatre tours d’élections libres, indépendantes, débattues – ô combien : de ce point de vue, M. Mélenchon n’a pas été brimé à l’époque, si mes souvenirs sont bons.
Le pouvoir est légitime parce que le peuple l’a voulu ainsi.
Mme Naïma Moutchou
Oui !
M. Gérald Darmanin, ministre
Le peuple a désigné des représentants, dont vous faites partie,…
M. Pierre Cordier
Et vous, monsieur Darmanin ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Je n’ai jamais eu à souffrir du vote des électeurs, on l’a vu récemment encore – au cas où cela vous aurait échappé, je vous enverrai une brochure !
Madame la députée, si – bien légitimement – vous vous considérez comme un contre-pouvoir et dénoncez l’opinion de la majorité, vous ne pouvez pas dire que les mesures législatives contrôlées, dans le cadre de l’État de droit, en amont et en aval, et prises par une majorité parlementaire qui bénéficie du soutien des électeurs pour le présent mandat – nous verrons bien ce qui se passera la prochaine fois que le peuple aura à se prononcer…
M. Pierre Cordier
Ce sera différent de la fois précédente, à mon avis !
M. Gérald Darmanin, ministre
Ne criez pas victoire avant la chasse, monsieur le député… (Sourires sur les bancs du groupe LaREM.)
Vous reconnaîtrez, madame la députée, que le pouvoir ainsi exercé est par nature légitime, même si sa contestation est normale dans cette enceinte. Admettez donc que la phrase que vous avez citée est quelque peu choquante pour les représentants de la nation dont vous faites partie.
J’en viens enfin à l’intervention de M. Meizonnet et à son attaque contre le garde des sceaux. D’abord, elle n’est pas courageuse, puisque celui-ci n’est pas là (Mme Naïma Moutchou approuve). N’hésitez pas à la renouveler en sa présence, monsieur le député : il possède un charisme et une force à la mesure des vôtres…
M. Pierre Cordier
On l’a bien vu lors des questions au Gouvernement il y a quinze jours…
M. Gérald Darmanin, ministre
Ensuite, je ne crois pas avoir la réputation d’être naïf ni être coutumier des excuses sociales, mais c’est une très bonne chose que toute personne en France, quelle que soit sa nationalité et quoi qu’il ait fait, ait droit à un avocat. Ce n’est d’ailleurs pas parce que celui-ci défend son client qu’il épouse ses thèses. Cet état de fait n’a pas empêché la justice française, indépendamment des qualités de ses avocats, de condamner à la peine maximale la personne que vous avez citée – et dont je considère pour ma part que c’est lui faire beaucoup d’honneur que de mentionner son nom dans l’hémicycle. Ne confondez donc pas la très belle profession d’avocat, que le garde des sceaux a exercée, et ses opinions politiques : seules celles-ci comptent pour un homme ou une femme politique. Mme Le Pen, si je ne me trompe, a défendu comme avocate, et s’en est vantée, des personnes demandant la régularisation de leur séjour sur le territoire national – que je ne confonds pas avec les personnes que vous évoquez ! –, mais cela n’a rien à voir avec ses convictions à ce sujet, lesquelles sont assez claires… (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Article 1er
M. le président
La parole est à M. Ludovic Mendes.
M. Ludovic Mendes
La loi de 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a permis une sortie maîtrisée du régime de l’état d’urgence instauré après les attentats du 13 novembre 2015. Cette sortie progressive a été permise par différents outils qui, depuis, ont irréfutablement fait leurs preuves. Ils ont empêché plusieurs actions terroristes et garantissent la connaissance et la surveillance d’individus potentiellement radicalisés. Ils assurent une meilleure prévention des risques terroristes et une meilleure protection des Français face à ces derniers.
En 2017, compte tenu de leur caractère novateur, de l’accroissement des pouvoirs de police et des contraintes pour les libertés qu’ils peuvent impliquer afin de garantir la sécurité de chacun, nous avons souhaité limiter leur durée d’application. La date limite avait alors été fixée au 31 décembre 2020 ; il était prévu de réévaluer d’ici là les dispositifs.
Cette réévaluation est évidemment d’actualité, et les mesures en question restent éminemment nécessaires : si le nombre d’attaques abouties, manquées ou déjouées semble en baisse, la menace terroriste existe toujours en France, et plus de 1 000 personnes ont encore été arrêtées l’an dernier en Europe pour faits de terrorisme, parmi lesquels le djihadisme demeure le danger principal.
Nous voterons donc sans sourciller l’article dans les termes issus des travaux de la commission des lois. (M. Guillaume Vuilletet applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard
Je serai brève en défendant mes amendements, mais je tenais à prendre la parole à propos de l’article 1er, afin de rappeler certains éléments rendus récemment publics et qui me paraissent importants pour se prononcer sur le texte en toute connaissance de cause.
Cela a été dit au cours de la discussion générale, le CAT, le centre d’analyse du terrorisme, vient de faire paraître un rapport selon lequel 60 % des djihadistes français condamnés ont récidivé. Or, dans les mois et les années à venir, de nombreux djihadistes français ayant rejoint Daech vont sortir de prison. Comment les empêcher de passer alors à l’acte ?
Selon ce rapport, pas moins de 60 % des 166 ressortissants ou résidents français partis en Afghanistan, en Bosnie-Herzégovine ou en Irak ont ensuite été condamnés en France où à l’étranger pour des infractions terroristes distinctes de leur seul séjour en zone de guerre. Il souligne également, c’est important de le noter, que leur réengagement djihadiste peut survenir à tout moment, que ce soit un an ou dix ans après. Le cas de la France est particulièrement préoccupant puisqu’il s’agit alors, selon le président du centre d’analyse du terrorisme, Jean-Charles Brisard, des individus les plus dangereux du fait de leur implication idéologique, de leur formation au maniement des armes et des explosifs et de leur capacité à recruter. C’est pourquoi il faut consolider les mesures d’encadrement des djihadistes, notamment lors de leur sortie de prison, sachant que les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance sont aussi utilisées pour d’autres ex-détenus.
Je conclurai en rappelant que 2 540 islamistes français qui ont rejoint Daech pendant cette décennie vont être libérés d’ici 2022 : il est extrêmement important de pouvoir contrôler leur sortie.
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l’amendement no 24, tendant à supprimer l’article 1er.
Mme Mathilde Panot
Je vais auparavant, monsieur le président, répondre aux propos tenus par le ministre en clôture de la discussion générale. Non, je n’ai pas opposé grossièrement renseignement humain et renseignement technologique. Nous ne sommes pas opposés à celui-ci, mais c’est différent de l’algorithme prévu ici. Et puis cela nous pose problème que des libertés fondamentales soient remises en cause hors du contrôle du juge, nous le répétons une fois de plus – mais ce ne doit pas être une découverte pour vous, monsieur le ministre. Par ailleurs, je n’ai pas bien compris pourquoi vous avez parlé de l’élection d’Emmanuel Macron ou de celle de cette assemblée, alors que je n’ai mis en cause ni l’une ni l’autre.
M. Fabien Di Filippo
Parlez-nous des municipales !
Mme Mathilde Panot
Mais en démocratie, seul le peuple est souverain, et vous savez que notre groupe conteste à ce titre le principe de la Ve République. Nous faisons donc encore preuve de cohérence sur ce projet de loi. Et s’il n’y avait pas une opposition dans cette assemblée, il ne servirait à rien de débattre ici des politiques suivies – or oui, nous sommes opposés à celle que vous menez.
M. Gérald Darmanin, ministre
Nous sommes au moins d’accord sur ce point.
Mme Mathilde Panot
Cet amendement vise à faire disparaître définitivement les dispositions introduites par la loi SILT, que nous qualifions de loi scélérate. Raphaël Kempf, dans son ouvrage Ennemis d’État - Les lois scélérates, des anarchistes aux terroristes, caractérise ainsi une loi scélérate : le discours produit par ses défenseurs « – gouvernement, parlementaires de la majorité, presse réactionnaire – est fait d’oxymores : on argumente au nom de la défense de l’État de droit et des libertés fondamentales, alors que la nouvelle loi leur porte directement atteinte. […] En outre, et c’est probablement l’indice le plus flagrant de la scélératesse d’une loi : elle est faite contre certains, puis appliquée à tous. […] Enfin, on peut constater qu’une loi scélérate vise l’intention plus que l’acte, la dangerosité potentielle plus que la culpabilité constatée. » Et c’est bien ce que nous observons dans la loi SILT, dans une novlangue absolument impressionnante.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
Cela ne surprendra personne, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Ce qui serait scélérat, madame Panot, c’est de ne pas appliquer les dispositions de la loi SILT : nous ne pouvons pas nous permettre de les retirer de notre arsenal législatif, elles sont tout aussi importantes que les dispositions judiciaires en vigueur pour assurer la sécurité des Français. Ce qui serait scélérat, c’est d’adopter des mesures définitives face à une situation qui exige une réaction transitoire et sans avoir la certitude que les dispositions adoptées sont conformes à notre loi fondamentale. Or elles le sont – je l’ai rappelé dans mon propos introductif. C’est donc tout l’inverse de ce que vous prétendez.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Même avis.
(L’amendement no 24 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 10, 1, 9 et 17, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 9 et 17 sont identiques.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 10.
Mme Emmanuelle Ménard
Je défendrai également l’amendement no 9, monsieur le président. J’ai rappelé à l’instant ce qu’il en est : le risque de récidive me semble extrêmement inquiétant et, en raison du contexte sécuritaire actuel et de l’utilité de la loi SILT, démontrée par l’étude d’impact, il est absolument indispensable de proroger ses dispositions de deux ans – c’est l’amendement no 9 –, voire davantage – ce que propose l’amendement no 10. Ces mesures participent en effet de la protection des Français contre les risques d’attentats terroristes. La France n’a pas été épargnée par les attentats et il n’existe aucune garantie qu’il n’y en ait pas d’autres, comme le montrent notamment les taux de récidive soulignés par l’étude récente du CAT. Il est donc difficilement compréhensible de ne proroger ces dispositions que jusqu’en 2021, d’autant plus que le nombre de terroristes islamistes amenés à quitter les prisons va être de plus en plus important dans les deux années à venir.
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Fabien Di Filippo
L’article 1er du projet de loi vise à proroger de six mois les dispositions de la loi SILT relatives à la prévention des actes terroristes, notamment par des mesures de police administrative. Eu égard à tout ce qui a été évoqué depuis une heure et demie à la tribune, sa justification ne fait aucun doute. En effet, des détenus djihadistes vont sortir de prison dans des proportions importantes dans les mois et les années à venir, et la menace terroriste persiste en permanence sur notre territoire, demeurant d’actualité même quand elle semble en sommeil. Il faut dès lors s’habituer à vivre avec durablement, on le sait. Cet amendement déposé par les députés du groupe Les Républicains vise à proroger ces dispositions non pas de six mois mais de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2022. Cela nous paraît le minimum.
M. le président
L’amendement no 9 a été défendu.
La parole est à nouveau à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Fabien Di Filippo
Il s’agit d’un amendement de repli, qui propose de proroger les dispositions de la loi SILT jusqu’au 31 juillet 2022.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Didier Paris, rapporteur
L’amendement no 10 de Mme Ménard propose, si j’ai bien compris, une prorogation ad vitam aeternam,…
Mme Emmanuelle Ménard
Tout à fait !
M. Didier Paris, rapporteur
…les autres proposant deux ans ou deux ans et demi. Mais ce que nous voulons est simple : un, que les dispositions restent bien applicables jusqu’au 31 juillet 2021, ce qui suppose la prolongation de six mois proposée par la commission ; deux, ne prendre aucun risque au regard du respect des libertés individuelles, ce qui suppose la tenue d’un débat parlementaire dès que possible. Voilà pourquoi il nous paraît que cette prolongation, quelque peu réduite comme l’a rappelé M. le ministre, est parfaitement adaptée à la situation et correspond d’ailleurs au souhait des auteurs de ces amendements, à savoir avoir une discussion de fond sur le sujet, dans cet hémicycle, quand les conditions le permettront, c’est-à-dire sans retard imputable au covid. L’avis est donc défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Je dirai même que les amendements qui viennent d’être défendus sont le contraire de ce que souhaitent leurs auteurs. Car pourquoi prolonger d’au moins deux ans la période d’évaluation alors qu’une prolongation de six mois permettra de discuter plus tôt du fond ? J’ai annoncé à la tribune que le Gouvernement présenterait au Parlement un texte qui permettra de ne pas prolonger ad vitam aeternam cette période d’évaluation et d’inscrire dans le marbre de la loi certaines dispositions, offrant évidemment toutes les garanties au regard des libertés publiques, suite aux évaluations que le Gouvernement a transmises au Parlement et aux travaux de votre mission d’information sur la loi renseignement ainsi qu’à ceux de la délégation parlementaire au renseignement. On pourra ainsi enfin sortir du moment de l’évaluation après le blocage dû au covid. Par conséquent, à votre place, madame Ménard, monsieur Di Filippo, je retirerai ces amendements. Ce que propose le Gouvernement va dans votre sens et devrait vous rassurer : un débat serein aura lieu prochainement ; il permettra de mettre fin à la période d’évaluation, de fermer les guillemets.
M. le président
Monsieur Di Filippo ?…
M. Fabien Di Filippo
Monsieur le ministre, je crois qu’on peut se rejoindre sur certains points, mais ici votre logique diffère de la nôtre : vous dites que vous souhaiteriez graver dans le marbre de la loi certaines dispositions mais que l’on n’aura pas le temps de procéder à un examen approfondi avant la fin de l’année,…
M. Gérald Darmanin, ministre
Eh oui !
M. Fabien Di Filippo
…mais la saturation prévisible de l’agenda parlementaire après tout ce qui a été annoncé rend impossible de savoir quand ce sera possible – ce sera peut-être dans plus d’un an. C’est pourquoi je préférerais que l’évaluation parlementaire de la loi SILT continue jusqu’à un prochain texte. L’autorité administrative a elle-même besoin de se projeter dans le temps pour pouvoir mener des opérations cohérentes à long terme. Je comprends votre logique, mais la question se pose pour moi tout à fait différemment.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
Si chacun est honnête intellectuellement – ce dont je ne doute pas –, cet échange devrait nous faire gagner du temps pour les autres amendements. Le Gouvernement accepte le délai demandé par M. le rapporteur et par l’ensemble de la majorité, c’est-à-dire qu’un nouveau texte devra avoir été discuté, adopté et promulgué au plus tard le 31 juillet de l’année prochaine, faute de quoi les dispositions ici prorogées deviendraient caduques. Mais j’ai bien dit que le Gouvernement ne laissera pas tomber, puisqu’il se place dans l’obligation de présenter un texte dans les plus brefs délais et de l’inscrire à l’ordre du jour d’ici la fin de l’année. J’ai indiqué que ce serait à l’automne, mais nous savons tous comment cela fonctionne en période budgétaire. Le texte est prêt, il a été transmis au Conseil d’État et votre assemblée serait déjà en train d’en discuter s’il n’y avait eu le covid. Prolonger le délai retarderait d’autant le processus… étant entendu que ce ne sera peut-être pas la même majorité.
M. Fabien Di Filippo
C’est certain !
M. Gérald Darmanin, ministre
À mon avis, je le répète, ces amendements devraient être retirés.
M. le président
La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas
J’ai relevé une petite contradiction : vous m’avez répondu, monsieur le ministre, qu’on n’avait pas suffisamment de recul sur l’utilisation de l’algorithme, mais je constate que vous êtes pourtant prêt à inscrire dans le marbre de la loi certaines dispositions pour rassurer certains, puisque le texte est déjà prêt. Il est vrai que cette contradiction n’étonne pas vraiment quand on sait que l’évaluation, en France, n’est jamais faite pour réellement évaluer.
M. le président
Madame Ménard ?…
Mme Emmanuelle Ménard
Monsieur le ministre, j’entends parfaitement que vous vous obligiez à respecter comme date butoir le 31 juillet de l’année prochaine pour promulguer la future loi afin d’éviter la caducité des dispositions actuellement en vigueur ; mais nous, nous voulons que s’applique le principe de précaution : imaginez qu’une deuxième vague survienne – ce que je ne souhaite vraiment pas – et que la France soit confinée pendant six mois… Que fera-t-on alors ? On n’aura pas le temps d’adopter le nouveau projet de loi ! Je rappelle l’adage populaire : « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras. » Si vous arrivez à tenir votre pari, parfait ; mais sinon, ces amendements permettraient au moins de prolonger l’application des dispositions actuelles.
(Les amendements nos 10 et 1, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 9 et 17 ne sont pas adoptés.)
(L’article 1er est adopté.)
Après l’article 1er
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 28 et 29, portant article additionnel après l’article 1er, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Éric Pauget, pour les soutenir.
M. Éric Pauget
J’ai bien compris votre position et celle du rapporteur, monsieur le ministre. J’ai néanmoins déposé plusieurs amendements ayant vocation à renforcer le présent projet de loi, même si un nouveau texte sera présenté prochainement. J’en défendrai certains, qui me semblent importants.
Le premier, l’amendement no 28, vise à créer une peine spécifique pour le port ou le transport d’une arme dans les zones et les périmètres de protection. Une telle peine n’est pour l’heure pas prévue, ce qui constitue un réel problème lorsque les policiers procèdent à des fouilles et détectent des personnes qui cherchent à rejoindre ces périmètres alors qu’elles portent des armes.
L’amendement no 29 tend à étendre la possibilité de prononcer des fermetures administratives aux établissements d’enseignement cultuel – mesure qui n’est, là encore, pas prévue à l’heure actuelle. Je fais ici référence, vous l’aurez compris, aux écoles coraniques : il s’agit de pouvoir prononcer la fermeture administrative de tels établissements, et pas seulement de lieux de culte.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Didier Paris, rapporteur
Pour ce qui est de l’amendement no 28, il me semble préférable de prévoir dans la loi des mesures générales, en laissant au couple composé du préfet et du procureur de la République le soin de prendre les mesures particulières qui s’imposent. Je précise que, contrairement à ce que vous suggérez, le code de la sécurité intérieure, en son l’article L. 226-1, permet précisément de prendre la mesure que vous proposez : l’arrêté préfectoral peut prévoir un certain nombre de dispositions. Dans la pratique, un bon quart des périmètres de protection qui ont été créés interdisaient ainsi explicitement l’accès aux personnes porteuses d’objets dangereux.
Ainsi, si la mesure ne figure pas formellement dans le texte – qu’une telle précision affaiblirait plus qu’elle ne le renforcerait –, elle s’applique bien dans la réalité : de nombreux périmètres de protection prévoient déjà l’interdiction de porter des armes. Votre demande me semble donc satisfaite. Il me paraîtrait cohérent, à la lumière de ces explications, que vous retiriez l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement no 29, j’admets que vous soulevez une question intéressante, qui mérite une réflexion plus large et une discussion de fond. Je vous renvoie, avec une certaine sérénité, au débat que nous aurons ultérieurement, et qui devra inclure les lieux d’enseignement cultuel.
Je demande également le retrait de l’amendement, afin que nous puissions traiter cette question de manière plus complète. À défaut, j’émettrai, en l’état et uniquement pour les raisons que je viens d’exposer, un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Sur le deuxième point, je souhaite en effet que nous reportions la discussion. Vous soulevez une question intéressante – même si, pour ce qui est des écoles dites coraniques, dès lors qu’elles sont situées dans un lieu du culte ou à proximité de ce dernier, les maires disposent déjà de pouvoirs leur permettant de prononcer la fermeture administrative. De telles mesures, qui visent à déstabiliser certaines pratiques, sont déjà appliquées. J’estime néanmoins, comme le rapporteur, que la question reste ouverte. Je n’émets donc pas un refus de principe.
Pour ce qui est de l’amendement no 28, il me semble que les armes sont déjà interdites partout sur le territoire national – sauf, par définition, pour qui possède un permis de port d’arme. Je ne suis donc pas certain qu’il faille renforcer davantage encore l’arsenal pénal. Les policiers, les gendarmes ou les préfets peuvent déjà, s’ils confondent une personne ne possédant pas de permis de port d’arme, la faire sanctionner. Je ne suis donc pas certain que votre amendement puisse être accepté – j’en fais, cette fois-ci, une question de principe.
M. le président
La parole est à M. Éric Pauget.
M. Éric Pauget
L’amendement no 28 vise à créer une sanction spécifique à la zone protégée. Je le maintiens donc, même si j’entends votre remarque. Il s’agit de prendre date en vue du texte qui sera présenté prochainement.
De la même façon, s’agissant des lieux d’enseignement cultuel, l’objectif est d’aborder la question dès aujourd’hui, afin de prendre date. Le fait qu’ils ne soient pas mentionnés dans la loi SILT me semble constituer une lacune du texte, alors même que, dans certaines communes et dans certains quartiers, les lieux d’enseignement cultuel sont un vrai problème.
Je maintiens donc mes amendements, même si je prends acte des réponses du rapporteur et du ministre.
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Vous connaissez l’opinion des élus du groupe La France insoumise sur cette loi. En outre, je ne crois pas que nous serions démunis si, à l’occasion d’un enseignement cultuel, des propos scandaleux et violents étaient tenus. Des dispositifs législatifs permettant d’interdire tout appel à la violence dans un lieu de culte existent déjà. Je ne voudrais pas qu’on se livre à une surenchère, et qu’on en vienne à faire croire qu’aucun dispositif législatif n’existe, sans s’interroger d’ailleurs sur le fait que les services de police manquent de moyens pour faire appliquer les règles existantes.
Au-delà même de la critique que nous portons sur le texte, n’en rajoutons pas en prétendant qu’il faudrait prévoir des mesures spécifiques supplémentaires et en faisant semblant de ne pas s’apercevoir que les dispositifs existent déjà : il faut avant tout donner les moyens nécessaires pour les appliquer. Je ne vois aucun problème à ce que nous portions un regard républicain sur l’ensemble des lieux de culte – tous cultes confondus – pour nous assurer que ce qui s’y dit n’est pas contraire aux principes de la République, mais ne faisons pas croire qu’il y aurait besoin de renforcer la législation. Le ministre l’a, me semble-t-il, bien souligné.
(Les amendements nos 28 et 29, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Éric Ciotti
Il vise à élargir les critères d’application des MICAS, qui sont trop restrictifs et en compliquent la mise en œuvre. J’évoquais tout à l’heure les chiffres qui montrent une très forte baisse des mesures de contrôle. Ainsi, alors que plus de 460 mesures d’assignation douze heures par jour à résidence avaient été prononcées durant l’état d’urgence, ce chiffre est tombé depuis novembre 2017, c’est-à-dire depuis près de trois ans, à moins de 300 : le recours à ces mesures devient plus rare, alors que la menace n’a pas diminué et que le nombre de personnes identifiées au FSPRT demeure élevé.
Je privilégie donc, plutôt que les critères cumulatifs qui rendent le recours aux MICAS très difficile – puisque la personne concernée doit à la fois constituer une menace grave et rentrer en relation avec d’autres personnes impliquées dans des actes de terrorisme –, l’application de critères alternatifs.
M. Gérald Darmanin, ministre
Vous vous êtes trompé d’amendement, monsieur le député.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
M. Ciotti n’ayant pas présenté l’amendement no 7 mais l’amendement no 2, je répondrai sur ce dernier. Je comprends la logique qui vous anime. Nous en avons d’ailleurs largement discuté en commission des lois. La difficulté que nous rencontrons, toutefois, est la suivante : en rendant ces critères alternatifs plutôt que cumulatifs, nous nous heurterions à un front assez puissant, à savoir la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ce dernier, dans sa décision du 29 mars 2018 sur une des quatre QPC – questions prioritaires de constitutionnalité – que nous évoquions tout à l’heure, a en effet rappelé que le caractère cumulatif des critères répondait à une exigence constitutionnelle. Pour des raisons essentiellement liées au respect de notre loi fondamentale, j’émets un avis négatif.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Même avis.
M. le président
L’amendement no 7, défendu, fait lui aussi l’objet d’un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
(L’amendement no 7
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 23.
M. Fabien Di Filippo
Le code de la sécurité intérieure prévoit que les fermetures de lieux de culte en raison d’appels à la haine, à la discrimination ou à la violence, ou encore d’apologie ou d’incitation au terrorisme, « ne peut excéder six mois ». L’amendement vise à supprimer cette mention.
La réouverture ne doit pas intervenir après six mois : lorsqu’on coupe la tête de l’hydre terroriste, on ne doit pas lui permettre de repousser si facilement. La réouverture d’un lieu de culte ne doit intervenir que quand les conditions de sécurité et de sérénité permettant de reprendre une pratique religieuse dans des conditions normales et sûres, pour les fidèles comme pour l’ensemble des Français, sont remplies.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
Rappelons que la fermeture des lieux de culte n’est pas la seule mesure que peut prendre l’autorité administrative : l’interdiction d’une association et d’autres dispositions sont possibles, même si elles doivent être conciliées avec les larges moyens de contrôle qui existent au plan judiciaire.
Je peux comprendre votre position, à ceci près qu’elle est très restrictive des libertés. Nous entrons, là encore, dans un champ clairement délimité par le Conseil constitutionnel. Ce dernier a considéré à plusieurs reprises – notamment dans sa décision du 29 mars 2018 – que la limitation à six mois de la durée de fermeture constituait l’un des éléments garantissant la conciliation entre les mesures administratives et la protection des libertés individuelles.
Dès lors, cette durée me semble cohérente au regard des besoins de l’action administrative. La prolonger nous placerait en position de grande fragilité au regard du droit constitutionnel. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Je rappelle à M. le rapporteur que la première des libertés est la sécurité.
M. Gérald Darmanin, ministre
Ce n’est pas tout à fait la première…
M. Fabien Di Filippo
Un lieu de culte peut, si les conditions sont réunies, rouvrir avant six mois si le nécessaire a été fait – l’adoption de cet amendement ne remettrait nullement en cause cette possibilité. Mais s’il apparaît, au bout de six mois, que les personnes concernées – parce qu’elles ne sont pas constituées en association – n’ont pas été appréhendées et reprennent leurs pratiques dans les mêmes conditions, vous serez bloqués par la mention, dans la loi, du délai de six mois.
Il serait, à mon sens, beaucoup plus sûr et équilibré de permettre à l’administration de travailler dans le temps. Peut-être la fermeture ne doit-elle pas être possible ad vitam æternam, mais une durée maximale de six mois, à l’issue de laquelle le réseau pourra se reconstituer, me paraît extrêmement brève.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
Il convient certes de ne pas être naïfs – nous pouvons vous rejoindre sur ce point –, mais également de garantir la liberté de culte de tous les croyants sur le sol national, à condition, bien sûr, qu’ils respectent les règles de la République. Si, au bout de six mois, des menaces étaient à nouveaux proférées, si des réseaux étaient reconstitués, si les éléments qui avaient conduit la République à utiliser l’arme administrative dont vous avez bien voulu la pourvoir réapparaissaient, nous prononcerions à nouveau la fermeture du lieu de culte concerné.
L’expérience des services du ministère de l’intérieur montre que, pour les sept fermetures de lieux de culte prononcées en application de la loi SILT, la décision a systématiquement été attaquée par les personnes qui ont subi ces mesures. Les plaignants ont perdu à chaque fois – de ce point de vue, la justice administrative n’a pas été laxiste. Nous avons en outre constaté que les lieux ont rouvert, avec à leur tête des personnalités nouvelles – c’est d’ailleurs une bonne chose que les lieux de culte l’aient fait dans le respect des lois de la République –, et surtout sans résurgence, jusqu’à présent, des réseaux ou des menaces qui avaient conduit à leur fermeture.
Si une telle situation devait se produire, je donnerais des consignes très claires et, je le crois, conformes à l’esprit dans lequel vous défendez votre amendement : nous fermerions à nouveau le lieu de culte concerné. Cela ne pose aucune difficulté particulière. La durée maximale de six mois me paraît compatible avec le respect des libertés, comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel, tout en laissant à la République la possibilité de se défendre si les pratiques qu’elle avait voulu faire cesser se reproduisaient.
(L’amendement no 23 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de cinq amendements, nos 30, 31, 32, 33 et 36, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Éric Pauget, pour les soutenir.
M. Éric Pauget
J’appelle en particulier votre attention sur l’amendement no 31, qui vise à instaurer l’obligation, pour un lieu de culte, d’afficher publiquement la notification de fermeture administrative dont il a fait l’objet. Cette pratique existe dans d’autres domaines du droit, comme celui de la justice économique. Il me semblerait pertinent de l’étendre à ce secteur.
L’amendement no 33 tend à créer une astreinte financière journalière en cas de non-respect d’une décision de fermeture administrative. Cette disposition n’est pas prévue par les textes existants, alors même qu’il me semble important de toucher au porte-monnaie des établissements concernés.
Enfin, l’amendement no 36 vise à permettre de confisquer les biens qui se trouvaient dans un lieu de culte ayant fait l’objet d’une fermeture administrative.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
L’amendement no 30 concerne la possibilité de porter la durée de fermeture d’un lieu de culte à douze mois en cas de récidive. Je note d’abord que la récidive, en matière administrative, constitue une notion assez étrange. Une telle mesure pourrait toujours être envisagée, mais je ne suis pas certain qu’elle serait efficace en pratique.
En réalité, fermer un établissement de cette nature durant six mois représente une chute assez sérieuse. Par ailleurs, d’autres dispositions existent comme la dissolution de l’association ou, le cas échéant, l’expulsion de l’imam – cela a déjà été fait. L’amendement instaurerait une situation juridique branlante pour une réalité qui n’en a nul besoin. Avis défavorable.
J’émets également un avis défavorable à l’amendement no 31, qui propose l’affichage public de la notification de fermeture.
L’amendement no 32 propose l’aggravation du quantum de la peine en cas de violation de l’obligation de fermeture administrative. Or, dans les faits, il y a eu très peu de fermetures – sept – et, sauf erreur de ma part, aucune en 2020. Cette disposition à l’esprit lourdement sécuritaire ne correspond donc à aucune réalité. Je demande volontiers confirmation à M. le ministre : y a-t-il déjà eu des refus concrets de mise en application qui mériteraient la lourdeur de la loi pénale ? Je ne le crois pas. Parmi les sept cas de fermeture, aucun ne réclame une telle exigence.
L’amendement no 33, qui propose une astreinte journalière, est de même nature : il ne correspond pas à la réalité que les forces de police et les préfets rencontrent sur le terrain. J’émets également un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Pour répondre à l’interpellation de M. le rapporteur, il n’y en a pas. Je prendrai l’exemple que m’ont communiqué les services du ministère. La dernière fermeture a été prononcée le 4 février 2019 ; il s’agissait d’Al-Kawthar à Grenoble. Le 14 janvier 2019, une mesure de gel des avoirs a été prononcée contre le gestionnaire et contre l’association gérant ladite « mosquée » – je dis mosquée faute de mieux. Une visite domiciliaire a eu lieu le 15 janvier 2019 et l’arrêté ministériel d’expulsion a été pris le 12 juillet 2019.
On observe une parfaite complémentarité entre les services dans le cadre de la loi que vous avez votée, et je ne crois pas qu’il y ait eu de difficulté particulière. J’ai moi-même eu jadis à en connaître – de loin, certes – car l’administration fiscale a contribué à l’action interministérielle menée dans mon département, à Grande-Synthe, dans un cas particulièrement compliqué. L’arsenal actuel suffit et ne pose pas de difficulté juridique particulière.
M. le président
La parole est à M. Éric Pauget.
M. Éric Pauget
Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu au sujet de l’affichage public de la décision administrative. Celui-ci me semble d’autant plus important qu’il est pratiqué dans d’autres situations : quand un commerce fait l’objet d’une décision de justice, il doit afficher la décision de fermeture. Pourquoi ne pas l’accepter ici ?
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Didier Paris, rapporteur
Avis défavorable de la commission.
M. Éric Pauget
Pourquoi ?
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
On me précise que c’est fait. La publication est prévue dans le texte de l’arrêté. Si vous connaissez des fermetures de « mosquées » – toujours entre guillemets – prononcées en vertu de la loi SILT sans que les arrêtés aient été publiés, nous donnerons une consigne en ce sens ; mais ils l’ont été, car les arrêtés sont publics, comme toute décision de police administrative. Il n’y a pas d’obligation législative, et j’espère que mon engagement vous suffira.
M. le président
La parole est à M. Éric Pauget.
M. Éric Pauget
Les arrêtés sont publiés, mais ils ne sont pas affichés sur le lieu qui fait l’objet de la décision de fermeture. La différence est là.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
Je vous croirai volontiers si vous avez un exemple, mais mes services – je vous prie de tenir compte de ma nouveauté dans la fonction – me disent qu’ils sont à la fois publiés et affichés. Je répète que nous le ferons en cas de nouvelle fermeture.
(Les amendements nos 30, 31, 32, 33 et 36, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, no 2 de M. Éric Ciotti et no 22 de M. Fabien Di Filippo.
La parole est à M. Éric Ciotti, qui a déjà soutenu l’amendement no 2.
M. Éric Ciotti
Il proposait de rendre alternatifs, et non plus cumulatifs, les critères permettant de prononcer une MICAS, leur nombre ayant été relativement faible au regard de la menace existante.
Permettez-moi d’ajouter un mot sur l’amendement no 7, que j’ai défendu tout à l’heure sans le présenter et qui concernait la fermeture des lieux de culte. Il visait à élargir cette fermeture aux lieux présentant une relation avec la personne dirigeant un lieu de culte. En effet, on s’aperçoit fréquemment que, si le lieu de culte dans lequel des personnes prônent la haine peut être fermé, celles-ci continuent alors leur commerce néfaste et leur propagande dangereuse dans d’autres lieux. Cette disposition permettrait d’étendre la fermeture à tous les lieux dirigés par une personne prônant une idéologie et un message dangereux pour la République.
M. Dino Cinieri
C’est le bon sens !
M. le président
L’amendement no 22 de M. Fabien Di Filippo est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
Je comprends la logique suivant laquelle vous abordez la question, monsieur Ciotti. Il s’agit d’une question de fond, réelle, que nous devrons probablement reprendre dans le cadre de la discussion sur le projet de loi à venir. Votre proposition appelle néanmoins quelques réflexions complémentaires.
Premièrement, je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous entendez par le terme « lien de rattachement », qui me semble un peu vague au plan des principes, surtout au vu de son éventuelle implication pénale.
Deuxièmement, je tiens à clarifier le fait que le terme « lieu de culte » n’est pas une notion immobilière. Il désigne simplement l’endroit où s’exerce un culte de manière régulière. Que ce soit dans une salle de prière ou ailleurs, les décisions administratives sont prises avec la même rigueur. Je ne suis pas totalement persuadé qu’il faille aller plus loin, au risque de trop préciser notre argumentaire, et donc de le détruire en poursuivant un objectif commun.
La notion a été abordée, y compris dans l’un de vos rapports sur la loi SILT ; elle mérite notre intérêt mais nécessite aussi quelques réflexions complémentaires. Pour cette raison unique, la commission émet, à ce stade, un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Nous confondons les deux amendements, et je vais tenter de répondre aux deux interpellations.
Vous déplorez tout d’abord le fait qu’il n’y ait pas eu beaucoup de MICAS. Il y en a tout de même eu 302 depuis le 1er novembre 2018, pour 302 personnes différentes, ce qui n’est pas négligeable.
Concernant les lieux de culte, je souscris aux propos de M. le rapporteur et je comprends votre raisonnement, même si je ne suis pas sûr qu’il soit juridique. Le lieu de culte pouvant être surveillé ou fermé, un lieu annexe pourrait servir de refuge à ceux qui souhaitent échapper à la loi que nous proposons de proroger ; il faudrait donc que la République se protège en étendant à ces « lieux de rattachement », comme vous dites, des dispositifs policiers équivalents à ceux qui sont autorisés dans les lieux de culte principaux.
La grande difficulté juridique, car je ne suis pas sûr que votre amendement soit conforme au droit – auquel cas il ne nous aiderait pas –, c’est que, comme l’a très bien dit M. le rapporteur, le lieu de culte n’est pas désigné par nature ; c’est le lieu où s’exerce le culte. En droit, plusieurs possibilités ont été imaginés pour l’encadrer : la loi de 1905, avec un statut très particulier ; la loi de 1901, avec un statut plus simple au sujet duquel une discussion aura sans doute lieu bientôt ; et l’absence de déclaration juridique. En effet, il suffit que plusieurs croyants se réunissent quelque part et déclarent qu’il s’agit d’un lieu de culte pour en faire un lieu de culte, peu importe l’endroit.
Votre amendement, en plus de ne pas être clair, est donc redondant, car l’on procède déjà à des fermetures administratives de lieux de culte qui n’en sont pas réellement. La « mosquée » As Sounna à Marseille a été fermée par décision du préfet de police des Bouches-du-Rhône du 11 décembre 2017 ; il s’agissait d’un local d’un bailleur social, dont nous avons fait résilier le bail. Ce n’était pas un lieu de culte, mais un lieu annexe, « de rattachement », comme vous dites.
Premièrement, donc, le droit permet déjà d’intervenir sur les lieux que vous ciblez. Deuxièmement, il n’existe pas de définition du lieu de culte, qui est l’endroit où les croyants exercent un culte. Peut-être est-ce un problème pour la République, dont nous aurons l’occasion de reparler : quatre personnes qui se réunissent dans un garage, dans l’annexe d’un bâtiment ou chez elles, peuvent créer un lieu de culte. Je rejoins donc l’argument de M. le rapporteur : votre amendement est surnuméraire et il serait inutile de l’adopter.
(Les amendements identiques nos 2 et 22 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Éric Ciotti
Il vise à modifier la disposition prévoyant que la personne assignée à résidence est limitée à un périmètre géographique qui ne peut être inférieur à celui de la ville. La loi relative à l’état d’urgence permettait une assignation à résidence d’une durée de douze heures, contre neuf heures initialement prévues, grâce à un amendement de mon collègue Guillaume Larrivé et de moi-même – vingt-quatre heures étaient impossibles en raison d’un principe de constitutionnalité.
La loi SILT a considérablement affaibli la portée de cette mesure, puisqu’elle ne prévoit plus qu’une obligation de pointer dans le périmètre d’une ville ; son caractère protecteur en a été considérablement affadi. Je propose, par cet amendement, de revenir à la situation antérieure, qui était plus pertinente, plus efficace, et qui offrait à notre société une garantie de protection plus élevée.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
Nous ne sommes plus sous l’état d’urgence.
M. Éric Ciotti
Eh oui !
M. Didier Paris, rapporteur
Il s’agit de mesures de droit commun et de la vision commune que nous devons en avoir. Le Conseil d’État a été particulièrement clair en 2017 : l’assignation à résidence dans le cadre des MICAS n’est pas seulement limitative, mais restrictive de liberté ; compte tenu de cet avis, le Conseil constitutionnel jugerait sans doute, en portant un regard précis sur la loi, qu’elle n’est pas conforme à la Constitution. Je comprends votre logique, mais comprenez vous aussi que nous sommes dans un État de droit commun. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme Brigitte Kuster
Monsieur le ministre, je m’adresse à vous en tant que députée de Paris. L’amendement défendu par mon collègue Éric Ciotti y est particulièrement pertinent, car le périmètre de la commune est trop important. Il s’agit peut-être d’une mauvaise compréhension de ma part, mais trouvez-vous légitime d’autoriser la circulation sur un territoire grand comme Paris à une personne susceptible de commettre des actes à caractère dangereux, voire terroriste ?
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
Sauf erreur de ma part, M. Ciotti s’est une nouvelle fois trompé entre l’exposé des motifs et le corps de l’amendement. (Sourires.) Je ne saurais donc vous rassurer sur la ville de Paris, car ce qu’il a défendu ne correspond pas au texte.
Mme Brigitte Kuster
Si : il concerne bien le territoire.
M. Gérald Darmanin, ministre
Je ne le crois pas. M. Ciotti doit avoir un problème avec les chiffres, et Mme Kuster rebondit sur un amendement qui n’est pas celui qu’il a présenté.
Mme Cécile Untermaier
Nous ne sommes pas sortis de l’auberge…
M. le président
La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme Brigitte Kuster
Partons du principe que le sujet se pose même s’il n’est pas celui de l’amendement, dont j’ai compris qu’il se rapportait au périmètre. Pouvez-vous, monsieur le ministre, prendre en considération notre inquiétude pour Paris et en tirer les conséquences pour améliorer le dispositif ?
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
Parfaitement. Je l’ai indiqué au début de la discussion générale, nous souhaitons prolonger l’application de certaines dispositions de la loi SILT, la crise sanitaire ne nous ayant pas permis d’en débattre en temps voulu. Un débat de fond se tiendra dans quelques semaines et nous aurons alors l’occasion d’aborder le sujet de la ville de Paris. Je vous promets d’y être attentif.
M. le président
La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti
Nous parlons du même sujet, Mme Kuster et moi, puisque je vous propose de revenir au texte antérieur. Mme Kuster conteste légitimement votre proposition de prolonger les dispositions issues de la loi SILT, en particulier celle qui consiste à assigner une personne dont le caractère dangereux est avéré dans le périmètre d’une ville. Une personne qui fait l’objet d’une MICAS à Paris ne peut donc pas sortir de Paris et doit se présenter régulièrement aux services de police de Paris. Je vous propose, pour ma part, de revenir à la situation antérieure : une assignation à domicile maximale de douze heures par jour.
Vous soulevez le risque de l’inconstitutionnalité, monsieur le rapporteur. Prenons nos responsabilités de législateurs, mais rappelons que le Conseil constitutionnel s’était prononcé quant à la constitutionnalité de l’extension de neuf à douze heures de cette assignation que nous avions décidée. Je doute qu’il revienne sur sa décision.
Par ailleurs, si votre argument était pertinent, ce dont je doute, il légitimerait la proposition que j’ai défendue à la tribune, à savoir voter une grande loi constitutionnelle qui permette de protéger notre société contre le terrorisme grâce à des mesures de rétention administrative ou de rétention de sûreté, que je soutenais avec le soutien tout à fait solidaire de M. Darmanin il y a encore quelques années. (Mme Brigitte Kuster applaudit.)
M. Dino Cinieri
Absolument !
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
Je suis très heureux de vous rappeler votre jeunesse qui vous manque, semble-t-il, monsieur Ciotti. (Sourires)
Vous avez débattu de ce texte sans moi, puisque je n’étais pas aux responsabilités à cette époque. Nous ne saurions anticiper la décision du Conseil constitutionnel, mais il est évident qu’il a validé le régime d’assignation à résidence en raison de l’état d’urgence, prévu par la Constitution et justifié par des faits exceptionnels, mais par nature temporaires. Le Conseil constitutionnel n’a en effet cessé de le répéter au Gouvernement et au Parlement : ces douze heures se justifiaient par l’état d’urgence et ne sauraient s’appliquer en temps ordinaire. Il ne me semble donc pas honnête, monsieur Ciotti, de chercher à nous convaincre que le Conseil constitutionnel validerait la durée de douze heures en temps ordinaire.
L’Assemblée nationale use de son droit d’amendement, mais le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition.
(L’amendement no 5 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 21.
M. Fabien Di Filippo
J’espère, par la magie de cet amendement, replacer les propos de Mme Kuster au centre du débat et vous permettre, monsieur le ministre, d’accélérer la démarche que je veux croire sincère et que vous avez initiée pour renforcer les conditions de sécurité dans notre pays.
Cet amendement concerne le périmètre d’assignation à résidence. Notre collègue l’a très bien expliqué, le code de la sécurité intérieure prévoit que le ministre de l’intérieur peut contraindre la personne, en l’espèce un djihadiste ou potentiel terroriste, à ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur au territoire de la commune et qui permet à l’intéressé de poursuivre une vie familiale et professionnelle. Cette mesure est aberrante en ce qu’elle ne me paraît pas compatible avec la sécurité de nos concitoyens.
Par conséquent, cet amendement tend à ce que le périmètre géographique de l’assignation à résidence puisse être inférieur au territoire d’une commune, lequel peut parfois dépasser plusieurs milliers de kilomètres carrés. Le périmètre de l’assignation pourrait correspondre à celui d’un quartier, voire d’un arrondissement, ce qui permettrait aux individus concernés de continuer à exercer certaines de leurs libertés dans la limite de la menace qu’ils représentent pour leurs concitoyens. Je sais, monsieur le ministre, que nous pourrions faire confiance à vos services pour s’en assurer avec précision.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
Si je comprends bien le sens de votre proposition, vous souhaitez que la loi ne fasse plus référence à un quelconque périmètre. Or, nous devons préserver l’équilibre entre la nécessité de prévenir toute atteinte à l’ordre public, à laquelle nous sommes attachés, et celle de préserver la vie privée et l’exercice d’une activité professionnelle. Cette problématique se pose également dans les circonstances actuelles du droit commun. En vertu de nos principes fondamentaux, il n’est donc pas possible de retirer de la loi toute limitation du périmètre de cette mesure. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme Brigitte Kuster
Pardonnez-moi d’insister, mais le sujet est très important. Il est évident que le terme de commune ne revêt pas le même sens selon qu’il s’applique à une petite ville de 150 habitants ou à une grande agglomération de 2 millions d’habitants comme Paris, Lyon ou Marseille, dans laquelle un individu peut facilement disparaître en se fondant dans la population. La loi comporte ici une vraie faille. J’ai bien compris que nous n’allions pas la combler ce soir et que d’autres occasions se présenteraient, mais je ne comprends pas que vous ne reconnaissiez pas la différence entre la possibilité laissée à de dangereux individus de déambuler librement dans Paris ou à l’intérieur de petits villages de province.
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Je ne cherche pas à restreindre drastiquement les libertés de ces individus, mais à rendre le périmètre de leur assignation proportionnel à leur dangerosité. La notion de commune recèle, en elle-même, une profonde inégalité.
(L’amendement no 21 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 12.
Mme Emmanuelle Ménard
Je pense que la rédaction de cet amendement mettra tout le monde d’accord. La loi SILT prévoit qu’il puisse être fait obligation aux personnes susceptibles de commettre un attentat d’être assignées à un périmètre géographique déterminé. La loi dispose aujourd’hui que ce périmètre géographique ne peut être inférieur au territoire de la commune. Or, Mme Kuster a raison : être assigné à résidence à Paris ou Marseille n’a pas le même sens que l’être à Pézenas, à Mende…
M. M’jid El Guerrab
Ou à Aurillac !
Mme Emmanuelle Ménard
Il convient de préciser ce périmètre, ne serait-ce que pour ne pas créer d’inégalités entre les personnes, puisque certaines pourraient se promener dans un périmètre beaucoup plus large que les autres.
Cet amendement tend donc à compléter la première phrase du 1o de l’article L.228-2 du code de la sécurité intérieure par les mots :« ou d’un périmètre défini par un cercle d’un rayon de quinze kilomètres autour du lieu de résidence », ce qui correspond à la taille moyenne d’une commune en France.
Je pense que vous ne pourrez qu’approuver cette proposition pragmatique, qui a le mérite de placer tous les individus concernés sur un pied d’égalité en ne faisant plus référence à la notion de commune.
M. Sylvain Maillard
Un rayon de quinze kilomètres donne une commune plus grande que Paris !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
Je ne suis pas convaincu par le pragmatisme de cette proposition et je ne sais pas à quoi correspondent ces quinze kilomètres. Le débat reste le même, et l’avis de la commission est défavorable.
(L’amendement no 12, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 37.
M. Éric Pauget
Cet amendement tend à élargir les obligations déclaratives de contrôle administratif et de surveillance aux véhicules et aux moyens de communication de la personne soumise à ce dispositif. Cette proposition fait suite aux remarques des policiers et des agents qui travaillent dans ce domaine. La loi est lacunaire, car elle n’impose pas aux personnes concernées par ces dispositifs de déclarer leurs véhicules et leurs moyens de communication, alors que ce sont les moyens de propagation aujourd’hui utilisés.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
Avis défavorable, pour des raisons constitutionnelles qui ont déjà été évoquées.
(L’amendement no 37, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 20 et 3, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 20.
M. Fabien Di Filippo
Actuellement, au-delà de six mois, le renouvellement des MICAS nécessite de fournir des éléments nouveaux. Seules 14 % des MICAS sont ainsi prolongées au-delà de six mois, et 9 % après neuf mois, ce qui ne correspond pas au niveau de dangerosité des individus concernés.
Cet amendement tend par conséquent à supprimer l’exigence d’éléments nouveaux ou complémentaires pour prolonger les MICAS.
M. le président
La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Éric Ciotti
Cet amendement tend à élargir la portée des MICAS en supprimant l’exigence d’éléments nouveaux ou complémentaires pour leur renouvellement. L’amendement no 4, que présentera M. Cinieri, a le même objet.
Aujourd’hui, le cadre des mesures dont nous disposons est extraordinairement restrictif, comme en témoignent les dispositions relatives au périmètre de l’assignation à résidence ou l’exigence d’éléments nouveaux pour renouveler une MICAS au-delà de six mois. Or, la dangerosité d’une personne soumise à une MICAS peut être connue des services de renseignement sans qu’aucun élément nouveau ne soit apparu.
Nous devons élargir la portée des MICAS et nos amendements poursuivent cet objectif, qu’ils visent à restreindre le périmètre de l’assignation à domicile, à faciliter le renouvellement des MICAS ou à en prolonger l’application.
Ces MICAS sont des outils indispensables, en particulier pour prévenir la dangerosité des individus qui sortent de prison après une condamnation pour terrorisme ou des détenus de droit commun radicalisés. C’est l’objet de la proposition de loi de Mme Braun-Pivet, mais profitons du texte que nous examinons aujourd’hui pour élargir la portée de ces MICAS.
J’avoue ne pas comprendre votre frilosité en la matière car ces mesures, sans être la panacée car nous pourrions aller plus loin, sont utiles. Je crois que nous pourrions tous nous accorder sur la nécessité de les renforcer. Vous aurez besoin d’outils pour limiter la dangerosité de ces individus. Profitez de ces amendements !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
On ne peut pas ne pas comprendre vos arguments, cher collègue.
M. Éric Ciotti
Acceptez donc nos amendements !
M. Didier Paris, rapporteur
Je ne doute pas que les forces de police soient confrontées à des contraintes très lourdes – mais je laisserai le soin au ministre d’aborder ce sujet s’il le souhaite. La protection des libertés individuelles suppose de poser certaines obligations et ce dilemme est au cœur de notre débat, comme il le fut lors de l’examen du projet de loi SILT.
Pardonnez-moi de me répéter, mais rappelons que le Conseil constitutionnel, saisi à deux reprises d’une question prioritaire de constitutionnalité, a validé cette disposition fondamentale pour l’équilibre de la loi SILT. L’atteinte aux libertés individuelles doit être limitée et elle ne doit être prolongée que si la nécessité en est prouvée. J’ai bien conscience de la lourdeur de la procédure pour les services de police. Les contraintes sont réelles, mais pas insurmontables – en témoigne le nombre de MICAS prononcées. Certes, plus la date fatidique de l’échéance approche, moins leur renouvellement est fréquent, mais c’est normal : les services de police et les préfets ont pris conscience que la surveillance exercée permet, dans certains cas, de relâcher la pression initiale. Ne changeons rien à la cohérence de cet ensemble, sauf à tout revoir dans quelques mois.
(Les amendements nos 20 et 3, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 19, 11, 4, 18 et 38, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 4 et 18 sont identiques.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 19.
M. Fabien Di Filippo
La durée maximale des MICAS est à l’heure actuelle de douze mois : l’amendement vise à supprimer toute limitation de durée totale.
Je pense que, compte tenu de la dangerosité des individus concernés, il n’est pas normal, madame la présidente de la commission, d’imposer la production d’éléments nouveaux pour la prolongation des MICAS. On ne travaille pas dans le vent : une surveillance, une enquête, une filature, le démantèlement de réseaux impliquent souvent de maîtriser les individus concernés plus de douze mois. Il n’est pas possible d’assurer qu’ils sont redevenus de blanches colombes en douze mois et qu’ils peuvent dès lors reprendre leur vie dans une totale liberté.
Depuis le début, vous insistez beaucoup, monsieur le rapporteur, sur les libertés individuelles : on a tendance à oublier à quel type d’activités potentiellement terroristes se livrent ce type d’individus. Leur niveau de dangerosité est réel. J’aimerais qu’on défende avant tout ici la liberté de nos concitoyens de se déplacer sur le territoire national en toute quiétude et en toute sécurité.
M. le président
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 11.
Mme Emmanuelle Ménard
Mon amendement est plus précis que celui de M. Di Filippo, dont je partage les propos. Il vise à faire passer la durée pour laquelle sont prononcées les MICAS de trois à six mois et propose qu’elles puissent être renouvelées par décision motivée à deux reprises, pour une durée maximale de six mois et non plus de trois mois. Au-delà d’une durée cumulée non plus de six mois, mais de dix-huit mois, chaque renouvellement est subordonné à l’existence d’éléments nouveaux.
La durée totale cumulée des MICAS ne pourra excéder non plus douze mois, mais trois ans, dans un souci d’efficacité maximale. Les MICAS étant difficiles et lourdes à mettre en place par les forces de l’ordre, celles-ci doivent pouvoir les renouveler le plus facilement possible.
M. le président
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Dino Cinieri
Actuellement, la durée totale cumulée des MICAS ne peut excéder douze mois, ce qui paraît insuffisant au regard de la dangerosité des individus en cause. Le présent amendement propose en conséquence de porter cette durée à vingt-quatre mois. Cette disposition se justifie d’autant plus que les MICAS doivent être levées dès lors que le comportement de l’individu cesse de constituer une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics.
M. le président
Les amendements nos 18 de M. Fabien Di Filippo et 38 de M. Éric Pauget sont défendus.
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Didier Paris, rapporteur
Là encore, ces amendements nous confrontent à une problématique constitutionnelle, surtout lorsqu’ils évoquent une absence totale de limitation de durée, laquelle est inconcevable en droit commun. Monsieur Di Filippo, n’opposez pas une notion à une autre. C’est bien un équilibre que la loi SILT nous a permis de trouver et que nous tentons de préserver.
Vous avez évoqué les sortants de prison : nous avons une sensibilité particulière à cette question. Je renvoie à l’excellente proposition de loi déposée par la présidente de la commission des lois, qui vise à renforcer les éléments de contrainte, de contrôle et de surveillance qui pèseront sur ces personnes, dont nul d’entre nous ne peut douter de la dangerosité.
Avis défavorable à tous ces amendements, qui déclinent de manière différente la durée de prolongation des MICAS, voire proposent la suppression de toute limitation de durée.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Même avis.
(Les amendements nos 19 et 11, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 4 et 18 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 38 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir l’amendement no 39.
M. Éric Pauget
Comme l’amendement no 37, il concerne l’obligation de déclarer les véhicules et les moyens de communication.
(L’amendement no 39, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 13 et 14, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour les soutenir.
Mme Emmanuelle Ménard
Au-delà d’une durée cumulée de six mois, subordonner le renouvellement des MICAS à « l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires », c’est courir le risque de laisser sans surveillance une personne dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics. Je l’ai déjà expliqué: le rapport du CAT rappelle à quel point les risques de récidive des djihadistes ou des personnes condamnées pour terrorisme sont importants.
Aussi convient-il de subordonner ce renouvellement à l’avis des magistrats juridiquement compétents et qui, conseillés par les services de renseignement, pourront prendre les décisions adéquates.
L’amendement no 14 est un amendement de cohérence.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Didier Paris, rapporteur
Ils me paraissent engendrer une grande complexité en confondant l’administratif et le judiciaire. Vous souhaitez en effet maintenir des dispositions administratives, distillées avec des dispositions judiciaires.
Il y a, d’un côté, les décisions administratives, qui font l’objet d’informations du procureur de la République et, de l’autre côté, la décision judiciaire. Notre souhait est d’ailleurs que la plupart des procédures, lorsque cela se révèle nécessaire, soient judiciarisées. Le fonctionnement actuel est équilibré, cohérent et, nous semble-t-il, efficace. Aussi la commission est-elle défavorable à ces deux amendements.
(Les amendements nos 13 et 14, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de quatre amendements, nos 40, 41, 42 et 44, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Éric Pauget, pour les soutenir.
M. Éric Pauget
L’amendement no 40 vise à interdire l’expression publique d’un représentant du culte soumis à une restriction de contact. L’amendement no 41 allonge les durées des MICAS dans le cadre de la restriction des relations entre personnes présentant une menace pour la sécurité publique. L’amendement no 42 durcit les sanctions en cas de violation des mesures de contrôle administratif et de surveillance. L’amendement no 44, enfin, prévoit d’élargir la possibilité de visiter et de saisir les véhicules de la personne visée par des mesures de contrôle administratif et de surveillance.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?
M. Didier Paris, rapporteur
Défavorable aux quatre.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. M’jid El Guerrab.
M. M’jid El Guerrab
Depuis un moment, j’entends un festival de propositions restrictives, visant à enfermer, à stigmatiser ou encore à afficher sur des pancartes de quatre mètres sur trois que tel ou tel lieu de culte a connu des prêches de tel ou tel type. Monsieur Ciotti, de telles mesures ne sont pas efficaces. Fermer des lieux de culte à tout-va, laisser les gens dans la nature, chercher à abolir toute limitation de durée, sans aucun respect ni de la Constitution ni de la laïcité, ne pourra que provoquer l’effet contraire à celui que vous recherchez.
Alors que nous nous dirigeons vers 2022, nous pouvons déjà voir les thèmes sur lesquels la droite cherchera à broder. C’est dommage. Aujourd’hui, vous stigmatisez une partie de la population, les musulmans. De manière débile, vous les jetez tous dans le même sac.
Se rendre dans une mosquée où on a pu entendre des prêches radicaux ne signifie pas qu’on est soi-même radical. En revanche, l’auteur d’un prêche radical doit être jeté en prison, enfermé, parce que nous sommes tous contre le terrorisme. Toutes ces propositions ne sont pas intelligentes.
M. le président
La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric Ciotti
Une différence majeure nous oppose, cher collègue. Vous avez évoqué les fermetures de lieux de culte. Or, contrairement à ce que vous avez laissé entendre, je n’ai jamais affirmé qu’il fallait fermer les lieux de culte de manière globale : un cadre légal existe, il faut le respecter. Mon amendement visait simplement à associer à la fermeture d’un lieu de culte où des personnes prôneraient une idéologie dangereuse pour la République celle des annexes dirigées par la même personne dangereuse.
Vous affirmez au contraire qu’en cas de prêches dangereux pour la République, ce n’est pas pour autant qu’il faut fermer le lieu de culte où ils ont été prononcés. Si, il faut fermer ce lieu de culte, parce que ces prêches dangereux propagent une idéologie qui est elle-même très dangereuse.
J’ai présidé la commission d’enquête sur l’attentat contre la préfecture de police de Paris : à Gonesse existe un lieu de culte qui était dirigé par une personne suivie par les services de renseignement et qui, à bien des égards – l’enquête judiciaire sur l’attentat contre la préfecture de police établira son rôle –, pouvait présenter un caractère dangereux. Faut-il ne rien faire et laisser un tel lieu ouvert ? Nos points de vue sont fondamentalement opposés.
Oui, je le répète, il faut fermer les lieux de culte qui propagent la haine et des valeurs contraires à la République : en le faisant, ils nous menacent et menacent la République. Ne pas les fermer, c’est faire preuve d’une extraordinaire naïveté. Je pense que le ministre ne peut s’associer à vos propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
(Les amendements nos 40, 41, 42 et 44, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l’amendement no 26.
M. Alexis Corbière
Il vise à créer un comité d’évaluation indépendant, « composé de vingt membres : quatre magistrats de l’ordre judiciaire, quatre avocats, le Défenseur des droits, deux membres de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, deux universitaires et sept personnalités qualifiées issues d’associations ou d’organisations non gouvernementales spécialistes des droits humains ».
Quel que soit le jugement que nous portons sur ce texte – vous connaissez nos critiques –, nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’il doit être évalué, afin de savoir, par exemple, si nos critiques étaient justifiées ou non, ou si son application doit être corrigée. Tel est le sens de cet amendement, qui renforcerait le contrôle parlementaire que nous devons tous soutenir.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
M. Corbière a parfaitement raison : il faut évaluer cette loi et contrôler son application. C’est précisément la raison pour laquelle chaque mois, les chiffres de la loi SILT sont publiés sur le site de l’Assemblée nationale, et pour laquelle des collègues sont spécifiquement chargés du contrôle de cette loi, en particulier Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, et Éric Ciotti, dont le travail en la matière est remarquable, ainsi que Raphaël Gauvain. C’est aussi la raison pour laquelle le Parlement est destinataire de nombreux rapports du Gouvernement. M. le ministre de l’intérieur expliquera en outre sans aucun doute l’état de la situation de la loi SILT devant le Parlement.
Peu de textes sont autant évalués, scrutés et contrôlés, et c’est heureux. Je ne souhaite pas qu’on déporte les capacités d’évaluation et de contrôle ailleurs qu’au Parlement : c’est notre travail et notre responsabilité. Avis défavorable à l’amendement.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Je remercie le rapporteur du style rond et cordial dont il a usé pour me répondre. Il me semble toutefois – vous me corrigerez si je me trompe – que le rapport d’évaluation prévu n’a pas été publié.
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois
Si !
M. Alexis Corbière
Il a été publié ?
Je crois, en revanche, que les travaux de M. Ciotti que vous avez évoqués n’ont pas encore fait l’objet de la moindre publication. Vos propos recèlent donc une certaine part d’approximation. La mission de contrôle n’a pas rendu ses travaux. Mais peut-être nous trompons-nous…
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République
Je souhaite simplement préciser à notre collègue comment le contrôle s’effectue. Trois d’entre nous sont chargés de ce contrôle : Éric Ciotti, en sa qualité de représentant du principal groupe d’opposition de l’Assemblée, Raphaël Gauvain, qui était rapporteur de la loi SILT, et moi-même, en tant que présidente de la commission des lois. Tous les mois, je procède à une communication des comptes rendus de nos travaux au bureau de la commission ; tous les groupes représentés dans la commission sont présents, à l’exception du vôtre : vous êtes invités, mais vous ne venez jamais.
Nous effectuons régulièrement des déplacements et des auditions, dont les comptes rendus sont disponibles et auxquels vous pouvez vous référer. En outre, le ministre de l’intérieur nous remet tous les ans un rapport en fin d’année, à la suite de quoi nous l’entendons spécifiquement sur cette thématique.
Dans le cadre de l’évaluation finale de la loi, je rendrai avec Éric Ciotti et Raphaël Gauvain un rapport qui regroupera l’ensemble des travaux. Vous pouvez néanmoins d’ores et déjà vous y référer, puisqu’ils figurent sur la page de la commission des lois, qui est accessible à tous les citoyens, dont vous-même.
J’espère que ma réponse est complète.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre
La présidente de la commission a tout dit ! Si M. Corbière le souhaite, nous pouvons lui communiquer les deux rapports rendus au Parlement par mes prédécesseurs, mais je crois que la commission dispose également de ces documents.
(L’amendement no 26 n’est pas adopté.)
Article 2
M. le président
La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Guillaume Larrivé
Ces derniers mois, j’ai présidé la mission d’information commune sur l’évaluation de la loi relative au renseignement, dont les corapporteurs étaient Loïc Kervran et Jean-Michel Mis. À ce titre, je tiens à dire, comme d’autres l’ont fait avant moi, tout le respect et la reconnaissance que m’inspirent les hommes et les femmes qui travaillent au sein de la communauté du renseignement. Par définition et compte tenu de la nature de leur mission, ils sont souvent peu connus des Français. Pourtant, ils méritent de l’être, car ils mènent au service de l’intérêt national une œuvre toujours discrète, parfois secrète.
Monsieur le ministre, je voterai en faveur de l’article 2 tel qu’il est présenté par le Gouvernement, mais je crois profondément qu’il est nécessaire d’adopter dès l’automne un texte plus ambitieux que celui que vous nous présentez cet après-midi et qui, d’une certaine manière, est provisoire.
L’architecture des services de renseignement autant que celle des procédures de contrôle et de décision me semble bonne, mais compte tenu des évolutions technologiques et des évolutions juridiques à l’échelle européenne, je pense qu’il est nécessaire d’ajuster le cadre juridique des services de renseignement. Vous trouverez dans la lecture du rapport, que le ministère connaît bien et que votre directeur de cabinet connaît mieux que quiconque, matière à réflexion.
Dans les mois qui viennent, nous devrons réussir à faire ensemble œuvre utile, comme nous l’avons fait il y a cinq ans. La majorité était alors socialiste, le gouvernement placé sous la direction de Manuel Valls ; Jean-Jacques Urvoas, rapporteur du projet de loi, et votre serviteur, en tant que corapporteur de son application, avaient contribué à écrire la loi de 2015. Cinq ans après, tâchons de l’améliorer sans trop tarder, monsieur le ministre – certains dispositifs juridiques et technologiques sont, je crois, attendus par vos services. La représentation nationale aura le devoir de les adopter.
M. le président
La parole est à M. Ludovic Mendes.
M. Ludovic Mendes
Je ferai très court, monsieur le président, car je sais que le temps nous est compté ! (Sourires.) La loi SILT a permis la prorogation d’une technique de renseignement par traitement automatisé, issue de la loi du 24 juillet 2015, le fameux algorithme visé par les dispositions de l’article 2 du présent projet de loi – et non de l’article 1er. Comme pour ces dernières, et ainsi que vient également de le dire notre collègue Guillaume Larrivé, nous souhaitons un réexamen approfondi des dispositions visées par l’article 2. Le débat sur les amendements déposés à l’article 1er et après l’article 1er a posé le sujet.
Même si nous comprenons qu’il ait été repoussé en raison de la crise sanitaire, nous espérons qu’ainsi que le ministre l’a annoncé tout à l’heure, un texte sera discuté d’ici à l’automne, et au plus tard en début d’année 2021, qui permettra de parfaire l’arsenal juridique punitif à disposition des services de renseignement et de surveillance. Améliorer le dispositif existant nous permettra de garantir aux Français une vie en toute sécurité.
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l’amendement no 27.
M. Alexis Corbière
Nos collègues ont indiqué, peut-être allusivement parfois, qu’il faudrait prendre le temps de discuter. C’eût en effet été nécessaire, même si ce n’est pas la critique que nous émettons à l’égard de l’article 2. Nous proposons de le supprimer, car il tend à durcir les moyens de surveillance et à limiter les libertés publiques, notamment par des techniques très intrusives, particulièrement s’agissant de l’utilisation d’internet.
Nous pensons que c’est dangereux et, surtout, nous voudrions souligner qu’en six ans, cinquante-huit des cinquante-neuf attentats déjoués l’ont été grâce à du renseignement humain. Bien des dispositifs qui nous sont proposés sont en réalité tout à fait inefficaces. Or il semblerait que la direction générale de la sécurité intérieure – DGSI – et le ministère de l’intérieur considèrent que ces dispositifs sont inefficaces car pas assez intrusifs. Chercher à les rendre plus intrusifs est une approche du problème qui ne nous semble vraiment pas sérieuse. C’est pourquoi, en l’état, nous proposons la suppression de l’article 2.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Paris, rapporteur
Je ne reviendrai pas sur les explications, données par M. le ministre au début de l’examen du texte, sur la nécessité d’un mix entre contrôle humain et contrôle technologique.
Par ailleurs, je pense que nous serons d’accord pour dire qu’il nous faut des moyens d’intervention renforcés. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous renvoyons le débat à celui sur l’évolution des techniques de renseignement, comme la Cour de justice de l’Union européenne nous forcera d’ailleurs peut-être à le faire.
J’ai lu avec beaucoup d’attention le rapport de nos collègues Loïc Kervran, Jean-Michel Mis et Guillaume Larrivé. Il est extrêmement mesuré – du moins pour sa partie publique, car je ne dispose pas d’une habilitation spécifique –, et met bien en lumière les évolutions possibles des techniques, qui sont rendues nécessaires par une complexification de la délinquance qui justifie de passer d’un simple contrôle de connexion à un contrôle de contenu. Avis défavorable à l’amendement.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Loïc Kervran.
M. Loïc Kervran
M. le rapporteur a évoqué la partie publique du rapport. En tant que membre de la délégation parlementaire au renseignement, j’ai eu, comme Mme la présidente de la commission des lois, accès au rapport classifié. Ce dernier confirme l’extrême utilité et l’intérêt opérationnel de l’algorithme : il s’agit d’un outil capital.
Je suis élu d’une circonscription très rurale et j’aimerais partager cette expression de Jules Romains pleine de sagesse populaire : « Il n’est pas égal de secouer l’arbre, ou d’attendre que les baies tombent seules. » Nous sommes clairement du côté de ceux qui secouent l’arbre. (Sourires.)
(L’amendement no 27 n’est pas adopté.)
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
(L’article 3 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
3. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, jeudi 23 juillet 2020, à neuf heures :
Débat d’orientation des finances publiques pour 2021.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Serge Ezdra